Le dur retour des conquérants

Ils sont 24 héros des missions Apollo, 12 à avoir marché sur la Lune.Plusieurs ont eu du mal à s’en remettre. Edifiante galerie de portraits.

Seuls 24 hommes partagent le privilège d’avoir volé autour de la Lune au cours des dix missions Apollo lancées entre décembre 1968 et décembre 1972. Douze d’entre eux y ont posé le pied. Leur destin est marqué à jamais par cette aventure. Quarante ans après, que sont devenus ces hommes exceptionnels ? Comment ont-ils négocié leur retour sur Terre ?

Si la plupart d’entre eux ont poursuivi des carrières brillantes dans l’aéronautique, les affaires ou la politique (comme Michael Collins, directeur du musée de l’Air et de l’Espace, Charles Conrad, conseiller de l’avionneur McDonnell Douglas, ou Harrison Schmitt, élu sénateur républicain du Nouveau-Mexique), certains, par contre, semblent ne s’être jamais remis du voyage. Comme si celui-ci avait affecté leur santé mentale.

Neil Armstrong paraît avoir été traumatisé par l’événement historique dont il a été le héros planétaire et s’est replié dans une sorte d’autisme. Sitôt sorti de la capsule d’Apollo 11, il a décidé qu’il ne repartirait plus dans l’espace, expliquant qu’il était obsédé par les traces de pas qu’il a laissées dans la poussière lunaire. En 1971, il démissionne de la Nasa et se retire dans sa ferme de Lebanon (Ohio). Obnubilé par la préservation de sa vie privée, il refuse depuis les honneurs et les demandes d’interviews : il n’a presque jamais parlé à la presse depuis quarante ans, ses apparitions médiatiques se limitant à une série de spots publicitaires pour Chrysler, en 1979. Depuis 1994, il refuse de signer des autographes, après avoir appris qu’ils se revendaient à prix d’or sur Internet, et a intenté une quantité de procès contre ceux qui ont essayé d’utiliser son image ou sa fameuse déclaration  » Un petit pas pour l’homme, mais un bond de géant pour l’humanité « . Il a même traîné en justice son coiffeur depuis vingt ans, en 2005, parce que celui-ci avait revendu en cachette des mèches de ses cheveuxà

Edwin Aldrin, dit  » Buzz « , le deuxième homme à avoir marché sur la Lune, et dont la mère portait le nom prédestiné de Marion Moon, a traversé une grave dépression et sombré dans l’alcool après avoir quitté la Nasa, en 1972. Très croyant, ce fidèle presbytérien texan avait emporté un calice et une hostie pour communier sur la Lune. L’événement est resté secret, car le mouvement des athées américains avait à l’époque entamé une action en justice pour interdire aux astronautes de manifester leurs convictions religieuses, après que les trois membres de l’équipage d’Apollo 8 eurent récité à tour de rôle des versets de la Bible sur la radio de bord. La Cour suprême a fini, quelques années plus tard, par rejeter la demande, arguant que l’espace n’est pas une juridiction définie légalement. Après deux divorces et trois mariages, Aldrin s’est distingué en 1992 en boxant dans un hôtel de Beverly Hills un réalisateur de télévision adepte de la théorie conspiratrice accusant les astronautes de n’avoir jamais mis le pied sur la Lune. En 2005, il révèle dans une interview avoir vu un ovni lors du voyage vers la Lune, avant de se rétracter quelques mois plus tard.

Edgar Mitchell, pilote du module lunaire d’Apollo 14, lui, a franchement versé dans le mysticisme. Adepte des sciences occultes et des phénomènes paranormaux, il a fondé un  » Institut des sciences noétiques « , qui finance des recherches sur la conscience et la transmission de pensée. Mitchell, qui prétend avoir été guéri à distance d’un cancer des reins par un sorcier indien de Vancouver, est également persuadé de l’existence d’ovnis. Un événement que les dirigeants de nombreux pays cachent, selon lui, à la population depuis des décennies. Le 23 avril 2009, il a encore lancé sur la chaîne Fox News un appel pour que le gouvernement américain lève le prétendu embargo.  » Nous avons été visités « , répète l’ex-astronaute de 79 ans qui a grandi à Roswell, au Nouveau-Mexique, lieu célèbre où les ufologues prétendent que les extraterrestres ont débarqué en 1947.

Autre exemple de délire mystique, celui de James Irwin, pilote du module lunaire d’Apollo 15 et huitième homme à avoir marché sur la Lune, qui racontait avoir  » senti la présence de Dieu  » au cours de son voyage. Et qui est devenu prédicateur après avoir pris sa retraite de la Nasa. Il a fondé une communauté chrétienne baptisée  » High Flight  » et ponctue ses prêches d’anecdotes sur son expérience lunaire. En 1973, il s’est mis en tête de retrouver les restes de l’arche de Noé sur le mont Ararat, en Turquie, où le bateau du récit biblique est censé s’être échoué après le Déluge. Il organisera ainsi plusieurs expéditions, qui tourneront toutes à l’échec, notamment la dernière, au cours de laquelle il se blesse gravement. Il abandonne sa quête en 1982, pour se retirer dans sa maison du Colorado, où il mourra d’une crise cardiaque, en 1991. C’est le premier des 12 marcheurs à avoir quitté ce monde. Suivront Alan Shepard, le premier homme dans l’espace et capitaine d’Apollo 14, emporté par une leucémie en 1998, et Pete Conrad (Apollo 12), tué dans un accident de moto en 1999 sur une route de Californie.

Reste le cas d’Alan Bean, quatrième marcheur lunaire (Apollo 12), que l’on hésite à classer parmi les  » fêlés  » de l’espace. Celui-ci est le seul des 24 astronautes à s’être lancé dans une carrière artistique : il se consacre à plein temps à la peinture depuis sa retraite de la Nasa, en 1981. Activité qui pourrait paraître innocente si toutes ses toiles ne se rapportaient pas à un seul et unique sujet : son voyage sur la Luneà l

Gilbert Charles

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