La ville, une valeur en hausse

La ville, une idée toujours neuve ? Alors que Bruxelles gagne à nouveau des habitants, les villes wallonnes, à l’exception de Namur, ont toutes les peines du monde à retenir les leurs. La « ville compacte », prônée par l’Europe, répond toutefois à des impératifs politiques, économiques et, surtout, environnementaux. Trop assimilée à ses « problèmes urbains », la ville souffre d’un déficit d’image. Et s’il était temps d’en changer ?

On finissait par ne plus y croire, à ce retour à la ville, tant de fois annoncé par les sociologues. Pourtant, à Bruxelles, les indicateurs frémissent. Depuis 1996, les communes bruxelloises enregistrent un solde migratoire positif: le bilan des arrivées et des départs (naturels ou migratoires) redevient positif, après vingt ans de lente hémorragie (- 7%). En 1999, la région de Bruxelles a ainsi gagné 2 170 habitants. Les communes qui connaissent la croissance la plus forte sont Evere (1,74 %), Molenbeek (1,62 %) et Jette (1,48 %). D’autres, en revanche, perdent encore des habitants, comme Auderghem (- 0,44 %), Bruxelles-Ville (- O,29 %), Ganshoren (- 0,30 %) et Uccle (- 0,27 %).

La plupart des villes wallonnes (Charleroi, Liège, La Louvière, Mons, Tournai, Verviers) continuent, quant à elles, de s’affaiblir, mais à un rythme plus lent qu’au cours des années 1965 – 1979, l’âge d’or de la ruée vers les périphéries plus accueillantes ( voir le graphique page ..). Au total, c’est 10% et 17% de leurs habitants que les deux premières ont perdu depuis 1978 ! Namur reste l’exception au désamour qui frappe les centres urbains (au sens que leur donne l’Institut national de statistique, Huy, Arlon, Ciney ou encore Rochefort ne répondent pas aux critères de « centre urbain » rayonnant sur une « région urbaine »). Ayant hérité d’une fusion réussie, qui a fait coïncider les limites de la ville avec celles de l’agglomération, la cite mosane a été incontestablement dopée par son statut de capitale de la Région wallonne. Avec Bruxelles-Capitale, elle est la seule entité d’importance à tirer son épingle du jeu.

« Durant la même période, rappelle le démographe Thierry Eggerickx (UCL), chercheur qualifié au Fonds national pour la recherche scientifique (FNRS) et membre du Centre d’étude de gestion démographique pour les administrations publiques (GéDAP-UCL), la population des communes périurbaines a augmenté de 14%. En Brabant wallon, par exemple, la croissance fut de 20%, alors que les effectifs des communes périurbaines liégeoises se sont gonflés de 15%. Les petites villes et les communes rurales ont également vu croître leur population, mais dans des proportions inférieures à celles des zones périurbaines. »

Le match « villes-campagnes » va-t-il à nouveau se jouer ? Faux débat, tranchent les experts. Car ces deux entités n’existent plus à l’état « chimiquement pur »: sociologiquement, tous les Belges sont urbanisés. Mais, dans un pays où la croissance de la population est quasi nulle, tout gain d’habitants au sein d’une commune se traduit ailleurs par une perte. Ce « vrai-faux match », gagné, jusqu’à présent, par des banlieues relativement prospères mais dévoreuses d’espace sur des villes exsangues, n’est pas terminé. Outre les frémissements démographiques observés ici et là, un nouveau discours sur la ville émerge. L’étalement périurbain a, en effet, un coût, et il est exorbitant comme en témoigne une enquête explosive réalisée par des chercheurs de l’ULB, de l’UCL et de l’ULg, à la demande de la Région wallonne (1).

Un exemple: l’aménagement d’une parcelle à front de voirie nécessite des équipements pour la distribution d’eau alimentaire, d’électricité, de gaz, de la câblodistribution, l’éclairage public, la collecte et le traitement des eaux usées. Pour une façade d’une largeur de 7 mètres (qui correspond à une urbanisation relativement compacte de maisons mitoyennes), le coût minimum est de 202 000 francs. Il dépasse les 605 000 francs dans le cas d’une propriété de 30 mètres de largeur (qui correspond à une maison « quatre façades » implantée sur une parcelle). Autre constatation éloquente: si l’équipement primaire des lotissements (les égouts, par exemple) est à charge des lotisseurs, l’acheminement des services (gaz, électricité, câble), ainsi que les frais récurrents d’entretien, sont assumés par les distributeurs et répercutés indirectement sur la facture de tous les usagers. Ceux-ci sont également sollicités pour payer, via la taxe sur la consommation, les charges gigantesques de l’épuration des eaux usées, rendue plus complexe et coûteuse par l’extension de l’habitat. En vingt ans, la facture « eau » du ménage wallon moyen est passée de 3 429 francs à 6 454 francs, au nom d’une équation simpliste entre la consommation d’eau et le coût de son épuration, compte non tenu de la localisation de l’habitat (ville, périphérie, etc.). On peut donc légitimement se demander si ce ne sont pas les habitants des villes qui subsidient le développement des banlieues… !

