Le compte est bon

Régent en mathématique et physique, il a résolu l’équation qui lui a permis de jouer 26 saisons dans le même club, dont 11 en D1.

Lorsque Olivier Besengez (35 ans) a tiré sa révérence, le 19 mai, après une bonne heure de jeu d’un match contre le Standard qui lui rappelait l’un des premiers exploits de l’Excelsior réalisé en 1995 en Coupe de Belgique contre les mêmes Rouches, le kop de Mouscron aurait pu entonner : – Adieu monsieur le Professeur, on ne vous oubliera jamais. Régent en mathématique et physique, Oli n’a jamais délaissé sa profession d’enseignant et vient de refermer le livre d’une carrière unique.

 » Je n’oublierai jamais ce dernier match « , assure-t-il.  » D’abord, il y avait longtemps que je n’avais plus vu le Canonnier aussi rempli. La standing ovation que l’on m’a réservée à ma sortie m’a donné la chair de poule. Et en plus, on a gagné « . En fait d’adieu, c’était plutôt un au revoir, car après des vacances en famille, Oli reviendra à l’Excelsior pour prendre en charge l’équipe des -19 ans.  » J’essaierai de transmettre à ces jeunes ce que l’on m’a enseigné pendant plus d’un quart de siècle. C’est un prolongement de ce que je faisais déjà cette saison, avec les jeunes du noyau A. Au niveau de l’enseignement, j’espère que mes trois heures actuelles (que j’ai toujours gardées pour conserver un pied dans l’école en vue de mon après carrière) passeront à 12 heures par semaine. Je donne d’ailleurs cours de sciences à certains jeunes de l’Excel. C’est intéressant car je peux leur parler d’anatomie, de diététique, de fonctionnement du corps humain. Ce qui crée un lien avec le sport « .

Le football n’est pas une science exacte, dit-on. Mais les chiffres peuvent être révélateurs.

Les chiffres

26. Le nombre de saisons d’affilié dans le même club.

 » Je ne pense pas qu’à l’avenir, un joueur parviendra à battre ce record, à Mouscron ou ailleurs. Olivier De Cock aurait pu le faire, mais il s’apprête à quitter Bruges après 20 ans. Ma longévité s’explique par le fait que je sois casanier et le fait que je n’ai jamais travaillé avec un manager. A l’étranger, je n’en vois qu’un qui soit sur les mêmes bases que moi : Paolo Maldini !  »

11. Le nombre de saisons en D1.

 » Et aussi le nombre d’entraîneurs que j’ai connus en équipe Première. Jusqu’il y a quatre ou cinq ans, l’Excelsior était un club stable, mais ces dernières saisons, la valse des entraîneurs a battu son plein. En fin de compte, j’aurai eu dans l’ordre : Walter Ellegeert, André Van Maldeghem (pendant cinq ans et demi), mon père Daniel qui a assuré un bref intérim lors du tour final de D2 en 1995, Georges Leekens, Gil Vandenbrouck, Hugo Broos (cinq ans), Lorenzo Staelens, Georges Leekens encore, Philippe Saint-Jean, Geert Broeckaert, Paul Put, Gil Vandenbrouck encore et finalement Ariel Jacobs « .

218. Le nombre de matches joués.

 » C’est un chiffre honorable, si l’on tient compte d’une vilaine blessure au genou qui m’a éloigné des terrains pendant sept mois, et d’autres petites opérations, au pied notamment. J’ai aussi connu une année difficile avec Philippe Saint-Jean, avec qui j’ai peu joué. La dernière saison avec plus de 25 matches fut celle avec Lorenzo Staelens. Ces dernières saisons, l’âge aidant, je suis un peu rentré dans le rang « .

17. 822. Le nombre de minutes jouées.

 » C’est révélateur. Lorsque j’ai joué, c’était presque toujours comme titulaire et pendant 90 minutes « .

347. Le nombre de points conquis.

 » C’est aussi révélateur : j’ai souvent été titulaire dans la grande équipe de l’Excelsior « .

