Le futur visage de la ville

En 2023, Charleroi comptera de nouveaux logements, une Ville-Basse redynamisée, un ring embelli, des bâtiments publics flambant neuf… Le point sur les grands chantiers.

Quarante-sept pages pour dessiner le nouveau visage de Charleroi. Lorsqu’on le questionne sur ses ambitions, Paul Magnette s’en réfère à son projet de ville. Le document sera sa feuille de route. Mais il comporte un préambule. Indispensable : faire (re)venir les habitants vers le centre.  » Car le problème des finances communales, c’est qu’il y a beaucoup de dépenses mais pas assez de recettes « , reconnaît le bourgmestre socialiste. Il faut donc densifier, pour étoffer la population de contribuables. Objectif avoué : 40 000 Carolos de plus d’ici 40 ans pour atteindre les 250 000 âmes.

Mais on n’attire pas les mouches avec du vinaigre. La ville doit s’offrir un sérieux ravalement de façade. A quoi ressemblera Charleroi dans dix ans ? Plusieurs projets sont en cours. D’autres sont couchés sur les pages du fameux projet.  » Tant qu’on n’aura pas amélioré le centre, on ne changera pas le sens de l’histoire. Sur papier, les ambitions semblent séduisantes, admet Luc Parmentier, chef de file de l’opposition Ecolo. Mais il faudra trouver les financements. Le scénario est intéressant. Reste à savoir par quel épisode commencer…  »

Des logements comme s’il en pleuvait. Plus 40 000 habitants en 40 ans : cela fait 1 000 nouveaux arrivants par an. Qu’il faudra loger.  » Il reste pas mal de réserves foncières « , certifie Paul Magnette, qui entend construire 400 nouveaux biens annuellement. Mais pas question de tout sacrifier sur l’autel de la promotion immobilière : le bourgmestre promet d’ériger dans les règles.  » Car les logements déterminent la nature de la population.  »

Dans les quartiers déjà hautement peuplés, des immeubles vétustes seront détruits pour plus d’aération. De nouveaux biens prendront place dans les zones à faible densité. Comme des éco-quartiers. 1 500 logements sociaux doivent être construits à la Cité du Parc à Marcinelle et aux Closières à Mont-sur-Marchienne. Les appartements inoccupés au-dessus des commerces devront être valorisés.

Une ville basse sauvée par Phénix. Phénix n’est pas encore près de renaître de ses cendres. La majorité des 8 phases que comprend ce projet de revitalisation urbaine accuse un retard important. Seul le chapitre 2 (la rénovation de la rue de la Montagne) est clos. Pour les autres, les chantiers sont en cours et devraient aboutir en 2014. Investissement total : 52 millions, subsidiés à 40 % par des fonds européens Feder.

La Ville-Basse s’en retrouvera complètement remodelée. Le quartier compris entre les rues du Collège et Desandrouin sera piétonnier. La place de la Digue abritera un parking souterrain et sera recouverte d’une halle vitrée. Un centre de distribution urbain (espace logistique pour les petits commerces) sera érigé entre le ring et la rue du Grand Central. Les quais de la Sambre auront été abaissés de 80 centimètres et une passerelle reliera les deux rives. L’ancienne Banque nationale sera devenue une Porte des Arts regroupant cinémas, résidences et ateliers d’artistes, centre d’art…

Tout un programme. Sans oublier le complexe Rive Gauche, privé cette fois, et donc non estampillé Phénix. Pourtant, les deux sont inextricablement liés. La galerie commerçante de 33 000 m² doit être  » la planche de salut de toute la Ville-Basse « , dixit Raphaël Pollet, le directeur du projet. Des demandes de permis ont été réintroduites et le promoteur caresse l’espoir de pouvoir débuter le chantier d’ici la fin d’année. Même si des recours sont à craindre. Ouverture espérée en 2016.

Le collège entend ensuite lancer un plan Phénix bis qui viserait à construire un campus autour de l’Université du travail, à revitaliser les places Charles II et du Manège… Si les subsides européens tombent à nouveau.

Une gare à l’aéroport. Peut-être… Le projet lui tient particulièrement à coeur. Mais dans le dossier de la gare de Gosselies, il faudra plus que de la volonté à Paul Magnette. L’ambition : construire une gare sous (ou près de) l’aéroport. L’objectif : faciliter l’accès aux voyageurs mais aussi aux travailleurs de l’aéropole tout proche. Le problème : l’argent. Il faudrait 660 millions pour la version souterraine, 430 millions pour la version classique. Un sacré budget, alors que les caisses de la Région ne croulent pas sous le cash. Le plan pluriannuel des investissements de la SNCB ne devrait pas dépasser 800 millions. Et le gouvernement wallon n’entend pas réserver la totalité de cette enveloppe à Charleroi. Une inauguration en 2019, comme le mentionne le site de la ville, semble être une prédiction osée…

Un Eros Center à l’anversoise ? Prendre la prostitution à bras-le-corps : telle est l’ambition du collège carolo, exprimée dans le projet de ville. Comment ?  » En analysant la possibilité de définir un lieu sûr, garantissant la sécurité et le soutien sanitaire aux professionnelles à l’instar de ce qui se fait à Anvers.  » L’allusion à la Villa Tinto est claire. Mais pas question de parler d’un lieu éventuel ni d’évoquer les détails.

La précédente législature avait déjà effleuré l’idée d’un Eros Centrer pour trouver une alternative au  » triangle rose  » que nombre de filles ont déserté, s’exposant ainsi à des lieux insécurisés. A l’époque, la proposition avait été balayée par les intéressées et les associations qui les représentent…

Place nette sur et sous le ring. Qui a eu cette idée folle de construire une autoroute au beau milieu d’un centre urbain ? Aussi discutable soit la beauté du ring, les Carolos y sont accros. Mais la bretelle est en piètre état. La Région wallonne a donc décidé de rénover lourdement la totalité du tracé. Pour 34 millions d’euros et durant 1 095 jours ouvrables, par phases. Les travaux pourraient débuter cet été.

La Ville veut aussi s’attaquer aux dessous du ring. Réhabiliter ces terrains devenus des zones peu fréquentables en les transformant en parkings, espaces verts, terrains de sport…

Bâtiments publics à la pelle. Il y aura d’abord l’imposant hôtel de police, cette tour bleutée imaginée par l’architecte Jean Nouvel qui devrait être opérationnelle courant 2014. Une fois les forces de l’ordre déménagées, l’actuel édifice devrait être démoli pour accueillir du logement ou des services publics. Il y aura ensuite l’hôpital Marie-Curie, en cours de finalisation à Lodelinsart, vers lequel migrera d’ici un an le personnel de l’actuel hôpital civil. Ce dernier devra aussi être démoli pour voir émerger sur le site une maison de repos, une résidence service, des bureaux, des logements et des commerces de proximité.

Il y aura, enfin, la poursuite de la transformation de la caserne militaire de Trésignies en centre d’affaires, la rénovation du Palais des expositions en centre de congrès, la construction d’une cité administrative ville haute… Du pain sur la planche, pour Paul Magnette. Rendez-vous en 2023 pour un bilan ?

MÉLANIE GEELKENS

 » Tant qu’on n’aura pas amélioré le centre, on ne changera pas le sens de l’histoire. « 

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