Le crescendo des performances

De Saint-Pétersbourg au concours Reine Elisabeth, il n’y a qu’un pas… Natif de la ville des tsars, Andrey Baranov remporte haut la main le premier prix de l’édition violon 2012, 75e anniversaire de l’épreuve. Un cru de très haute tenue.

Il nous captive depuis le premier tour. Il fait de la musique, il se fout bien de correspondre au profil d’une bête de concours standard « , assurent deux jeunes Espagnols, étudiants au conservatoire de Bruxelles. C’était le jeudi 24 mai. Ce soir-là, le violoniste russe Andrey Baranov irradiait le Concerto n°1 de Chostakovitch de son énergie créatrice. Visage rond à la concentration bougonne, stature haute mais un brin enveloppée façon Vadim Repin à l’époque de son premier prix (1989), corps souple comme articulé par les crins de son archet. Un  » Chosta  » de légende, sans concession, au souffle implacable taraudé par une passion urgente. Le public vibre, standing ovation.  » Je n’ai rien changé pour le concours, confie Baranov. Ce qui m’intéresse, c’est de m’améliorer, de rehausser mon niveau de jeu. Pas d’être le gagnant à tout prix ! » Et il faut croire qu’il a progressé puisqu’il ne dépassait pas les demi-finales lors du concours de 2009.

Une excellente cuvée

De l’avis unanime, cette session se caractérise par l’excellence moyenne partagée des finalistes. Illustration en se limitant aux dauphins de Baranov. Du haut de ses 20 ans, le Japonais Narita Tatsuki (2e prix) a ciselé le Concerto n° 1 de Paganini avec une virtuosité créativement décoiffante. Tandis que la Coréenne Hyun Su Shin (3e prix) promenait sa musicalité gracieuse dans l’incontournable concerto de Sibelius… Bien sûr, le Reine Elisabeth n’a jamais rassemblé à un examen d’école de musique, mais, cette année, la qualité générale atteint des sommets. Exit les trous de mémoire, les défaillances flagrantes, les passages à vide spectaculaires…  » C’est comme en sport, confie un flûtiste de l’orchestre, le niveau général des performances n’arrête pas de grimper.  » Côté excellence, les félicitations adressées par Arie Van Lysebeth, président du jury, à l’orchestre national et à son chef Gilbert Varga ne sont pas que protocolaires.  » Un boulot formidable pour s’adapter de la sorte aux finalistes « , affirme le Belge Lorenzo Gato, 3e prix en 2009. L’orchestre lui aussi s’améliore. En qualité technique, en réactivité d’ensemble. Et en enthousiasme communicatif : tous s’appliquent à relayer l’engagement des lauréats. Mention aux cuivres et aux bois, avec des bassons particulièrement expressifs.

Côté programme, le concerto imposé du jeune Japonais Sakai Kenji a suscité la polémique. L’exercice fait partie identitaire des exigeantes chicanes du Reine Elisabeth Grand Prix. Mais on peut s’interroger sur le choix. L’£uvre s’avère plus intéressante comme forme symphonique concertante que comme concerto à destination du genre concours. Tout y semble conçu pour que le soliste y soit totalement écrasé. Et celui-ci doit avant tout se débattre pour assurer une présence minimale. Comme si l’expressivité arrivait en supplément facultatif de programme. Antidote : parvenir à imposer des espaces de respiration. Comme l’a très bien compris le Taïwanais Yu-Chien Tseng (5e prix) : ses ralentendos, ces habiles décalages, ces vibratos distillés sur l’instant juste ont forcé l’£uvre à respirer, là où d’autres s’y laissaient asphyxier.

PHILIPPE MARION

De l’avis unanime, cette session se caractérise par l’excellence moyenne partagée des finalistes

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