« Lorsqu’un terrain agricole acquiert le statut de terrain à bâtir, il acquiert une soudaine plus-value: c’est la « rente foncière d’urbanisation », explique l’économiste-géographe Jean-Marie Halleux (ULg). En Belgique, comme dans plusieurs pays d’Europe du sud, cette rente est laissée au propriétaire foncier initial. Dans d’autres pays, en Suède et aux Pays-Bas, par exemple, ce sont les pouvoirs publics qui « captent » cette rente d’urbanisation et l’affectent au financement des services collectifs. » Loin de permettre une redistribution plus équitable des charges collectives via l’impôt, le précompte immobilier renforce l’iniquité du système: un patrimoine de même valeur vénale continue d’être moins taxé en périphérie que dans les villes.

Le réquisitoire des experts sollicités par l’administration wallonne ne s’arrête pas au bâti. Tout coûte incontestablement plus cher dans un habitat dispersé: la collecte des déchets, la distribution du courrier (la desserte d’un même nombre d’habitants coûte 150 francs s’il s’agit d’un seul immeuble à appartements contre 1 800 francs en milieu rural), les transports en commun. La pollution générée par les « navettes » entre le lieu de résidence et le lieu de travail est également à porter sur la facture. Jusqu’à la cohésion sociale qui serait mise en péril par l’appauvrissement des grandes villes et l’accroissement des inégalités de revenus entre les communes…

L’espace périurbain constitue, en effet, un milieu démographique socialement privilégié: on meurt, en moyenne, deux années plus tôt à Charleroi que dans le Brabant wallon, et cet écart ne cesse de s’accentuer ( voir infographie page..). Quant aux « ménages à risques » (isolés, familles monoparentales…), ils sont surreprésentés en milieu urbain. Fiscalement, il n’y a pas de solidarité entre les communes suburbaines et « leur » centre urbain. Les grandes villes continuent de taxer plus lourdement leurs habitants que la « campagne », encore que la pression fiscale, dans les banlieues les plus anciennes, ait tendance à se rapprocher de la norme urbaine.

Pourtant, le développement anarchique des périphéries, après avoir permis de sauver nombre de villages ruraux dans les années 60, inquiète. Le Brabant wallon ne cache plus ses états d’âme face à la banalisation de ses paysages et à la difficulté de coordonner ses implantations de routes, de lotissements ou de surfaces commerciales. La coexistence entre Brabançons de souche et « migrants » est parfois houleuse, d’autant plus qu’une forte pression s’exerce sur les biens fonciers et oblige les ménages moins fortunés à s’en passer. Résultat: le « jardin de Bruxelles » s’étire de plus en plus loin, jusqu’à Ath, la périphérie de Charleroi, la Hesbaye namuroise, Huy et Hannut. « On s’éloigne des pôles d’emplois mais on reste à proximité d’une route ou d’une autoroute », remarque Thierry Eggerickx.

Selon le démographe louvaniste, « le solde migratoire positif de Bruxelles-Capitale est la résultante d’un nombre plus élevé d’immigrations internationales que d’émigrations internationales, puisque, au niveau des migrations internes, le solde est toujours largement déficitaire. Il ne s’agit donc pas d’un mouvement de retour vers Bruxelles des personnes résidant à la périphérie ou dans des communes rurales. » Deux autres facteurs sont, pourtant, à considérer: la qualité et la diversité des logements bruxellois, d’une part, et les problèmes d’engorgement de la ville, d’autre part. Bruxelles sauvée par les voitures ? L’hypothèse est séduisante. « Il existe une loi dite de « constance des budgets-temps de transport » qui postule que nous cherchons à tirer parti des opportunités spatiales. Mais à deux conditions, explique Jean-Marie Halleux: ne pas dépasser un certain budget-temps – une à une heure et demie de navettes par jour – et ne pas consacrer plus de 15 à 20% de nos revenus à celles-ci. » Visiblement, la difficulté d’accéder à Bruxelles aux heures de pointe a atteint un seuil limite, au-delà duquel il redeviendrait intéressant de s’installer près de son lieu de travail. C’est-à-dire en ville.

