Le bonheur des femmes

Kristien Hemmerechts

La vie commence à 40 ans, dit-on. Cette assertion a toujours été une piètre consolation pour moi. Or une récente enquête conclut même que les femmes n’atteignent le grand bonheur qu’après leur quarante-cinquième anniversaire. Elles ont alors acquis l’assurance si nécessaire pour jouir à pleines dents de la vie, y compris du sexe.

 » Nous sommes passées maîtresses dans l’art de procurer du plaisir aux hommes « , déclare avec un bel aplomb une femme de 61 ans. J’aurais préféré qu’elle eût dit :  » Nous savons obtenir des hommes qu’ils en viennent à nous rendre heureuses au lit.  » Soit. Avec cinq autres femmes flamandes, elle a posé nue pour Lieve Blanquaert, qui, à nul autre pareille, sait photographier les femmes. La nudité chez elle n’est jamais tout à fait la nudité. Pas le moindre mamelon en vue ni de poils pubiens ondulant lestement. Bien sûr, les bourrelets disgracieux sont sagement cachés par un bras ou une jambe. Une chaste et sereine retenue, en quelque sorte. Le message aurait toutefois eu plus de nerf si les photos montraient aussi un ventre flasque, des varices, des seins tombants ou de la cellulite aux cuisses. Bref, même atteinte par ces défauts, une femme peut et doit se sentir bien dans sa peau. Mais passons.

Pour les femmes plus âgées, les résultats de ladite enquête leur sonnent comme une douce musique aux oreilles. En revanche, pour leurs cons£urs plus jeunes, l’histoire n’a rien de palpitant. D’où vient leur manque de confiance en elles ? Pourquoi ne savent-elles pas profiter de la vie en toute décontraction et sans entraves ? J’ai moi-même 54 ans, et je me sens en même temps plus libre et plus  » invisible  » qu’il y a vingt ans. A l’époque, je fus constamment soumise aux regards critiques : étais-je belle/sexy/séduisante, ou non ? Aujourd’hui, on me dit que je  » présente bien pour mon âge « . Qu’elle est dure cette petite phrase ! Mais il vaut mieux en rire que de s’en formaliser.

Aux jeunes femmes notre société inflige la rivalité. Qui est gratifiée de la plus belle poitrine, de la croupe la plus excitante, des cheveux les plus reluisants, du rire le plus rayonnant ? La confiance en soi n’en sort pas fortifiée. Or, à 45 ans, le temps est à la solidarité. Toutes les femmes sont logées à la même enseigne. Toutes ont perdu leur fraîcheur juvénile. Leur vanité n’est plus flattée. Heureusement, elles y gagnent aussi en retour : elles ont cessé d’être prisonnières des yeux des autres qui aiment tant les jauger en ne jurant que par les canons en vigueur. Elles savent enfin ce que toutes ces beautés éblouissantes ignorent encore. Qu’on vaut infiniment plus que son apparence physique. L’heure de la jouissance est enfin arrivée.

Ecrivaine

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KRISTIEN HEMMERECHTS

Qui est gratifiée de la plus belle poitrine, de la croupe la plus excitante, des cheveux les plus reluisants ?

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