Le blues des patrons

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

A Bruxelles, une ligne téléphonique gratuite propose, 24 heures sur 24, un soutien psychologique aux chefs d’entreprise en difficulté.

Cette année, le téléphone a sonné 760 fois. A l’autre bout de la ligne, des patrons de petites entreprises bruxelloises et des indépendants. Leur point commun : ils appellent à l’aide. Mais souvent trop tard.

Le numéro vert 0800 99 978 du Centre pour les entreprises en difficulté (CED), lancé par le ministre bruxellois de l’Economie Benoît Cerexhe (CDH), a vu le jour en novembre 2007 pour recueillir les SOS des patrons envahis par le stress.  » Les juristes et les experts financiers du CED leur prodiguaient bien des conseils, mais leur stress était tel qu’ils ne les appliquaient pas et commettaient toujours les mêmes erreurs « , raconte le psychiatre Lucien Steru, qui dirige le service. D’où l’idée d’essayer, d’abord, de réduire cette tension, avant de passer aux décisions et aux solutions pratiques.

Depuis un an, une douzaine de psychologues, bilingues et spécialement formés au coaching pour entrepreneurs, se relaient donc au bout de la ligne, ouverte 7 jours sur 7, 24 heures sur 24.

Les appelants, qui peuvent garder l’anonymat s’ils le souhaitent, sont majoritairement francophones (80 %). Ils sont jeunes, quadragénaires ou proches de la pension. Il y a parmi eux autant d’hommes que de femmes. Ils appellent parce qu’ils sont confrontés à un problème qui leur semble insurmontable.  » Ce sont souvent des indépendants, rappelle Wout Vanderborcht, l’un des psychologues. Habitués à se débrouiller seuls, ils essaient d’abord de s’en sortir sans demander de l’aide. Puis, quand la situation devient inextricable, c’est-à-dire trois fois sur quatre, ils appellent. « 

Aujourd’hui, leur stress est lié au crédit

Un exemple ? Ce patron d’une petite firme de transport, dont le seul client a fait faillite. A court d’argent, il se retrouve à la rue. Tel autre, informaticien, a bradé ses prix pour décrocher un marché. Jusqu’à ce qu’il s’aperçoive que l’affaire n’est pas rentable. Les appelants se tournent aussi vers le CED en cas de problèmes relationnels avec leurs associés ou de problèmes de couple, d’autant plus difficiles à surmonter que les deux conjoints travaillent dans la même société. Ou, enfin, pour des problèmes de stress personnel qui rejaillissent sur la vie professionnelle. Depuis quelques mois, la crise se fait douloureusement sentir et la nature du stress des patrons a changé : beaucoup de petites structures connaissent des problèmes de crédits. Il arrive aussi, dans 15 % des cas, que ce soit le conjoint du chef d’entreprise qui s’inquiète et contacte la ligne pour trouver de l’aide.

Pour réduire le stress des chefs d’entreprise, dans trois quarts des cas, un seul appel téléphonique suffit. La vague d’émotion dépassée, le patron et son interlocuteur établissent un plan d’action, alimenté par les solutions que l’entrepreneur élabore lui-même. L’entretien, se déroulant exclusivement par téléphone, dure souvent 45 minutes, au minimum. Au terme de celui-ci, le patron est invité à donner de ses nouvelles pour faire le point. Une manière de ne pas l’abandonner. Rares sont, pourtant, ceux qui font signe lorsque le gros de l’orage est passé.

Cette initiative n’a pas d’équivalent en Région wallonne ni en Flandre.

Laurence van Ruymbeke

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