« Si on applique cette « loi de constance des budgets-temps de transport » aux villes wallonnes, poursuit le géographe liégeois, un retour massif à la ville est très improbable, car elles sont encore loin de connaître les congestions biquotidiennes de la capitale. En outre, le taux d’occupation des terrains à bâtir est, en moyenne, inférieur à 40%. A la limite, on pourrait y loger 2,5 fois la population wallonne ! » Comment, dès lors, empêcher les gens de fuir les villes, alors que le modèle de la maison « quatre façades » reste si prégnant (le cadre de vie d’un tiers des Wallons) et que les propriétaires fonciers n’envisagent pas, eux, de renoncer à leur « rente d’urbanisation » ?

Comment inverser cette tendance à l’étalement urbain, présent partout en Europe au cours des deux derniers siècles, mais qui a été renforcée, chez nous, par une longue tradition de migration de travail ? La question va se poser de plus en plus. « Cette périurbanisation, par les coûts humains, sociaux et environnementaux qu’elle implique, est contraire à la notion de développement durable. Mais notre gestion territoriale n’intègre pas encore cette réalité, observe Jean-Marie Halleux. A la différence du Danemark, des Pays-Bas, de la Norvège ou de la Grande-Bretagne, la Belgique est peu sensible au mot d’ordre européen de « ville compacte »: celui-ci préconise la limitation de la consommation de l’espace disponible (compromise par l’étalement métropolitain), la réduction de l’utilisation de la voiture – qui est inversement proportionnelle aux niveaux de densité des centres – et l’atténuation des mécanismes de spécialisation territoriale et de ségrégation résidentielle entre les classes sociales. »

Essayer de rendre la ville agréable pour tous ses habitants, c’est ce que tente Bruxelles depuis une trentaine d’années. Défigurée autrefois par la création de la jonction ferroviaire Nord-Midi, Bruxelles a évité, grâce à la mobilisation protestataire des années 70 et 80, quelques grands projets de pénétration autoroutière. Chance que n’a pas eue Liège, éventrée jusqu’à la place Saint-Lambert. Bruxelles a cependant payé fort cher le chantier TGV de la gare du Midi, quartier pourri, pendant des années, par la spéculation immobilière. Dans un autre registre, l’implantation des bâtiments européens, qui a massacré tout un quartier d’habitat traditionnel au profit d’un mastodonte de verre et d’acier, déserté le soir et le week-end, n’a pas fait que des heureux. Mais la reconnaissance, en 1989, de Bruxelles comme Région à part entière lui a permis de mener une politique volontariste en faveur de l’habitat ancien, du logement (plus de 4 milliards de francs d’origine publique) et des espaces verts. Grâce à son autonomie, elle a pu, aussi, se doter de ses propres instruments en matière d’emploi, de politique sociale, de sécurité et de services de proximité. But ? Rendre visible et performante une nouvelle organisation de la ville, car « celle-ci est le laboratoire des outils de gestion de la société de demain », prédisait Charles Picqué, ministre de l’Economie et de la Politique des grandes villes et ancien ministre-président de la Région de Bruxelles-Capitale (2). A la fin des années 90, la philosophie du développement de Bruxelles évolue. Même revu sous la pression des comités d’habitants, qui craignent un désintérêt pour le logement et le secteur secondaire, le Plan régional d’affectation du sol (PRAS) prévoit de favoriser les « industries urbaines » (communication, informatique, services) et de s’inscrire au carrefour de la Wallonie, de la Flandre et de l’Europe.

Si la Région bruxelloise est, indiscutablement, une ville, à l’étroit dans ses 19 communes, la Région wallonne gère un territoire faiblement urbanisé. La moitié, seulement, des Wallons habitent dans des zones atteignant le seuil minimum de densité urbaine (25 habitants par hectare). Bien que le parlement wallon se soit prononcé, en 1989, pour une « gestion parcimonieuse du sol », on en est resté au stade des bonnes intentions. « Paysagèrement rurale, la Wallonie a des difficultés à concilier villes et campagnes. Les mouvements et les institutions de défense de la ruralité ou de l’environnement vert ont souvent disposé de plus de moyens financiers et institutionnels que ceux liés au monde urbain », reconnaît Luc Maréchal, inspecteur général à la division de l’aménagement et de l’urbanisme de l’administration wallonne.