3. Le nombre de buts inscrits.

 » Et tous les trois dans la même saison ! En 98-99, durant la deuxième saison de Broos. Un contre Lommel, un contre Westerlo et un à Harelbeke. Trois, c’est un peu mon chiffre fétiche : trois montées, trois tours finals en D2, trois cartons rouges, trois assists, trois heures de cours à l’école  »

Les calculs

1+1=2. C’est l’addition la plus simple que l’on puisse faire, mais au niveau du contrat, ce n’est pas pareil.

 » Lorsqu’on a discuté d’une reconduction de contrat en 2005, Roland Louf n’a pas voulu me donner deux ans. Parce que je sortais de blessure et que j’avais 34 ans. On a donc conclu sur base de 1+1 (une année ferme, plus une année en option). Par chance, j’ai bien terminé le deuxième tour de la saison 2005-2006, avec une finale de Coupe en apothéose. Cela m’a permis d’obtenir l’année d’option. Certains me disent que ce fut l’année de trop, mais je ne la vois pas sous cet angle-là. A partir du moment où Daan Van Gijseghem devait jouer pour acquérir de l’expérience (et a justifié ses sélections par ses prestations) et où Geoffray Toyes fut le joueur le plus régulier, il n’y avait plus de place pour moi. Mais j’ai pris beaucoup de plaisir à faire partie de ce groupe et à terminer ma carrière dans mon club « .

26+2=28. 26 saisons à l’Excelsior et 2 à Herseaux.

 » Herseaux fut effectivement mon premier club. Je suis parti à Mouscron en juillet 1981. En fait, mon frère cadet Sébastien et moi, avons suivi mon père Daniel, qui devenait entraîneur de jeunes à l’Excelsior. J’allais avoir 10 ans, vu que je suis né en septembre 1971. C’était déjà Jacques Vandewalle qui avait signé ma carte d’affiliation. Chez les jeunes, on ne disposait pas des beaux terrains actuels, loin de là. On s’entraînait souvent dans la boue « .

1+1+5+11=18. Une saison en Promotion, une saison en D3, cinq saisons en D2 et onze saisons en D1, pour 18 saisons en équipe Première.

 » Walter Ellegeert, l’entraîneur de l’époque, m’a introduit dans le noyau A en Promotion en compagnie de deux autres jeunes, Grégory Himpe et Marc Bourgois. Je n’ai pas joué en Promotion, mais j’ai participé à la fête de la montée. J’ai disputé mon premier match officiel en D3 sous la houlette d’André Van Maldeghem, contre La Louvière. J’ai fêté une nouvelle montée, qui précédait cinq belles saisons en D2 « .

17822 : 218= 81,75. Le nombre de minutes jouées, divisées par le nombre de matches, donne une moyenne de 81,75 minutes jouées par rencontre.

 » A mes yeux, plus de 80 minutes par match, cela représente quelque chose. Car le joueur qui est monté au jeu pendant trois minutes est aussi catalogué comme ayant joué le match. Steve Dugardein a encore fait mieux : il a joué 27.003 minutes en 313 matches, soit 86,27 minutes par rencontre. Ce sont des statistiques extraordinaires « .

347 : 218=1,59 Le nombre de points conquis, divisés par le nombre de matches, donne une moyenne de 1,59 point conquis par rencontre.

 » Dugardein a pris 462 points en 313 matches, soit une moyenne de 1,47 point par match. C’est sans doute le seul domaine où je le bats, mais cela s’explique par le fait que Steve a joué davantage que moi ces dernières années, durant lesquelles l’Excelsior s’est montré moins performant « .

Les bulletins

Le premier de classe.

 » Steve, pour les chiffres qu’il peut avancer en matière de longévité et de performance. On a joué 16 années ensemble et on a tissé des liens d’amitié indéfectibles « .

La grande dis’.

 » Au niveau de la classe pure, je citerais Mbo Mpenza « .

