La traversée de Paris de Damya

Hubert Haddad, écrivain prolifique, peintre et illustrateur né à Tunis signe ce Casting sauvage, vagabondage lumineux tout en métaphores entêtantes, grisantes jusqu’à l’excès, tendues de tragédies ordinaires. Paris s’y déploie sous les pas bancroches de Damya. Elle doit dénicher une centaine d’efflanqués pour un film adapté de La Douleur, de Duras. Ses recrues joueront les revenants des camps, crâne rasé et pyjama rayé. Un étudiant filiforme, un jongleur rieur tout en branches, une anorexique euphorique et des affamés tombent dans la besace de la rabatteuse. Obsédée par sa quête, Damya fouille les envers de la Ville lumière. Ils grouillent d’exilés invisibles. Clandestins, sans-abri. Ou désespérés : depuis sa péniche, un comédien flottant sur ses houles éthyliques guette son Ophélie perdue. En fond planent les souvenirs de Damya, la danseuse aux envols brisés par la mitraille des attentats de 2015. Les échardes de l’une font écho aux lézardes des autres. Hubert Haddad chemine à la lanterne sourde parmi ces âmes blessées mais toujours debout, ouvertes aux miracles et à la vie. L’encre ainsi jetée dans le réel, il le culbute d’images chavirantes, tour à tour graves et embuées de merveilleux. Les pieds sur terre, l’écrit façonné dans les songes, c’est en enchanteur lucide qu’il traverse Paris aux basques de ses rêveurs indociles. Et qu’il nous fait écouter les pulsations tenaces d’une cité sans cesse ressuscitée.

Casting sauvage, par Hubert Haddad, Zulma, 160 p.

Retrouvez l’actualité littéraire aussi dans Focus Vif : cette semaine, notamment, Qui a tué mon père, nouveau texte pénétrant d’Edouard Louis, auteur du livre phénomène En finir avec Eddy Bellegueule, page 42, et Hével de Patrick Pécherot, pilier de la Série noire, parti sur les routes froides et humides du Jura des années 1950, page 43.

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