Le foot sur tapis vert

A peine réélu à la tête du prestigieux club espagnol, Florentino Perez renoue avec la stratégie  » galactique  » : acheter à prix d’or les meilleurs joueurs du monde pour en tirer un profit maximal. Cette valse de stars et de millions n’a pas que des supporters.

On dirait une super-production hollywoodienne, et le titre est tout trouvé :  » Les Galactiques contre-attaquent « . Après plusieurs saisons de résultats médiocres sur le terrain, le Real Madrid accapare le devant de la scène médiatique, et sort son chéquier : 67 millions d’euros versés à l’AC Milan pour le contrat du Brésilien Kaka et 94 millions à Manchester United pour le Portugais Cristiano Ronaldo. Au passage, le club espagnol a battu son propre record et les 75 millions payés pour Zidane, en 2001. Et ce n’est pas finià

 » Un club de football peut-il se permettre de dépenser 161 millions d’euros en trois jours, alors que le monde est balayé par la crise ?  » demandent les détracteurs, scandalisés par  » des chiffres pornographiques « .  » C’est un investissement, pas une dépense, rétorque sans broncher Florentino Perez, qui vient de revenir à la présidence du club, le 1er juin, après trois ans d’absence. De tous les contrats que j’ai signés dans ma vie, les plus chers ont été les plus rentables. « 

On ne donne pas de leçons de gestion à  » Floro « . A 62 ans, il a la tête de son emploi : président de ACS, l’une des principales entreprises espagnoles de travaux publics. Lunettes cerclées de fer et éternels costumes gris, il a la fantaisie d’un cadre sup en visite sur un chantier. Et pourtant, c’est lui, l’homme qui, au début des années 2000, a su redonner au Real Madrid son aura. Il en a fait le club le plus glamour et le plus célèbre de la planète. Le plus rentable aussi.  » S’il recommence aujourd’hui, c’est que les chiffres cadrent « , affirment ses proches.

Florentino est à nouveau l’homme providentiel. Celui qui va redorer l’image d’un club en pleine débâcle sportive. D’autant que le  » Barça « , l’éternel rival, vient de réussir un triplé historique : Ligue des champions, championnat d’Espagne, Coupe du roi. Perez annonce  » éthique et talent « . Il a déjà fait les comptes. Kaka va permettre de séduire le marché latino-américain, Cristiano Ronaldo, les publics nord-américain et asiatique – il a le potentiel publicitaire d’un Beckham, affirment les experts en marketing. Cher payés, les nouveaux embauchés ? Pas forcément, selon le quotidien économique espagnol Expansion : à 80 euros le maillot, il suffira d’en vendre 1 175 000 pour rentabiliser l’achat de Cristiano. Et puis, les nouveaux venus vont permettre de renégocier les contrats de sponsoring du club et de relever les tarifs des tribunes VIP du stade Santiago Bernabeu. En une semaine, le club a enregistré 25 000 demandes d’adhésion !

La force de Florentino Perez ? Traiter le football comme un simple business. Ça marche : il l’a déjà prouvé lors de sa première présidence du club madrilène, de 2000 à 2006). A l’époque, quand il prend les rênes du Real, alors au bord de la ruine, il promet l’impossible : le sauver de la faillite et attirer les stars. En industriel avisé, il réussit un joli jackpot immobilier et éponge les dettes en vendant les immenses terrains du club au c£ur de Madrid,  » miraculeusement  » requalifiés en zones constructibles grâce à ses amitiés politiques. Puis il signe avec les vedettes du foot et organise la promotion internationale du Real.

Tout est planifié, tout roule. Une star par an : Figo, Zidane, Ronaldo. Chaque arrivée fait exploser les ventes de maillots et flamber les contrats publicitaires. Le Real Madrid est sacré meilleur club du xxe siècle par la Fifa. La signature de David Beckham, à l’été 2003, marque l’apogée de cette politique. Elle coïncide avec une tournée promotionnelle du club en Asie et au Japon, qui vire à l’hystérie. Un show plus que rentable, avec 10 millions de recettes pour quatre matchs d’exhibition, qui est la première phase de ce que Perez appelle une  » mission d’évangélisation « . Il rêve tout haut de convertir 1 milliard de Chinois à la religion du club  » merengue « , tous vêtus de leur maillot blanc à l’effigie du club.

C’est à cette époque que les résultats sportifs commencent à manquer. L’alchimie ne prend pas entre les  » galactiques « , comme les a surnommés la presse sportive. Beaucoup de stars et pas assez de jambes sur le terrain, regrettent les socios du club, qui assistent aux défaites pitoyables face aux petits clubs. Les gradins du stade Santiago Bernabeu continuent d’être pleins à craquer, mais les aficionados protestent. Ils veulent des buts, pas du glamour. Florentino Perez démissionne en 2006. Après avoir été adulé, il est critiqué, même s’il a redressé les comptes et fait passer le budget du club de 100 à 360 millions.

On aurait pu croire qu’il allait rectifier sa stratégie en inaugurant son second mandat. Mais l’arrivée de Cristiano Ronaldo et de Kaka ressemble à un remake. Du côté des socios du Real, l’accueil est mitigé.  » S’il s’agit de vendre des maillots, oui, c’est un beau coup, reconnaît l’un d’eux. Mais nous, on s’en fiche. Ce qu’on veut, c’est une équipe qui nous régale avec un beau jeu. On veut voir le Real Madrid en finale de la Ligue des champions. Sinonà  » Pour le moment circulent sur Internet les images de Cristiano Ronaldo fêtant son nouveau contrat en boîte de nuit, avec l’héritière starlette Paris Hilton…

Cécile Thibaud

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