Le CDH Au centre, en avant toute

Michel Delwiche
Michel Delwiche Journaliste

Après cinq ans de participation gouvernementale, le CDH va aux élections en affichant un calme de façade, au beau milieu des invectives de la campagne. Mais angoissé et pas encore résigné à l’idée que les sondages, qui le relèguent en 4e position, pourraient se confirmer.

Dès sa naissance en 2002, le CDH, Centre démocrate humaniste, succédant au PSC, affiche une volonté d’ouverture, qui se traduit par l’abandon de toute référence chrétienne. Ni de gauche ni de droite, ce Centre ne se contenterait pas d’occuper la place entre le pôle des gauches PS-Ecolo et les composantes du MR, mais se situerait  » au-delà « , mettant l’homme et la famille (même hors mariage) au centre des préoccupations.

Jean-Jacques Viseur, aujourd’hui bourgmestre de Charleroi, expliquait alors que le CDH refusait la logique matérialiste et se rangeait dans le camp progressiste. En contrepoint, Richard Fournaux, bourgmestre de Dinant, présentait le CDH comme  » un appui possible à un pôle de droite pour une majorité de remplacement « .

En septembre 2003, l’élection à la présidence du parti voit s’affronter les diverses tendances, du moins ce qu’il en restait. Joëlle Milquet est élue, devant Richard Fourneau (centre-droit) et Denis Grimberghs (centre-gauche). Il en restera des traces puisque, début 2004, Fournaux quitte le CDH pour le MR, en entraînant quelques élus.

Avec le PS

La fusée CDH ne décolle pas vraiment aux élections régionales de 2004, mais les 14 députés conservés à Namur suffisent pour former, avec les 34 socialistes (+ 9), une confortable majorité. Trois CDH entrent au gouvernement wallon : André Antoine (vice-président), Benoît Lutgen et Marie-Dominique Simonet, que Joëlle Milquet est allée chercher à la direction du Port autonome de Liège. Catherine Fonck est ministre à la Communauté française. A la Région bruxelloise, le CDH intègre l’olivier et Benoît Cerexhe entre au gouvernement.

En mai 2005, lors de la célébration du troisième anniversaire du CDH, Joëlle Milquet répète que le clivage gauche-droite est réducteur et dépassé. Elle met un accent particulier sur le sens de l’éthique et réaffirme la place centrale de l’humain. Une phrase déjà sur la multiculturalité : il faut  » refuser autant les replis ethniques dangereux et fermés que l’assimilation uniformisatrice qui nie les richesses des différences et des identités culturelles ou philosophiques « .

A l’automne suivant, elle enfonce à nouveau le clou de l’éthique. Facile, peu après la démission du ministre-président Jean-Claude Van Cauwenberghe (PS), emporté par les affaires de Charleroi. A l’occasion des deux ans de participation aux gouvernements régionaux et communautaire, et dans la perspective des communales de 2006, elle poursuit sur cette voie royale en soulignant les mérites du ministre wallon du Logement, André Antoine, champion du nettoyage dans les sociétés de logement social. Ces élections communales permettront au CDH de conquérir le mayorat dans deux villes importantes de Wallonie, Namur et Charleroi.

En vedette : Madame Non

La campagne pour les fédérales de 2007 permet au CDH de laisser entrevoir sa préférence pour une majorité identique à celle des Régions, soit une alliance, là aussi, avec les socialistes. Le MR s’en énerve et, ici et là, on commence à parler d’un CDH  » scotché  » au PS. Les résultats de ces élections ne permettront pas la constitution d’une majorité rouge-orange, le PS essuyant une cinglante défaite, et cédant la place de premier parti francophone au MR. Joëlle Milquet doit bien se résoudre à participer aux négociations pour la formation d’une majorité orange bleue. Paradoxalement, cette période, fort longue, permet à la présidente d’occuper le devant de la scène, alors que le CDH est le plus petit des quatre négociateurs. Elle joue admirablement, dès le mois de juillet, de cette opportunité pour faire valoir ses positions. Et surtout ses oppositions : au maintien d’enfants dans des centres fermés, à la limitation dans le temps des allocations de chômage, à une diminution sans condition des impôts, au démantèlement de l’Etat belge…

Celle qui sera bien vite surnommée  » Madame Non  » énerve, mais se taille une belle popularité côté francophone, où, face à la position bien moins claire d’un Didier Reynders qui se voit aux commandes du pays, elle incarne la résistance francophone.

