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Comment préserver les pouvoirs inouïs du foie, ce super-héros ?

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Un ouvrage sur ses pouvoirs cachés révèle le rôle charnière de cet organe, véritable super-héros multitâche trop souvent méconnu et délaissé, au regard des pièces nobles que sont le coeur et le cerveau. L’heure de la revanche a sonné. Pourvu qu’on daigne à le… protéger. Via notre alimentation.

Voilà le  » morceau  » le plus volumineux et le plus lourd de l’organisme : 1,5 kilo en moyenne. Mais il se montre si discret que même les étudiants en médecine ont du mal à le palper. Le foie, caché derrière les côtes, est calme et ne fait pas mal (ou si peu), au point qu’on l’oublie. Pourtant, pendant des siècles, cet organe a fasciné les humains qui voyaient en lui une mystérieuse source de force. Pour la raison qu’il est le seul à posséder la capacité à se régénérer très rapidement. Quand il est blessé, il ne meurt pas, il repousse. Gabriel Perlemuter, hépato-gastroentérologue français, rappelle ainsi que la médecine chinoise le surnomme  » le général des armées « . A l’époque médiévale, on estime que dans cet organe rouge, et donc plein de sang, se nichent l’amour et la passion.

L’ennemi numéro 1 du foie, c’est le « trop ».

Oublié trop longtemps, le foie, dont la réputation est parfois assimilée à des maladies honteuses comme la cirrhose ou l’hépatite C. Une négligence que Gabriel Perlemuter, chef de service à l’hôpital Antoine-Béclère (à Clamart, au sud-ouest de Paris) et professeur des universités, par ailleurs à la tête d’une équipe de recherche à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale, en France) dédiée à l’interaction entre le foie et le microbiote (anciennement appelée la flore intestinale), souhaite corriger en lui rendant hommage dans Les Pouvoirs cachés du foie. Gagnez des années de vie en bonne santé ! (1).

Après  » l’intelligence du cerveau « , la  » noblesse du coeur « ,  » la hardiesse et la générosité de l’intestin « , nous devons admettre  » le dévouement du foie « . Car que (re)découvre-t-on dans l’ouvrage ? Que le foie contient plein de cellules aux interactions si complexes qu’il est pour l’instant impossible d’en fabriquer un spécimen artificiel. Qu’il remplit plus de 300 fonctions vitales : toutes les matières premières issues de notre alimentation transitent par cet organe, qui les transforme en produits indispensables au fonctionnement du corps. Que sans lui, les médicaments que nous prenons seraient sans effet. Qu’il est une véritable  » station d’épuration high-tech  » qui ne stocke pas de toxines, mais qui se montre capable de filtrer microbes et polluants. Qu’en altruiste, il peut stocker de 70 à 100 grammes de sucre, soit l’équivalent de 14 à 20 morceaux, et que ce sucre, appelé glycogène, est libéré à la demande. Qu’en altruiste encore, il aide les autres organes à gérer leurs propres déchets, en dégradant l’hémoglobine ou en transformant l’ammoniaque.  » Le foie est un bon garçon qui ne cherche qu’à nous aider. Mais nous sommes très injustes avec lui, déplore Gabriel Perlemuter. Comme dans une fratrie, nous nous occupons des plus turbulents, le coeur, le cerveau ou la prostate.  »

Gabriel Perlemuter
Gabriel Perlemuter© Félicien Delorme, Flammarion

Ce sac qu’on remplit

Alors, on ne lui épargne rien. Ainsi en est-il des petits déjeuners trop sucrés. Par exemple, le jus de trois oranges fraîchement pressées = près de 30 grammes de sucre ; du pain frais et du miel ou de la confiture = du sucre encore. Parfois, des céréales et un yaourt aux fruits = du sucre aussi. Face à ces hautes doses, le pancréas va devoir produire énormément d’insuline – elle permet l’entrée du sucre dans le foie par une énorme veine, la veine porte. Le foie s’active et libère le sucre dans le sang, en veillant à maintenir le taux de glycémie à 1,20 g/l maximum, mais il doit en stocker la plus grande partie. Les deux organes se mettent ensuite au repos. Plus ou moins deux heures après ce riche petit déjeuner surgit une petite hypoglycémie : à cet instant naît l’envie de grignoter du sucré, ce qui vient alourdir encore le foie, avec un risque cette fois de transformation sous forme de graisses (puisque les réserves de sucre sont trop pleines). Pourtant, en bon petit soldat, le foie repère vite cette baisse de régime et délivre le sucre qu’il aura un peu trop stocké. Il suffisait de patienter une demi-heure.  » Nous nous acharnons contre notre foie ! Non seulement nous mangeons mal et beaucoup mais, de surcroît, nous mangeons tout le temps. Même s’il s’agit de petites quantités, nous y semons la cacophonie « , poursuit le spécialiste.

