Le Corbusier et la photographie, sa meilleure amie !

Il l’utilisa pour relayer son travail et ses théories mais, plus encore, pour cultiver sa propre image de dandy… Bien avant l’heure, Le Corbusier, architecte majeur du XXe siècle, prit toute la mesure des pouvoirs multiples et magiques de la photographie.

Si la vie et l’oeuvre de Charles-Édouard Jeanneret dit Le Corbusier (1887-1965) ont été de nombreuses fois évoquées, un thème reste à ce jour peu abordé : son rapport étonnant à la photographie. Réunissant quantité de clichés, le parcours proposé au CIVA, le Centre International pour la Ville, l’Architecture et le Paysage, à Bruxelles, explore l’importance du medium photographique dans la carrière et la reconnaissance mondiale de l’architecte.

Très tôt, Le Corbusier prend conscience de sa propre photogénie et du rôle que celle-ci pourrait jouer dans la promotion de ses idées. Soucieux de son image, il soigne son apparence et cultive un style vestimentaire unique : grosses lunettes cerclées de noir, chemise blanche et noeud papillon, pipe ou cigarette entre les lèvres… L’architecte veut transmettre la figure d’un artiste au regard réfléchi, à l’expression grave voire ascétique. Une vraie réussite marketing ! Cette allure identifiable entre mille lui permet d’être reconnu du grand public.

Des clichés sous haute surveillance

Inquiet du reflet que les photographes donneraient de lui, l’homme ne laisse rien au hasard : il sait comment se faire immortaliser, quelle attitude adopter, aux côtés de quelles stars poser… Dans cette sphère hyper-contrôlée, rare est la spontanéité. Les clichés font généralement l’objet de séances de pose millimétrées (avec des amis, devant ses oeuvres ou en des lieux significatifs). Derrière l’objectif, des photographes tantôt anonymes, tantôt renommés : Robert Doisneau, René Burri, Lucien Hervé…

Perfectionniste dans l’âme, l’architecte n’est pas seulement tatillon à l’égard des portraits que l’on tire de lui… Il supervise aussi de près – et avec un oeil d’une terrible exigence – les tirages illustrant ses réalisations. Présent lors de nombreux reportages officiels, il dicte avec précision ses instructions. Son empreinte sur le travail des photographes est quasi hégémonique.

Parmi ses plus fidèles collaborateurs, Lucien Hervé. Le Corbusier le chargea de constituer ses archives. Soit 20 000 clichés qui documentent toutes les facettes de son oeuvre architecturale et de sa vie privée ou dans son atelier. Une véritable biographie visuelle. Tout au long de leur collaboration, le maître – dont le caractère  » amer  » fut souvent épinglé – restera ambivalent. Tantôt il couvre Lucien Hervé d’encouragements, tantôt il l’assomme de remarques désobligeantes.

À certaines époques de sa vie, l’architecte passe de l’autre côté de l’objectif, prenant des milliers de photos. Soi-disant à court de pellicule, il utilise même sa petite caméra pour fixer ce qu’il voit, image par image. Mais il ne s’arrête pas là : il va également exploiter la photographie dans ses architectures. Au Pavillon suisse de la Cité universitaire de Paris, Le Corbusier couvre entièrement un mur d’une fresque composée de 44 clichés. Soit une façon supplémentaire de mettre la photographie à son service.

Construire l’image : Le Corbusier et la photographie, CIVA, 55, rue de l’Ermitage, à 1050 Bruxelles. Jusqu’au 6 octobre prochain. www.civa.be

GWENNAËLLE GRIBAUMONT

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