Le FPR, machine de guerre

L’écrasante et prévisible victoire de Kagame est aussi celle du FPR, ce parti totalitaire qui préside aux destinées des Rwandais.

Un jour de congé et la fiesta dans tout Kigali : la réélection à plus de 93 % du président Paul Kagame (un scrutin partiellement financé par l’UE) a donné lieu à des scènes de liesse proches du fanatisme. Le score était prévisible, tant les Rwandais sont aujourd’hui embrigadés dans un système qui ne supporte aucune critique. Ce système a un nom : le Front patriotique rwandais (FPR), ce parti-Etat et ex-mouvement rebelle qui a fait main basse sur le pays après avoir mis un terme au génocide de 1994. Sa ligne est claire : le refus de l’ethnicité (un refus qui est aussi son assurance-vie), et une politique de développement volontariste, mais sans guère de concertation avec la population.

Né, en 1988, dans les camps de réfugiés tutsi en Ouganda et présidé par Paul Kagame lui-même, le FPR est une véritable machine de guerre, au propre comme au figuré. Le Front a mobilisé tous les moyens pour permettre au chef de l’Etat d’écraser toute opposition, depuis les panneaux publicitaires géants jusqu’aux SMS électoraux envoyés par la compagnie privée MTN où officient des cadres du parti. C’est également le FPR qui a réquisitionné les moyens de transport pour amener les foules vers les lieux de meeting. Dans ce Rwanda très hiérarchisé, mieux vaut ne pas s’opposer au chef.

Ponctions sur salaires

Tout-puissant, le FPR dispose de solides relais financiers, grâce au holding Tristar, et médiatiques, tel The New Times, l’unique quotidien, alors que les médias d’opposition sont muselés et leurs journalistes en exil. La caisse du parti est notamment alimentée par des hommes d’affaires qui se sont enrichis grâce aux minerais de l’est du Congo. Pour le reste,  » le FPR fait la collecte de fonds au sein de la population, rapporte la Ligue des droits de la personne dans la région des Grands Lacs (LDGL). A Kigali, les agents salariés membres du FPR subissent des retenues à caractère obligatoire de 30 % de leur salaire mensuel « . Tout le monde n’a pas sa carte de parti, mais c’est la seule voie pour obtenir des postes. Ainsi, les maires des districts sont tous FPR. A Rubavu (ex-Gisenyi), un enseignant a été renvoyé pour avoir refusé d’adhérer au Front et se trouve actuellement en détention, rapporte la LDGL.

Le FPR a également la haute main sur les services de renseignement, et dispose de matériel sophistiqué fourni par les Etats-Unis. Quant aux ambassades à l’étranger, les diplomates étiquetés FPR ont la réputation de surveiller les faits et gestes du personnel de l’ambassade et de tenir à l’£il la diaspora. Les Hutu n’y vont pas et beaucoup de Tutsi n’y vont plus, même pour la  » fête de la libération  » célébrée le 4 juillet :  » Les ambassades travaillent pour le FPR et non pour l’ensemble des Rwandais « , accuse Jean-Pierre, un Tutsi.

Comment vont se comporter les bailleurs de fonds, qui alimentent le budget rwandais à plus de 50 % ? Leur attitude, surtout celle des alliés anglo-américains (devenus plus circonspects), sera déterminante pour l’ouverture du régime et la mise en place d’institutions fortes et indépendantes du FPR. Malgré le triomphe de l’homme fort Kagame, le statu quo n’est plus tenable. L’organisation Human Rights Watch relève ainsi que la répression persistante et les restrictions à la liberté d’expression  » sont susceptibles d’affecter la stabilité du pays « . Sous le consensus apparent, le feu couve.

FRANçOIS JANNE D’OTHéE

Le front patriotique rwandais a fait main basse sur le pays

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