Le deuxième sexe

C’est l’un des combats les moins connus de Voltaire : il fut un authentique féministe. Prenant la défense des femmes dans ses essais. Comme dans sa vie.

Dans ses contes, les femmes ont le mauvais rôle. Elles finissent estropiées, éborgnées, violées par des hordes de soldats. Elles enlaidissent à vue d’£il. Mais il ne faut pas se fier aux apparences (de la fiction).  » Il a été l’un des tout premiers féministes « , rappelle Elisabeth Badinter. Dans un texte intitulé  » Femmes, soyez soumises à vos maris  » (1768), Voltaire ironise sur le devoir de soumission des femmes.  » Quoi ! s’exclame une femme en s’adressant à son abbé. Parce qu’un homme a le menton couvert d’un vilain poil rude, qu’il est obligé de tondre de fort près, et que mon menton est né rasé, il faudra que je lui obéisse très humblement ?  » Et d’ajouter :  » Je sais bien qu’en général les hommes ont les muscles plus forts que les nôtres, et qu’ils peuvent donner un coup-de-poing mieux appliqué : j’ai bien peur que ce ne soit là l’origine de leur supériorité.  » Séducteur et libertin, Voltaire fait peu de cas des normes traditionnelles. Il a vécu la dernière partie de sa vie avec sa nièce, Mme Denis, qui fut aussi sa maîtresse. Mais c’est sa relation avec Emilie du Châtelet qui le marque le plus. Une femme de culture, qui lui transmet sa passion de la métaphysique et son goût pour les sciences – elle a traduit les £uvres de Newton. Les deux amants s’installent ensemble dans le château du mari à Cirey, en Champagne.  » Elle aurait pu être envoyée au couvent pour moins que cela « , raconte Elisabeth Badinter, qui a consacré un ouvrage à cette intellectuelle (Emilie, Emilie, ou l’ambition féminine au xviiie siècle, Le livre de poche). Une même passion de savoir les étreint.  » Ce couple préfigure celui de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, poursuit Badinter. Quelle modernité ! Ils partagent liberté amoureuse et liberté de pensée.  » Un jour, ils mènent des expériences scientifiques sur la propagation du feu dans une aile du bâtiment ; un autre, ils épluchent des livres de philosophie ou la Bible pour en relever les absurdités. Leur quotidien est fait d’un débat permanent. Elle est séduite par les théories de Leibniz, lui les abhorre. En 1741, Voltaire dédie à sa compagne un livre, pourtant franchement anti-leibnizien. Il confie alors à un ami :  » C’est là un bel exemple qu’on peut être tendrement et respectueusement attaché à ceux que l’on contredit. « 

M. W.

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