Comment préserver les pouvoirs inouïs du foie, ce super-héros ?
© charles Monnier

L’auteur le visualise comme un  » sac que l’on remplit « .  » Quand il est plein, le sac se gonfle, pour ensuite déborder. Le foie se gonfle aussi tant que nous continuons à boire et à manger. Comme chez les oies et les canards à foie gras, il stocke le sucre en excès sous forme de graisses.  » Or, cette surcharge graisseuse, aussi appelée stéatose, se révèle dangereuse, parce que notre foie n’est plus adapté au gras. Au temps des famines et des rudes hivers, ce foie gras fut d’un grand secours : l’organisme y puisait des réserves. Aujourd’hui, la très grande majorité des humains ne subissent plus des périodes de famine qui leur permettraient de brûler leur surplus de gras. Du coup, le foie stocke, encore et encore, grossit ; c’est tout le corps qui grossit.

 » En matière de foie, mises à part les maladies auto-immunes ou certaines maladies virales, il n’existe pas de traitement réellement efficace hormis l’alimentation « , prévient le praticien. Ainsi les trois quarts de ses patients quittent sa consultation sans médocs mais armés de conseils diététiques destinés à rendre leur foie heureux. Il ne leur interdit rien, sauf les excès. Simplement, parce qu’il leur raconte avoir été l’un d’eux. Lui aussi a été un grand buveur de soda, accompagné de cacahuètes et de frites. La bonne nouvelle, insiste-t-il, c’est qu’il n’est jamais trop tard pour faire du bien à son foie, parce que même fatigué, même gras, il commence à se régénérer après quelques jours d’attention et de diète (dans le sens de l’étymologie beaucoup plus large du mot grec dieta, règle de vie). Dans ce livre couteau suisse, le docteur, s’appuyant sur les études récentes, distille des conseils pratiques et des informations scientifiques sur un mode simple et accessible, et confie les histoires humaines de ses patients.

Comment préserver les pouvoirs inouïs du foie, ce super-héros ?
© charles Monnier

Comment aider le super-héros

Alors, que faut-il manger ? Sortez vos carnets et notez : le gros morceau consiste à diminuer sa part de protéines dans l’alimentation, c’est-à-dire pas plus de 15 à 20 % en un ou deux repas. Ce qui représente 150 à 200 grammes de poisson ou de volaille quotidiens, mais 50 grammes de viande rouge. Préférez les viandes blanches aux viandes rouges, que le médecin préconise de limiter à deux repas par semaine, sans dépasser 300 grammes. Limitez-vous à six oeufs maximum par semaine si votre taux de cholestérol est normal. Pour remplacer la viande, il y a les légumineuses, qui comprennent toutes les sortes de haricots, les graines de soja, les pois cassés, les pois chiches, les lentilles, etc., dont la consommation doit alors atteindre 150 grammes quotidiens.

Le médecin invite à bannir les acides gras hydrogénés ou trans, qui se nichent dans les aliments transformés, dont il souligne qu’ils sont toxiques.  » Votre pain de mie acheté au supermarché, qui se conserve longtemps, est plus nuisible pour votre santé que la même quantité de pain acheté frais chez votre boulanger.  » La part des lipides ou graisses – que l’auteur n’exclut pas – doit atteindre 30 % à 35 % des apports quotidiens. Il convient d’aller les chercher dans les oméga-3 et les oméga-9. Mais ce bon gras ne représente pas grand-chose : l’équivalent d’un petit carré de beurre, d’une cuillère à soupe d’huile ou de crème fraîche par repas, voire 30 à 40 grammes de fromage tous les deux jours.

L’autre grosse pièce réside dans les glucides ou sucres. En glouton, le foie peut en ingurgiter jusqu’à 50 % des apports quotidiens, d’où l’importance de privilégier les sucres lents – qu’il arrive à bien assimiler – et de réduire les sucres simples et cachés, dans le ketchup, les plats préparés et les boissons. On les trouve dans le riz, le pain et les autres céréales et féculents, ainsi que dans tous les fruits et les légumes.

