La tutelle des mineurs
Trois grandes modifications viennent d’être apportées aux règles législatives applicables aux enfants mineurs. Elles sont importantes.
Une nouvelle loi, entrée en vigueur le 1er août 2001, a modifié certaines règles qui étaient d’application aux enfants mineurs. Passons-les en revue.
1. La suppression de la tutelle du parent survivant
Auparavant, lorsque le premier des parents décédait en laissant un enfant mineur, la loi prévoyait l’ouverture de la tutelle : le parent survivant devenait tuteur légal de son enfant (sauf lorsque le parent survivant était déchu de ce droit). Ses pouvoirs, notamment en matière de gestion des biens de l’enfant mineur, en étaient limités. Certains actes qu’il pouvait faire du vivant de son conjoint ou compagnon étaient dorénavant soumis à autorisation, car il agissait en qualité de tuteur.
Depuis le 1er août 2001, dans l’hypothèse où le premier des parents décède et laisse au moins un enfant mineur, le parent survivant conserve l’autorité parentale. Dans ce cas, plus question de tutelle : le parent survivant exercera seul l’autorité parentale initialement exercée par les deux parents. La tutelle ne s’ouvrira que lorsque les père et mère seront tous deux décédés, légalement inconnus ou dans l’impossibilité durable d’exercer l’autorité parentale.
En pratique, le nombre de tutelles va donc fortement diminuer et se limiter aux enfants mineurs orphelins (de père et de mère), et à ceux dont la filiation n’est pas établie. Dans toutes les hypothèses où le parent survivant était devenu tuteur sous le régime de l’ancienne loi, cette tutelle a pris fin le 1er août 2001 et le parent survivant a retrouvé l’autorité parentale, qu’il exerce dorénavant seul.
2. La suppression totale du conseil de famille
Avant le 1er août 2001, lors de l’ouverture de la tutelle, un conseil de famille était mis en place sous l’autorité du juge de paix. Ce conseil était composé, en principe, de six membres, choisis de préférence dans la famille proche du mineur, pour moitié du côté paternel et pour moitié du côté maternel. Dans la pratique, le tuteur de l’enfant, ainsi que le subrogé tuteur (agissant essentiellement pour les intérêts du mineur lorsqu’ils étaient en opposition avec ceux du tuteur), étaient le plus souvent membres de ce conseil de famille.
Le conseil de famille intervenait lors de différents actes qui concernaient l’enfant mineur. Par exemple, il autorisait le tuteur à accepter sous bénéfice d’inventaire une succession recueillie par l’enfant, ou à vendre un immeuble lui appartenant.
Désormais, le conseil de famille est supprimé, même lorsqu’il y a encore un tuteur. Dans ce cas, la loi a cependant maintenu l’existence du subrogé tuteur.
A titre transitoire, la loi a prévu que les tutelles ouvertes avant le 1er août 2001 continueront à s’exercer pendant six mois, conformément aux décisions prises précédemment par le conseil de famille et aux dispositions légales antérieures au 1er août 2001, pour autant qu’elles concernent des enfants mineurs orphelins de père et de mère ou dont la filiation n’est pas établie.
3. Le rôle accru du juge de paix
La nouvelle loi renforce le rôle du juge de paix compétent qui sera (et, en principe, restera) celui du domicile ou de la résidence du mineur. Le juge de paix acquiert effectivement un rôle accru, tant du point de vue de la gestion des biens de l’enfant mineur que dans le cadre de la désignation du tuteur.
a) La gestion des biens des enfants mineurs
Le tuteur devra être autorisé par le juge de paix pour les actes énumérés par la loi et faits au nom du mineur, notamment :
– vendre des biens du mineur ou acheter un immeuble au nom du mineur ;
– emprunter ou hypothéquer un immeuble appartenant au mineur;
– consentir un bail à ferme, un bail commercial (ou renouveler celui-ci), un bail à loyer de plus de 9 ans ;
– renoncer à une succession, à un legs universel ou à titre universel ou l’accepter (ce qui ne pourra se faire que sous bénéfice d’inventaire) ;
– accepter une donation ou un legs à titre particulier.
Il est essentiel de savoir que la loi a étendu le même régime à tous les enfants mineurs, en ce compris ceux qui ont leur père et/ou leur mère. Dorénavant, il ne sera donc plus possible pour les parents d’acheter un immeuble au nom de leur enfant mineur sans obtenir préalablement l’accord du juge de paix !