Présidente et vice-Première

En décembre 2007, suite aux échecs d’Yves Leterme (CD&V) à former une majorité orange bleue, Guy Verhofstadt (VLD) est rappelé par le Palais et veut former un gouvernement  » intérimaire  » en incluant les socialistes, uniquement les francophones. Cela ne se passe pas sans mal : le MR s’oppose à l’entrée du CDH dans l’équipe, le CDH annonce son retrait, le PS montre les dents, le CD&V se dit solidaire du CDH, le MR s’incline… C’est le premier gouvernement asymétrique de l’histoire de la Belgique. Il compte un ministre CDH, le syndicaliste Josly Piette, à l’Emploi.

Comme convenu, Verhof-stadt cède la place, en mars 2008, à Yves Leterme. Joëlle Milquet, présidente du CDH, y sera vice-Première et ministre de l’Emploi.  » Je n’étais pas vraiment demandeuse, expliquera-t-elle, mais le parti a résolument insisté pour que j’y aille.  » Quant au portefeuille de l’Emploi :  » Je vais m’investir à fond pour éviter que l’on détricote le droit du travail et la concertation sociale.  » Le CDH obtient aussi le Budget, attribué à Melchior Wathelet, qui ne sera pourtant que secrétaire d’Etat.

La vice-Première reste à la tête du CDH, un cumul qu’elle avait pourtant reproché à Didier Reynders au MR. Cela crée des tensions internes, mais Joëlle Milquet assume : elle conduira ses troupes jusqu’aux élections de juin 2009 avant de passer, en septembre, après dix ans de présidence et des dérogations, le flambeau à son successeur. Le seul nom avancé jusqu’ici est celui du ministre wallon Benoît Lutgen.

Le  » bon bilan  » des ministres

Mais voilà que ces élections régionales ne se présentent pas trop bien, et que, sondage après sondage, le CDH est repoussé à la 4e place des partis francophones, derrière le PS, le MR et Ecolo. Aux dernières séances du parlement wallon, André Antoine ne peut se retenir de se gausser des verts, principalement de Bernard Wesphael, devenu sa tête de Turc, qu’il rebaptise avec son humour particulier Bernard Oostphael !

Pour tenter de redresser la barre, et peut-être se donner du moral sans trop égratigner l’un ou l’autre futur éventuel partenaire, le CDH, dans cette dernière ligne droite, met systématiquement l’accent sur le  » bon  » bilan de ses ministres régionaux et communautaires.  » Nos ministres se sont vraiment bien défendus, quand je pense au plan Marshall, à la problématique de la formation et de l’entrepreneuriat « , déclare Véronique Salvi, tête de liste à Charleroi.  » On a eu des ministres qui ont abattu un travail formidable « , surenchérit Maxime Prévot, tête de liste à Namur.

 » Le centre… c’est vous « , lance le CDH lors de son congrès de Rocourt, où André Antoine explique le besoin d’un mouvement  » qui réconcilie l’économie avec l’homme et l’homme avec son développement durable « . L’homme toujours ; au centre encore.

 » Les différences idéologiques, en politique, sont de plus en plus gommées, explique un militant chrétien de gauche : plus que jamais, et la crise le montre, c’est une erreur de dire que gauche et droite n’ont plus de sens. Le message du CDH est brouillé. Joëlle Milquet a des convictions de gauche, mais elle ne veut pas l’admettre. « 

Le CDH doit-il être au pouvoir ?  » Si ça continue comme ça, le MR n’aura même pas besoin d’une coalition à trois, les Ecolos suffiront. A deux, il y aura ainsi plus de places de ministres, et le débat sera plus clair. Ecolo, qui a les sympathies de bien des démocrates-chrétiens, aura remplacé le CDH dans son rôle de pivot entre PS et MR. Cela pourrait être lourd de conséquences, pour le CDH, mais aussi pour Ecolo, obligé de participer « , conclut-il.

MICHEL DELWICHE

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