Bref, l’ennemi numéro 1 du foie, c’est le  » trop « . Ce  » trop  » qui sait bien se cacher. L’hépato-gastroentérologue passe en revue les pièges à éviter, notamment parmi les candidats parfaits pour une assiette saine. Le fructose, évidemment, qu’on trouve dans les fruits, et planqué dans de nombreux autres aliments.  » Il est d’abord métabolisé par les bactéries du tube digestif. Quand il arrive en excès, nos bactéries, saturées, sont incapables de réaliser cette opération. Le fructose passe alors en l’état dans le foie, par la veine porte. Et il ne la franchit pas tout seul : l’intestin devient anormalement perméable au passage de certaines toxines qui l’accompagnent par la même voie.  » L’auteur rappelle que les jus, frais comme industriels, ce sont quatre à cinq morceaux de sucre. Quatre fruits quotidiens suffisent (et deux en cas de surpoids), que le sirop d’agave, très à la mode, se révèle trop riche en fructose, que le sucre roux ou blanc, raffiné ou non, ne fait aucune différence pour le foie…

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Alcool, végan, céto et autres « no »

L’autre ennemi juré du foie, c’est l’alcool. En résumé, l’ordonnance de Gabriel Perlemuter recommande de ne pas dépasser deux verres de vin par jour et dix verres par semaine, en évitant de boire tous les jours – un jour d’abstinence est indispensable. L’organe peut se requinquer rapidement d’une cuite exceptionnelle, mais si elle ne se répète pas : ce que le foie n’aime pas, c’est l’absence de temps lui permettant de se remettre sur pied et de se régénérer. Or,  » c’est ce qui arrive à mes patients « , témoigne Gabriel Perlemuter. En quantité excessive, l’alcool finit par détruire ses cellules. Comment ? Pour pouvoir éliminer l’alcool, les enzymes du foie lui font subir deux opérations. La première le transforme en un produit plus toxique encore : l’aldéhyde. Il est tout de suite pris en charge, pour être modifié par un dérivé non toxique : une espèce de vinaigre que le foie sera capable de prendre en charge. En trop grande quantité, l’aldéhyde s’accumule et abîme les cellules du foie, qui fonctionne moins bien. D’autant que l’alcool est calorique. Des calories qui s’accumulent elles aussi dans le foie. A un stade précoce, si on arrête l’alcool, tout est réversible en quelques semaines ou moins. Sinon, le foie cicatrise et, comme pour toute cicatrice, les lésions sont irréversibles.

Le foie est un organe héroïque car capable de régénération.

Gabriel Perlemuter dissèque ensuite le végétarisme, le sans lactose, le no gluten et les autres comportements alimentaires, avec cette question : quels effets sur le foie ? Les régimes végétarien et végétalien ne poseraient aucun souci. Il les préfère d’ailleurs à un apport trop important en viandes.  » A condition que l’abstinence de viande ne soit pas compensée par des orgies de desserts sucrés.  » Le gastro-entérologue partage un avis plus réservé sur la  » méthode  » cétogène, qui séduit de nombreux sportifs et stars outre-Atlantique n’hésitant pas à la promouvoir sur les réseaux sociaux. Elle se fonde sur une carence en sucre, qu’il s’agit de compenser par des matières grasses et un peu de protéines. La pratique risque cependant d’échauder le foie, parce qu’elle augmente la quantité de graisses et qu’elle le prive d’antioxydants, via l’interdiction quasi totale de fruits. Sans parler  » du jeûne séquentiel « , qui consiste en un repos digestif de douze à seize heures par jour afin de  » dépolluer  » l’organisme, désencrasser le foie comme on le ferait d’un filtre d’aspirateur : selon le spécialiste,  » il ne se passe pas grand-chose… ni en bien, ni en mal. Je ne sais pas ce que veut dire  » la détox du foie « . En cas de jeûne, nos bactéries ne sont pas purgées mais elles crient famine autant que nous. Le foie détoxifie naturellement tout ce qu’on avale, métabolise les apports, purifie, élimine. En Occident, où nous mangeons trop gras, trop sucré, trop de plats industriels, où nous ingérons trop de pesticides, je connais une seule méthode pour soulager son foie : privilégier les fruits, les légumes frais, le bio, le sain. Le foie sera soulagé, non pas parce qu’il sera  » détoxifié « , mais parce qu’il aura moins de travail à assurer.  »

D’ailleurs, en dépit de sa réputation, le foie ne fait jamais de crises. Même après un repas trop copieux, trop vite avalé ou une cuite. Celui qui crise, c’est le tube digestif : trop gavé, il exprime son malaise au cerveau, qui lui demande alors d’augmenter les contractions pour accélérer le malaxage alimentaire, parfois jusqu’à en vomir.