Ce qui n’a pas empêché la Région wallonne de faire son devoir, mais à bas bruit. Verviers, Namur, Mons, Marche-en-Famenne ont bénéficié d’opérations de rénovation urbaine remarquables (4,4 milliards de francs en quinze ans). La plupart des centres-villes (ou villages) ont été réaménagés. Plus la moindre bourgade qui ne dispose de son rond-point directionnel ! A la rénovation urbaine à visée sociale a succédé, au début des années 90, le concept de revitalisation urbaine (environ 1,6 milliard de francs depuis 1991), qui insiste sur le partenariat avec le secteur privé. Nouveau coup de pouce, fin des années 90, aux « quartiers difficiles », avec les zones d’initiatives privilégiées (ZIP) et la mise sur pied de « régies de quartier ». Quant au combat contre les friches industrielles (2 044 répertoriées en 1994), il a déjà mobilisé 7,5 milliards de francs publics depuis 1983.

Mais il manque toujours, en Wallonie, un grand discours sur la ville et des politiques résolument tournées vers leur avenir. Or 80% des Européens vivent en milieu urbain et, dans son Schéma de développement communautaire (SDEC), adopté à Potsdam (Allemagne), en 1999, l’Union européenne assigne aux villes un rôle décisif dans la croissance économique. C’est ce que les planificateurs wallons avaient compris, dès la fin des années 70, en voulant faire du réseau formé par Liège, Namur, Charleroi et Mons l’épine dorsale du développement wallon (PRATW, Plan régional d’aménagement du territoire wallon). Le projet fut enterré, sous la pression conjuguée du monde rural, des autres villes, des intercommunales et d’une partie de l’administration de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire.

En 2000, la nouvelle version de feu le PRATW, le Schéma de développement de l’espace régional (SDER), prend acte de la faiblesse urbaine wallonne et plaide pour des valeurs de « centralité » (contrairement à la dispersion actuelle) et de « mixité » (des fonctions, des âges, des profils socio-économiques), sans viser explicitement les villes. Il propose à celles-ci de s’accrocher à leurs pôles extérieurs (Lille, Bruxelles, Maastricht, Aix-la-Chapelle et Luxembourg). Et structure le territoire wallon autour de deux axes: d’une part, l’axe ouest-est, en baisse démographique légère depuis les années 60, avec 1 600 000 habitants: c’est le sillon industriel Mons, La Louvière, Charleroi, Namur, Liège, Verviers. Et, d’autre part, l’axe nord-sud, en croissance démographique, avec 500 000 habitants: il est matérialisé par un chapelet de développements locaux (le centre du Brabant wallon, Gembloux, Namur, Marche, Libramont, Arlon). « La « conurbation brabançonne » est au coeur de l’avenir, souligne Luc Maréchal. Ottignies, La Hulpe, Rixensart et Wavre totalisent, à elles seules, plus de 100 000 habitants. Lui donne-t-on une organisation propre ? Accepte-t-on de la faire fonctionner uniquement avec la voiture ? En fait-on un véritable pôle de développement pour la Wallonie ? » Actuellement, ces questions restent sans réponse, car elles touchent à l’identité d’une région qui se perçoit toujours comme rurale, alors que, selon Jean-Marie Halleux, « elle évolue vers le modèle de la suburban américaine, la ville-voiture ». Pas facile, non plus, pour les Régions wallonne et bruxelloise d’accorder leurs violons en matière d’aménagement du territoire: en témoigne la paralysie du dossier du RER (réseau express régional).

Vu d’une grande ville traditionnelle, le SDER ne mange pas de pain. Tout Liège sait bien que l’avenir de la région se trouve au nord-est et Tournai n’a pas attendu le SDER pour se faire englober dans l’aire d’influence de Lille-Roubaix-Tourcoing. La nouveauté, c’est que ces villes, éreintées par des décennies de difficultés de tous ordres, ont décidé de relever la tête. Une nouvelle génération politique arrive aux commandes. Ni Elio Di Rupo (PS) à Mons, ni Bernard Anselme (PS) à Namur, ni Claude Desama (PS) à Verviers n’ont de vocation suicidaire. Willy Demeyer (PS), bourgmestre de Liège, construit sa carrière politique sur le redressement de sa ville. Jean-Claude Van Cauwenberghe (PS), qui a laissé son maïorat à son fidèle second, Jacques Van Gompel, reste très présent au Pays noir, via sa présidence de l’Igretec, l’intercommunale de développement carolo. Tous font, peu ou prou, la même analyse: les villes, malgré leurs difficultés, redeviennent des acteurs symboliques importants, des « objets esthétiques et des lieux de mémoire, susceptibles de créer la différence avec des concurrentes moins bien dotées » (3).

