Le gazogène de grand-papa va chauffer la piscine de Tournai

 » C’est dans les vieilles marmites que l’on prépare les meilleures soupes « . En matière d’énergies vertes, cet adage bien connu a trouvé une application très contemporaine avec la remise au goût du jour du célèbre gazogène qui a rendu bien des services à quelques générations passées.

A l’énoncé de ce mot, on ne peut en effet s’empêcher d’évoquer les heures les plus sombres de la Seconde Guerre mondiale, lorsque l’occupant réquisitionna les réserves de carburant pour son propre charroi. On vit alors fleurir sur les capots des véhicules de bien curieuses marmites à pression qui faisaient avancer voitures et camions grâce à la seule énergie du bois.

Bien sûr, la technique mise en £uvre aujourd’hui a considérablement évolué, mais elle se fonde, en gros, sur le même principe.

C’est une  » spin-off  » (une société dérivée à caractère commercial) de l’université catholique de Louvain, l’UCL, qui a eu l’audace de remettre au goût du jour cet héritage d’un passé inventif et de concevoir des installations de cogénération fonctionnant au  » gaz de bois  » pour produire à la fois de l’électricité et de la chaleur.

Installée à Charleroi, la société Xylowatt termine les ultimes réglages d’une centrale à bois (Gazenbois) qui va permettre, dans quelques semaines, de faire fonctionner la grande piscine communale de Tournai en réalisant de substantielles économies et en créant de l’emploi.

Avec ses 30,6 mètres de longueur et 20 de largeur, Aqua-Tournai, que les habitants connaissent aussi sous le nom de  » piscine de l’Orient « , est une belle réalisation. De construction récente, dotée d’une piscine extérieure, de toboggans et d’un fond mobile qui permet de régler les hauteurs de bassin au gré des besoins, elle fait le bonheur de nombreux Tournaisiens et d’un club de water-polo renommé, le CNT. Seul hic, mais il est de taille : une piscine, cela consomme. Pas moins de 70 000 euros de chauffage et 100 000 euros d’électricité pour la seule année 2008 !

Fabien Vandemeulebroecke est conseiller en énergie de la Ville de Tournai et il suit avec grand intérêt les ultimes réglages de la centrale baptisée  » Gazenbois  » érigée à 200 mètres environ du complexe aquatique.

 » Face à ces coûts de fonctionnement, la Ville de Tournai a cherché des alternatives et elle s’est rapidement tounée vers le bois pour deux raisons : d’une part, nous possédons un patrimoine arboré très important dans nos parcs, le long des routes et sur les terrains communaux ; ensuite, nous nous sommes rendu compte qu’une technique comme la gazéification du bois couplée à une cogénération permet d’atteindre un rendement très élevé. « 

La partie la plus visible des installations est un vaste hall de stockage dans lequel un grappin prélève – sans intervention humaine, et vingt-quatre heures sur vingt-quatre – les quantités de plaquettes (du bois haché et séché) nécessaires pour faire tourner l’installation. Ce bois est ensuite convoyé vers la centrale où il est d’abord ingurgité par le gazogène qui le transforme en gaz combustibles (principalement du monoxyde de carbone et de l’hydrogène), notamment par pyrolyse et réduction.

Le gaz, refroidi, lavé et débarrassé de ses dernières impuretés grâce à un filtre à sciure de bois (restons dans le naturel) alimente alors un puissant moteur Mercedes de cogénération qui produit de l’électricité et de la chaleur.

Certificats verts

La production d’électricité sera largement supérieure à ce que consomme la piscine, ce qui signifie qu’une partie importante du courant sera réinjectée sur le réseau, avec des certificats verts à la clé. Même phénomène pour la chaleur : sur une production annuelle de 3 300 MWh, la piscine n’en utilisera que 1 800. Le solde sera le bienvenu pour sécher les plaquettes stockées à la centrale, mais les responsables tournaisiens envisagent aussi de créer un mini-réseau de chaleur pour chauffer des bâtiments voisins. Ici, rien ne se perd !

L’ensemble du cycle est entièrement automatisé et on estime qu’en raison des inévitables périodes de maintenance ou d’amélioration du processus, la centrale devrait fonctionner pendant environ 5 500 heures sur les 8 760 que compte une année. Le reste du temps, l’appoint sera réalisé avec la chaudière à gaz de la piscine. Coût de l’installation : 3,3 millions d’euros dont 2,3 subventionnés et, à la clé, la création de deux emplois qui viendront renforcer l’équipe d’élagueurs travaillant déjà à la Ville.

25 hectares de saules

Tournai veut, en effet, valoriser ses réserves en bois. Bien qu’elle ne soit pas une commune forestière comme Gedinne ( lire page 28), son patrimoine est important et le simple entretien des arbres et taillis permettra d’alimenter la centrale pour un tiers de ses besoins. Un deuxième tiers proviendra de la taille régulière (tous les trois ans) de 25 hectares de saules plantés par des agriculteurs avec qui la Ville a passé une convention : elle leur a fourni les boutures de saule ainsi que les machines pour les planter puis les tailler, à charge pour les agriculteurs de récolter le bois et de l’acheminer vers la centrale. Enfin, le troisième tiers du bois nécessaire pour faire tourner Gazenbois sera acheté auprès d’entreprises locales sous forme de résidus de scierie, de recyclage de palettes, etc.

Les avantages environnementaux de l’initiative tournaisienne sont plus qu’appréciables puisqu’on estime notamment à 1 300 tonnes la quantité de CO2 qui ne sera pas rejetée dans l’atmosphère. En matière de déchets, les cendres de bois produites par la centrale ne représenteront que 1 à 2 % du volume initial et devraient être utilisées comme fertilisant naturel. Enfin, et ce n’est pas là le moindre des avantages, la communauté réalisera de belles économies puisque la majeure partie des produits d’élagage était jusqu’ici évacuée et mise en décharge à grands frais.

FRANCIS GROFF

l’ensemble du cycle est entièrement automatisé

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