Les maladies du foie sont surtout liées au surpoids et à la malbouffe.
Les maladies du foie sont surtout liées au surpoids et à la malbouffe.© Monica Schroeder/belgaimage

Même pas mal !

Comment savoir, dès lors, si votre foie se porte bien ? De fait, quand le foie se surmène, s’use ou se dégrade, il le fait en silence et sans douleur. C’est normal, cet organe n’a pas de nerfs et, par conséquent, ne fait jamais mal et ne provoque aucune gêne. En dehors des analyses médicales, certains signes peuvent mettre la puce à l’oreille.  » Quand le foie fatigue, nous fatiguons avec lui tant il est influent.  » Pas une simple fatigue à cause d’un manque de sommeil, plutôt une apathie ou un effort pas forcément très intense qui devient laborieux. Nausées, manque d’appétit, perte de poids accompagnent dans certains cas la fatigue.

Les autres indices sont multiples. Lourdeur en dessous des côtes ou derrière elles – le symptôme d’un foie trop gros qui appuie sur sa capsule ; impression de démangeaison venant de l’intérieur et qui dure – le signe que le foie épure moins bien la bile ; saignements du nez ou des gencives – ici, le foie, épuisé, ne produit plus assez de protéines qui les empêchent de saigner. Ces signes se révèlent peu spécifiques ou surviennent tardivement, quand des maladies sont déjà installées. L’auteur se fait alors, en matière de nutrition, porte-parole de la médecine préventive, sans jamais évidemment rejeter la médecine académique et conventionnelle ni opposer le préventif au curatif. Car dans sa spécialité, le gastro-entérologue  » se heurte à quelques écueils « , qu’il répète au fil des pages :  » L’un d’eux est l’absence de médicaments pour traiter un certain nombre de pathologies du foie.  » Les plus courageux de ses patients lui demandent si les compléments alimentaires pourraient protéger leur foie. On sait ainsi que la consommation d’antioxydants, présents naturellement dans l’alimentation,  » diminue légèrement l’inflammation du foie « . Finalement, le médecin en retient certains qui lui semblent plus intéressants. Comme il s’avère impossible d’ingurgiter quotidiennement des kilos de végétaux, il opte pour les préparations vendues en grande surface et dans les magasins bio. Les vertus du radis, des chardons et du ginseng sont rappelées, ainsi que celles, moins évidentes, du thé. Il y a aussi les bienfaits de la vitamine E, puissant antioxydant qui évite la destruction des acides gras oméga-3 protecteurs. Plus on boit de café, plus on protège son foie : il y a comme ça des idées faciles à retenir quand on aura oublié tout le reste.

Comment préserver les pouvoirs inouïs du foie, ce super-héros ?
© charles Monnier

En revanche, à la lumière des découvertes récentes, enrichir et diversifier au maximum le microbiote, l’ensemble des milliers de milliards de bactéries qui tapissent l’intestin, reste capital. L’équipe de recherche de Gabriel Perlemuter a montré, il y a quelques années, que des souris rendues alcooliques conservaient un foie en pleine santé, alors que d’autres voyaient l’organe se détériorer rapidement. Il manquait à ces dernières une bactérie de type Bacteroides. Une fois leur flore colonisée par cette bonne bactérie, elles ont commencé à développer une résistance à la toxicité de l’alcool.  » Nous avons transposé la bactérie à celles qui en étaient dépourvues. Très vite, leur foie a commencé à se régénérer jusqu’à guérir complétement.  »

La piste repose sur la modification de la composition de son microbiote en changeant simplement d’alimentation. Le premier moyen est de recourir aux probiotiques,  » ces micro-organismes vivants, bactéries, levures ou moisissures qui existent dans certains de nos aliments « . Ils vont limiter le risque d’accumulation des graisses dans le foie et faciliter l’action de l’insuline. Les plus riches sont ceux contenus dans le yaourt, qui concentre 100 millions de bactéries par gramme.