La dis’.

 » Pour l’élégance qu’il affichait sur le terrain, je décernerais une distinction à Tonci Martic « .

L’élève appliqué.

 » Alex Teklak. Au niveau humain, on a aussi tissé des liens indéfectibles qui vont bien au-delà du football « .

L’élève turbulent.

 » Frédéric Pierre. Lorsqu’il était appliqué, il pouvait faire la différence pour l’équipe, mais il était aussi capable de péter un plomb « .

Le cancre.

 » Si l’on prend la définition de l’écolier paresseux, je citerais Zoran Ban. Lui, quand il n’avait pas envie, il n’avait pas envie. Pourtant, c’était un bon gars capable de faire rire tout le monde, et il avait de grandes qualités « .

Les scientifiques

Descartes. Mathématicien et physicien français (1596-1650). Construit sa métaphysique suivant la même méthode, l’amenant à faire table rase de toute connaissance non fondée.

 » A la limite, je me reconnaîtrais dans le personnage. J’ai toujours eu un esprit cartésien. Je suis une certaine logique et je n’ai jamais cherché à réaliser ce qui, pour moi, était irréalisable « .

Einstein. Physicien allemand (1879-1955), surtout connu pour sa théorie de la relativité, qui a profondément marqué la science moderne.

 » De tous les footballeurs que j’ai connus, Martic était sans doute le plus érudit. Il avait un diplôme d’ingénieur et on l’appelait parfois Einstein « .

Newton. Mathématicien britannique (1642-1727) qui découvrit les lois de l’attraction universelle.

 » Pas Jean-Pierre Detremmerie ? Il a toujours gravité autour de l’Excelsior, même lorsqu’il n’avait pas de fonction officielle, et était toujours attiré par le centre du club. Si je suis là, et si le club est là, c’est grâce à lui  »

Les théorèmes et conjectures

Le théorème. Ce que l’on a démontré à partir de faits donnés ou d’hypothèses justifiables.

 » Je dirais que c’est le fait que Mouscron mérite sa place en D1. Dans les premières années, on a quasiment toujours terminé dans le Top 5 ou le Top 6. C’est un peu moins vrai ces dernières saisons, mais on est toujours parvenu à se sauver et les efforts fournis pour assainir les finances démontrent que le club mérite sa place parmi l’élite « .

La conjecture. Opinion fondée sur des apparences. Ce qu’on pense qui est vrai mais n’a pas pu être démontré.

 » Là, je dirais que c’est le fait que Mouscron peut régulièrement briguer une place dans une coupe européenne. A l’heure actuelle, l’Excelsior est un club du ventre mou du classement et c’est l’objectif que l’on doit poursuivre. Au cours des premières années, on a rêvé à beaucoup de choses, on en a réalisé certaines et on a été européens à deux reprises, mais la vraie place de Mouscron se situe dans le bas de la colonne de gauche « .

L’équation : formule à résoudre où figurent plusieurs inconnues x, y, z.

 » Au début de ma carrière, l’inconnue, c’était la manière dont j’allais pouvoir m’adapter à chaque niveau, au fur et à mesure que le club gravissait les échelons. J’ai dû travailler physiquement, techniquement et mentalement, pour progresser. J’ai côtoyé plusieurs joueurs qui ont gravi les échelons en même temps que moi, mais qui ont disparu. J’ai résolu l’équation grâce, d’abord, à un gros mental, et à la fin de ma carrière, à l’expérience tactique qui a pris le pas sur l’explosivité et la vitesse « .

La quadrature du cercle : problème insoluble.

 » La conquête d’un trophée. On a eu, à deux reprises, la possibilité de remporter la Coupe de Belgique. Deux fois, on a échoué en finale. Et en 1997, on était en tête lorsque Georges Leekens a été appelé au chevet des Diables Rouges. Ce palmarès vierge, c’est mon grand regret « .

par daniel devos – photos: reporters/mossiat

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