En outre, le juge de paix voit son rôle accru dans le suivi du fonctionnement de la tutelle, et disposera à ce sujet de pouvoirs d’investigation et d’information dans divers domaines, entre autres sur l’éducation du mineur, la gestion de ses titres (actions, obligations…).
Observons cependant que la loi a prévu que le tuteur ou les parents ne doivent pas être autorisés dans le cadre de la gestion des avoirs mobiliers (comptes, titres) de l’enfant mineur lorsque celle-ci est confiée à un établissement agréé par la Commission bancaire et financière (banque, etc.) sur décision du juge de paix.
b) La désignation du tuteur
La loi a maintenu le principe qui permettait aux parents de choisir un tuteur dans l’hypothèse où ils venaient à décéder en laissant un ou plusieurs enfants mineurs. Elle a cependant renforcé le rôle du juge de paix à ce sujet et a apporté certaines modifications. Dans tous les cas, le tuteur est désigné par le juge de paix.
Toutefois, les parents peuvent désigner un tuteur, soit par testament, soit par une déclaration devant le juge de paix de leur domicile ou devant un notaire de leur choix. S’il s’agit d’une déclaration, elle peut éventuellement être faite conjointement par les deux parents, tandis que le testament est toujours fait par chaque parent individuellement.
Le testament, s’il est déposé auprès d’un notaire, présente l’avantage de pouvoir bénéficier d’une mesure de publicité (inscription au Registre central des dispositions de dernières volontés) : en cas de décès, tout notaire choisi pour liquider la succession sera averti de l’existence de ce testament. Dans toutes les hypothèses, chaque parent peut toujours revenir sur la désignation qu’il a faite, ou la modifier.
Au décès du dernier des père et mère, le juge de paix vérifiera si le tuteur accepte sa mission. Il interviendra alors pour homologuer la désignation à moins que des raisons graves tenant à l’intérêt de l’enfant et précisées par le juge de paix n’interdisent de suivre le choix du ou des parents. Avant de nommer le tuteur ou d’homologuer sa désignation, le juge de paix doit entendre tout mineur âgé de 12 ans ou plus.
En pratique, il faut conseiller à tous les parents de choisir un tuteur pour le cas où ils viendraient à décéder en laissant un ou plusieurs enfants mineurs. Les parents ne sont-ils pas les premiers à connaître la ou les personnes les plus aptes à s’occuper de l’éducation de leurs enfants dans l’hypothèse où ils décéderaient ?
Aux termes de la déclaration ou du testament, les parents peuvent également préciser leurs choix pour l’épanouissement de leurs enfants (la santé, l’éducation, la formation, les loisirs, l’orientation religieuse ou philosophique…) et la bonne gestion de leurs biens. Ces précisions données par les parents faciliteront la tâche du tuteur que la loi oblige à faire rapport chaque année au juge de paix et au subrogé tuteur (toujours désigné par le juge de paix).
Remarquons également que les parents peuvent dans certains cas désigner deux tuteurs. La loi a en effet prévu que le juge de paix pouvait désigner deux tuteurs, l’un pour s’occuper de la personne de l’enfant, l’autre pour la gestion de ses biens, si les intérêts du mineur l’exigent en raison de circonstances exceptionnelles. Le notaire consulté par les parents songera à leur demander de préciser les circonstances exceptionnelles qui justifient à leurs yeux la désignation de deux tuteurs.
En conclusion
En assurant le parent survivant de conserver seul l’autorité parentale – et en supprimant dans ce cas l’ouverture d’une tutelle – la nouvelle loi belge s’inscrit dans une évolution que connaissaient déjà plusieurs pays européens. Cette évolution est conforme à celle de la société. La loi fait preuve de plus de confiance à l’égard du parent qui poursuivra l’éducation de ses enfants mineurs.
Par contre, le législateur a étendu les hypothèses où le père et/ou la mère doivent demander l’autorisation au juge pour accomplir certains actes au nom de leur enfant mineur. Cette protection supplémentaire de l’enfant mineur ne fait-elle pas naître une plus grande méfiance à l’égard des parents ? Le plus souvent, les parents ou le survivant d’eux ne sont-ils pas les premiers conscients de l’intérêt de leur enfant mineur et n’en assument-ils pas déjà les responsabilités ?
Philippe Degrooff et Christine De Valkeneer
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