Beaucoup de personnes âgées sont décédées le printemps dernier du Covid-19, mais aussi du manque de contacts sociaux. Mais un facteur de stress supplémentaire s'est ajouté: nous n'avons pas suffisamment impliqué les personnes âgées dans les décisions. Quelles mesures souhaitaient-elles? Solidarité avec autrui et (sentiment d')autogestion sont indispensables pour rester en bonne santé mentale. © Getty Images

La vie sociale… entre parenthèses

Pour beaucoup, la solitude guette durant les mois d’hiver. Cette année encore plus que d’autres. Mais des voix s’élèvent:  » Ne vous imposez pas de règles plus strictes que le prescrivent les mesures corona. « 

Koen Lowet, président de l’Association flamande des Psychologues cliniciens (VVKP) espérait que l’hiver ne s’accompagnerait pas d’un nouveau confinement, inquiet pour les conséquences mentales. « Nous n’avons plus les mêmes possibilités de sortie qu’en mars et en avril. Le printemps dernier, nous sommes nombreux à avoir profité de la nature, à pied et à vélo. Activité physique, air pur et soleil ont permis à beaucoup de gens de conserver un bien-être mental. Le beau temps a en outre favorisé des contacts sociaux à l’extérieur. »

Pas plus sévère que nécessaire

Le psychologue appelle les citoyens à ne pas s’imposer des règles sociales plus sévères que ce que les mesures corona imposent. Il regrette que la communication de nos autorités n’aille pas dans ce sens. « Depuis des mois, on nous parle continuellement de distanciation sociale, alors qu’il s’agit plutôt de distance physique. Dans cette dernière acception, nous pouvons continuer à rencontrer des gens, mais d’une autre manière: une balade dans la campagne, une visite en restant sur la terrasse ou une conversation via skype. La manière dont on dit les choses joue sur le comportement et l’expression ‘distance sociale’ suggère implicitement une diminution des contacts sociaux. »

Or, cela est inutile et non souhaitable, selon Koen Lowet. Du moins si nous voulons survivre à cette période, sur le plan social et psychologique. « Des mesures d’isolement augmentent le stress, surtout si cet isolement dure un certain temps. C’est en tout cas ce que démontrent des études réalisées durant les épidémies de SRAS et d’Ebola. D’une part, les gens vivent du stress parce qu’ils perdent quelques libertés essentielles: un jour, vous saluez vos collègues au bureau vers 9 h du matin, une semaine plus tard, à la même heure, vous essayez de gérer vos enfants tout en travaillant de chez vous. Un changement brutal que beaucoup supportent mal. Endosser de nouveaux rôles augmente le niveau de stress, surtout si vous devez en assumer plusieurs. D’autre part, les messages autour des raisons de l’isolement jouent également un rôle: les images d’hôpitaux saturés et de patients intubés ne contribuent pas à notre bien-être mental en ces temps perturbés. »

La vie sociale... entre parenthèses

Sentiment d’impuissance

Le psychologue demande qu’une attention particulière soit accordée aux groupes les plus vulnérables au stress et aux problèmes psychiques. En premier lieu aux personnes qui, dès avant la crise du Covid 19, étaient confrontées à des problèmes psychiques. « Songeons par exemple aux personnes qui étaient suivies pour des troubles anxieux. Cette période ne fait qu’augmenter l’angoisse chez beaucoup de ces personnes. De plus, les mesures compliquent parfois le suivi individuel, pourtant bien nécessaire. »

Les personnes âgées s’avèrent aussi particulièrement vulnérables: 60% des plus de 60 ans ont affirmé se sentir plus seuls à la suite de la crise du coronavirus, selon une étude de la VUB et de HoGent. « Durant la première vague, un homme âgé en maison de repos a raconté que de nombreux résidents avaient ‘rendu les armes’. Beaucoup de personnes âgées sont décédées le printemps dernier du Covid-19, mais aussi du manque de contacts sociaux. » Il s’agit du fameux syndrome de glissement dont il a beaucoup été question dans les médias. « Mais un facteur de stress supplémentaire s’est ajouté: nous n’avons pas suffisamment impliqué les personnes âgées dans les décisions. Quelles mesures souhaitaient-elles? Solidarité avec autrui et (sentiment d’)autogestion sont indispensables pour rester en bonne santé mentale. Certes, les circonstances n’ont peut-être pas permis d’impliquer les personnes âgées ; les considérations faites à l’époque font débat parmi les éthiciens. En tant que psychologue, je peux dire en tout cas que l’impuissance vécue après une perte de contrôle est funeste pour la santé mentale. À l’avenir, nous devrions au moins demander l’avis des personnes âgées sur les mesures qui les concernent. »

Moments charnières ratés

Un autre groupe que nous écoutons trop peu, selon Koen Lowet, ce sont les jeunes qui souffrent aussi énormément durant cette période. « Les contacts sociaux et la communication avec d’autres sont indispensables dans leur évolution vers l’âge adulte. On ne forme son identité qu’en relation avec autrui, jamais seul. Ce qui manque aux jeunes aujourd’hui, ce sont des moments charnières comme les fêtes de fin d’études ou un démarrage normal en kot. » Qui plus est, les jeunes sont souvent montrés du doigt: une soirée festive trop animée dans une ville universitaire fait la « une » des médias. « Les jeunes doivent alors faire face à une opinion publique qui leur est défavorable. Mettre sa jeunesse entre parenthèses et se voir en plus rendus coupables n’est pas facile. »

Soyez ouvert

Le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke a appelé les Belges à rester solidaires. Un voeu qui n’a des chances de réussite que si nous nous ouvrons les uns aux autres. « Partagez ce que vous vivez, conseille Koen Lowet. Il n’y a aucune raison que vous restiez seul avec vos sentiments de solitude, d’angoisse ou autres problèmes mentaux. Vous n’êtes certainement pas seul à avoir ce mal-être. Un psychologue peut vous aider à mettre le doigt sur vos plus grandes sources de stress et tenter de les atténuer. Nous n’en sortirons que tous ensemble. »

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