Le second moyen consiste à nourrir ses bactéries intestinales avec des prébiotiques, des aliments qu’elles adorent. Il s’agit de sucres que nos bactéries digestives savent digérer et qui entraînent leur multiplication. Les prébiotiques sont naturellement présentes dans les fibres. L’ail, les artichauts et la chicorée surtout en sont riches. On en trouve aussi, dans une moindre mesure, dans les asperges, les oignons, les panais, les poireaux, le blé entier, l’orge, le seigle et les topinambours : en somme, tout ce qui affole le milieu healty. Retenez qu’une alimentation équilibrée offre forcément des prébiotiques. Autrement,  » une fois par jour, au moins tous les deux ou trois jours : quelques asperges, de l’ail, des oignons, une poignée d’amandes font largement l’affaire.  »

Combinés, ces deux moyens d’action renforcent l’étanchéité de la barrière intestinale et le mucus qui protège l’intestin. Résultat :  » Le microbiote devient ainsi plus imperméable au passage de toxines, ce qui pourrait limiter l’excès de travail réclamé au foie et préserver de ce fait, notre capital santé.  »

(1) Les Pouvoirs cachés du foie. Gagnez des années de vie en bonne santé !, par Gabriel Perlemuter, Flammarion/Versilio, 272 p.
(1) Les Pouvoirs cachés du foie. Gagnez des années de vie en bonne santé !, par Gabriel Perlemuter, Flammarion/Versilio, 272 p.

Troisième cerveau

Reste alors franchement le moins riant. En plusieurs dizaines de pages, Gabriel Perlemuter dresse les maladies qui détraquent le foie et leur lente progression.  » Le vrai problème du foie, c’est l’hépatite.  » Une inflammation, une  » blessure  » qui tue ou abîme ses cellules, à cause d’un excès d’alcool, d’un virus (comme ceux de l’hépatite B ou C), ou de médicaments, même les plus courants. Mais l’inflammation est surtout liée au surpoids et à la malbouffe, popularisée sous le nom de la  » maladie du soda  » pouvant mener à une cirrhose ou à un cancer, même sans une goutte d’alcool. Ici, toute l’habilité de l’auteur des Pouvoirs cachés du foie, c’est d’expliquer la transformation de cet organe. Les stocks de sucre étant bien trop pleins, le foie les transforme en graisse.  » Peu à peu, il jaunit, ramollit, augmente de taille, même sans inflammation.  » Or, il est affaibli. Durant plusieurs années, il va encore compenser la mort de ses cellules et les régénérer. Plus tard, l’accumulation de gras limite le processus de régénération.  » Les cellules mortes sont remplacées par du tissu fibreux, inactif et délétère.  » Une cicatrice fibreuse peut se transformer en fibrose, puis progresser en cirrhose, voire en cancer du foie. Bref, le foie devient gros et dur, comme un caillou, au lieu d’être mou et élastique.

 » A l’université, nous avions appris ce qui était donné comme une vérité : la cirrhose est un état irréversible. Depuis quelques années, cette vérité est ébranlée « , assure le docteur. Le foie est un organe unique, héroïque car capable de régénération, et de retrouver sa souplesse après avoir été sérieusement malmené. Ni plus ni moins comme dans le mythe de Prométhée enchaîné – dont le foie, dévoré le jour par un aigle, repoussait chaque nuit. Si l’on retire une partie du foie, de nouvelles cellules sont fabriquées, lui permettant de retrouver sa taille initiale. Quand les causes sont connues et correctement traitées, la cirrhose peut disparaître. Sinon, elle fera le lit du cancer. Mais même dans ces cas extrêmes, le foie peut se montrer ingénieux : grâce à son potentiel de régénération, le donneur qui cède un morceau voit la partie restante reconstituer à terme un foie entier.

Ce n’est pas tout : les phénomènes de rejet sont beaucoup plus rares que dans les cas de greffes d’autres organes.  » Très tolérant, le foie a l’habitude des étrangers : nos aliments qui lui parviennent quotidiennement, qu’il transforme et redistribue « , conclut Gabriel Perlemuter. Au point d’en faire l’un des organes phares de ce xxe siècle. Un peu comme un troisième cerveau, dont l’action s’étend au-delà de la pure mécanique. Notamment sur les addictions à l’alcool et autres dépendances.

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