Le fragile sommeil des personnes démentes

Comment gérer, en tant qu’aidant proche, les troubles du sommeil d’un conjoint ou parent dément ? Voici quelques précieux conseils pratiques.

Environ un tiers des personnes qui souffrent de démence développent des troubles du sommeil, souvent accompagnés, chez eux, d’une agitation nocturne.  » Concrètement, il peut arriver qu’elles veuillent se coucher anormalement tôt, refusent de se mettre au lit, se promènent dans la maison pendant la nuit (avec le risque de chutes ou de blessures qui en découle), ne cessent de se tourner et de se retourner sous la couette, se mettent à crier, chanter ou parler alors qu’elles devraient dormir, répètent sans cesse les mêmes questions ou les mêmes phrases ou décident de se lever alors qu’il n’est pas encore temps… et du coup, leurs aidants proches aussi voient souvent leur sommeil perturbé « , explique le Pr Chantal van Audenhove, directrice du centre de consultance et de recherche sur les soins Lucas KU Leuven.

Pour mieux soutenir les aidants proches et les professionnels, elle a rédigé avec trois collègues un guide pratique pour gérer les troubles du sommeil et l’agitation nocturne chez les patients déments à l’aide d’une approche non médicamenteuse à l’efficacité démontrée, en se basant sur une étude de littérature, des panels d’experts professionnels et d’aidants proches et des stages d’observation dans des maisons de repos et de soins.

Mettez-vous à leur place

Les aidants proches peuvent veiller au respect de conseils généraux tels que multiplier les activités physiques et sociales, s’exposer abondamment à la lumière, ne pas faire de longues siestes en journée et adopter des heures fixes pour le lever et le coucher. En effet, le rythme circadien des patients déments est particulièrement sensible aux dérèglements.

Observer comment et dans quelles situations ou contextes certains problèmes se manifestent permettra toutefois d’y apporter une réponse plus ciblée.  » Je me souviens par exemple d’un patient chez qui l’agitation nocturne était apparue lorsqu’il avait commencé à dormir roulé en boule d’un côté du lit. Son épouse a ainsi découvert qu’il souffrait d’une douleur à l’épaule sans être en mesure de l’exprimer. Il est donc conseillé de toujours signaler l’agitation nocturne au médecin traitant, qui pourra notamment exclure d’éventuelles plaintes somatiques.  »

 » Un autre exemple est celui de cette patiente qui ne voulait pas dormir et ne cessait de répéter qu’elle devait se rendre au chevet de sa fille : dans son esprit, elle était redevenue une jeune maman. En se mettant à sa place, son mari a réalisé qu’argumenter ne servait pas à grand-chose, mais qu’il était possible de l’apaiser en essayant de la distraire.  »

Filtrer les stimuli

Comme l’illustrent ces exemples, certaines causes d’agitation nocturne touchent au patient lui-même. Néanmoins, des facteurs environnementaux, sensoriels et sociaux peuvent également être impliqués, car ces personnes ont souvent plus de mal à filtrer les stimuli et y sont donc aussi plus sensibles.  » Mieux vaut éviter autant que possible l’exposition au bruit ou à la lumière pendant la nuit, même si le tic-tac du réveil ou la douce lumière d’une veilleuse peuvent parfois avoir un effet apaisant, souligne le Pr Van Audenhove. L’effet des stimuli diurnes ne sont pas non plus à sous-estimer, car il peut perdurer durant la nuit. Une dame a par exemple découvert que les thrillers que son mari avait toujours adorés étaient devenus une cause de troubles du sommeil depuis qu’il souffrait de démence. Le simple fait d’éviter les programmes de télévision trop palpitants durant la soirée a suffi à améliorer la situation.  »

Les patients déments absorbent aussi beaucoup plus facilement les tensions de leur entourage immédiat, comme le confirme la spécialiste :  » Un aidant proche m’a raconté que le fait de s’installer sur la terrasse pour regarder les fleurs aidait son épouse à s’apaiser le soir. Si quelqu’un passait les voir à l’improviste après ce rituel pour leur raconter l’une ou l’autre nouvelle susceptible d’être une source d’agitation, il retournait s’asseoir un moment dehors avec elle : cela faisait toute la différence pour leur sommeil à tous les deux !  »

À chacun sa recette

Parfois, le problème vient donc d’un petit détail qui revêt une grande importance pour la personne atteinte de démence.  » De plus, ce qui marche chez l’un pourrait aggraver les choses chez l’autre. Les troubles du sommeil peuvent aussi évoluer avec la progression de la démence ; il est donc important de continuer à évaluer régulièrement chaque mesure afin d’ajuster le tir si nécessaire. Notre objectif est de contribuer à garder plus longtemps ces patients à domicile et de veiller à ce que même après, en maison de repos, ils continuent à dormir plus paisiblement avec un minimum de médicaments et de mesures de contention, encore trop et surtout trop facilement utilisées à l’heure actuelle « , conclut le Pr Van Audenhove.

Le fragile sommeil des personnes démentes
© GETTY

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire