Le diktat Mad Men

Isabelle Willot

Jamais une série télévisée n’aura été à ce point prescriptrice : pour flirter avec l’avant-garde, mode, beauté et déco se complaisent dans les sixties. Décryptage.

Vous n’en avez peut-être jamais vu un seul épisode. Pourtant, cette série à l’audience confidentielle mais au succès critique avéré a réussi à s’imposer comme la référence du style et du bon goût, glorifiant les canons d’une esthétique rétro aux contours rassurants. Le pitch de Mad Men (1.) est somme toute assez simple : dans l’Amérique de Kennedy, les membres d’une agence de publicité new-yorkaise redessinent le monde à leur image, au rythme lent d’un quotidien que l’on sait déjà trop beau pour être vrai. D’un coup de baguette cynique, on se retrouve plongé dans une version noire de Ma Sorcière Bien-Aimée. Ce qui fascine ici, ce n’est pas tant le suspense du scénario que la justesse d’une reconstitution léchée, conduite de main de maître par le créateur de Mad Men, Matthew Weiner et le designer Dan Bishop.

C’est d’ailleurs à ce dernier que le styliste de génie Tom Ford a fait appel pour les décors et les costumes de son premier long-métrage, A Single Man. De l’écran aux rayons des magasins, il n’y a qu’un tout petit pas allègrement franchi par le fabricant de lunettes Marcolin qui vient de commercialiser la réplique exacte de la monture portée dans le film par Colin Firth (3.). Sur les podiums de l’automne-hiver 10-11, chez Prada, Céline, Vuitton (4.) ou Dolce & Gabbana , difficile de nier l’influence des formes girondes, des brushings impeccables et des jupes new-look du casting de Mad Men sur les collections. January Jones – alias Betty Draper – sera d’ailleurs le visage de la prochaine campagne de Versace. Dans le beauty-case, même constat : le rouge femme fatale a fait son grand retour. Et l’on change désormais aussi facilement de couleur de vernis sur les ongles que de chaussures ou de sacs à main.

À New York, chez les antiquaires, l’expression Mad Men Style pourrait bientôt s’imposer au même titre que l’Art nouveau ou le Louis XV. Derrière ces quelques mots se cache l’idée de valeurs sûres, signées Eames, Le Corbusier ou Wabbes (2.) aujourd’hui rééditées au prix fort. Si la série tient la distance, attention toutefois à la révolution de salon et de dressing qui pourrait bien se profiler lors de la diffusion de la saison 8. En plein Mai 68. Hip hip hip hippie chic.

ISABELLE WILLOT

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