Puisque l’Union européenne considère les villes comme des outils de redynamisation économique, il y a certainement de l’argent et du pouvoir à prendre. D’où les grandes manoeuvres actuelles autour du concept de « communauté urbaine » (ou, encore, « agglomération », « pays ») que l’Union européenne soutient financièrement, à condition qu’elles atteignent une certaine taille critique. Aucun texte légal n’organise ce remue-méninges, dont ne sont pas absentes les rivalités sous-régionales. Ainsi, Di Rupo souhaite entraîner dans son giron La Louvière, alors que Willy Taminiaux a déjà jeté les bases prometteuses d’une communauté urbaine du Centre. A Verviers, Desama bat le rappel des communes voisines, depuis que l’ASBL Pays de Liège, composée de tous les « gros bras » de la scène politique liégeoise, s’est fixé pour objectif la création, à Liège, d’une telle entité.

Certes, tous les problèmes des grandes villes ne peuvent pas être résolus par la « supracommunalité ». Mais il est évident qu’il manque un instrument de coopération qui permettrait d’harmoniser les politiques de mobilité, de développement et d’aménagement du territoire, à un niveau intermédiaire entre la commune et la Région. Surtout pour les villes qui ont été « mal fusionnées », c’est-à-dire fusionnées sur une base trop étroite par rapport à leur zone réelle de chalandise, ou dont la banlieue s’est projetée bien au-delà du territoire communal.

L’actuel exécutif de la Région wallonne semble, lui, plus disposé que par le passé à prêter l’oreille aux revendications des villes (encore qu’il n’ait pas cru bon de se donner un ministre de la Ville, à l’instar de son ministre de la Ruralité). Ainsi, William Ancion (PSC), échevin liégeois de l’Urbanisme, et Gérard Monseux (PS), son homologue carolorégien, espèrent de la part des autorités wallonnes qu’elles exemptent les villes du règlement qui interdit de mettre en oeuvre des zones d’extension d’habitat (ou d’aménagement différé) tant que les lotissements voisins ne sont pas saturés (règlement qui profitait aux communes suburbaines et rurales, excédentaires en terrains à bâtir). Car il y a encore, dans les villes, des espaces qui pourraient intéresser les jeunes ménages avec enfants qui se détournent de la ville. « Il faut que nous soyons prêts à accueillir les habitants qui vont quitter les abords de l’aéroport de Bierset », confie William Ancion. L’autre cheval de bataille du grand argentier liégeois est la lutte contre les « kots » et les « meublés », qui se sont développés anarchiquement dans des bâtiments qui auraient pu être reconvertis en logements de qualité… pour une population de qualité. Il promet quelques « actions spectaculaires » destinées à mettre les propriétaires face à leurs obligations.

A Charleroi, le visage de la ville s’est modifié sous l’effet des multiples chantiers financés par la Région wallonne. Pourtant, une enquête réalisée à la demande de la ville de Charleroi révèle que 15 % seulement des habitants continueraient à vivre à Charleroi s’il en avaient le choix. « Il y a un gros problème de qualité de vie en centre-ville », reconnaît Paul Timmermans, conseiller communal Ecolo (opposition). Les reproches ? Fuite des commerçants, rejet des poussières de la sidérurgie, difficultés de circulation et de stationnement, infrastructures trop lourdes implantées sous le balcon des habitants (hôpital, stade), absence de culture participative… « Au lieu de tout miser sur la sécurité, il faudrait avoir une politique de mobilité et de logement ambitieuse pour les jeunes de 20-30 ans qui ne trouvent pas à louer », poursuit le conseiller Ecolo.

En fait, personne ne détient la recette du « retour à la ville », choix public qui contrevient, semble-t-il, à la majorité des aspirations individuelles. La rendre désirable à tous les âges de la vie, et pas seulement lorsque l’on s’émancipe de ses parents ou que, plus âgé, on se rapproche des services: les enfants sont, en effet, les grands oubliés de la cité. Améliorer la qualité de l’environnement urbain et, donc, diminuer l’impact des trafics automobiles. Faire des villes des lieux de rencontres et de mixité. Y attirer les élites pour que, dans le tourbillon de la mondialisation, elles se sentent solidaires d’un territoire. Telles sont quelques-unes des pistes évoquées. Sans oublier qu’une ville, « c’est fragile, il faut sans cesse la refaire sur elle-même », dit l’architecte liégeois Charles Vandenhove, passé maître dans l’art de réparer … les villes néerlandaises.

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