La terre des VIP

Un événement sportif mais aussi people. Chaque année, stars, patrons, politiques se bousculent dans les loges et le village des sponsors. Ce tournoi aussi est très disputé.

En être ou ne pas en être, telle est la question. Tous les ans, entre fin mai et début juin, Paris et la planète se divisent en deux. Ceux qui ont leur carton d’invitation pour Roland-Garros. Et les autres. Ceux qui vont frôler les people dans les allées des Internationaux de France, déambuler sous les frondaisons de ce havre de verdure aux portes de Paris, humer le parfum de la terre battue et l’odeur de la sueur. Et les autres.

Tous les ans, c’est la même histoire. Les entreprises s’arrachent 80 000 des 460 000 billets d’entrée pour les offrir à leurs clients, fournisseurs, partenaires ou amis. En glissant, si possible, dans la liste de leurs hôtes une tête connue, star du show-biz ou sportif en vue. Et voilà comment, l’espace d’une quinzaine, la porte d’Auteuil se transforme en carré VIP, sous l’£il des 228 photographes accrédités.  » On vient à Roland-Garros pour voir et être vu « , résume Isabelle Amaraggi-Farrugia, directrice de la communication de l’opticien Alain Afflelou, l’un des (heureux) partenaires du  » French Open « .

Les paparazzis veillent au grain.  » C’est un vivier de people, explique avec gourmandise le photographe William Abenhaïm. Avec un peu de chance, on peut surprendre un nouveau couple ou shooter quelques célébrités étrangères.  » Comme Pippa Middleton, la belle-s£ur du prince William, qui a fait sensation l’an dernier en s’asseyant dans la loge de Peugeot.

Etre invité à déjeuner au Club des loges et à suivre un match, de préférence dans un box du court Philippe-Chatrier ou  » du  » Suzanne-Lenglen, c’est bien. Etre convié par l’une des entreprises partenaires du tournoi, c’est encore mieux. Dans les salons d’Adidas et de BNP Paribas, tout en haut du central, on suit les échanges sans lâcher sa coupe de champagne. Sur les planches du  » village « , on trinque et on parle affaires et politique, pluie et beau temps et même, parfois, joueurs et matchs.

Là, devant les 19 tentes blanches réservées par les sponsors, anonymes et célébrités se croisent dans l’allée de bois délicatement ourlée de parterres fleuris. Les franchisés d’Afflelou, les distributeurs des cordages Babolat et les importateurs de Peugeot côtoient les vedettes qui arborent le crocodile Lacoste et affolent les flashs des photographes postés en haut de la rampe menant au village – l’équivalent parisien de la montée des marches au Festival de Cannes. Chez Lacoste, on revendique le titre de fournisseur officiel de paillettes.  » Nous sommes heureux de recevoir beaucoup de personnalités, acteurs, chanteurs, sportifs ou animateurs de télé, souligne Christophe Chenut, directeur général de la société. C’est notre apport au tournoi, notre façon de contribuer à en faire un rendez-vous incontournable. « 

La Fédération française de tennis (FFT) y met elle aussi du sien. La tribune présidentielle, ses salons de bois exotique et de cuir crème et ses 300 sièges sur le court central accueillent chaque année, outre les pontes de l’organisation, une jolie brochette de chefs d’entreprise, ministres, sportifs de toutes les disciplines et stars des médias et du spectacle, dont les indéboulonnables Patrick Poivre d’Arvor (PPDA), Patrick Bruel et Jean-Paul Belmondo. Chaque jour, une vingtaine d’invités ont le privilège de déjeuner avec le patron de la FFT, Jean Gachassin, autour de la table ronde avec vue imprenable sur le court, puis de prendre place dans les fauteuils de teck, au premier rang de la loge présidentielle.

En prime, les VIP qui taquinent la raquette ont  » leur  » tournoi : le bien nommé Trophée des personnalités, disputé sur les courts tout proches du Petit Jean-Bouin. L’an dernier, le patineur Philippe Candeloro, le footballeur Sylvain Wiltord, le mannequin Arnaud Lemaire et les journalistes PPDA et Anne-Sophie Lapix faisaient partie des inscrits.

Nombre d’entreprises se damneraient pour forcer la porte du petit club des sponsors de Roland-Garros.  » On en rêve tous « , avoue le directeur des relations publiques d’une société du CAC 40, l’élite boursière française. Mais les heureux élus, souvent partenaires du tournoi depuis des lustres – quatre décennies pour Lacoste et BNP Paribas, trois pour Perrier, Adidas et Peugeot – ne sont pas pressés de céder leur placeà  » Les retombées sont excellentes en termes de notoriété, se félicite Charlotte Thomine-Desmazures, responsable de l’événementiel à BNP Paribas. Et nous constatons tous les ans un pic d’ouverture de comptes après la finale.  » Les organisateurs se frottent les mains, eux aussi. En 2011, partenariats et relations publiques ont représenté 42 % du chiffre d’affaires (151 millions d’euros).

 » Au fil des ans, Roland-Garros s’est transformé en un rendez-vous de relations publiques qui n’a plus grand-chose à voir avec le sport, comme le Festival de Cannes avec le cinéma « , regrette une spécialiste du secteur. On vient porte d’Auteuil boire un verre, pas forcément suivre les échanges. Le journaliste politique français Jean-Michel Aphatie, qui reçoit plusieurs cartons chaque année, le reconnaît volontiers :  » J’accepte parfois une invitation à déjeuner, mais je n’ai pas le temps d’assister aux matchs. « 

Certains sportifs s’en plaignent.  » Les vrais passionnés de tennis, ceux qui paient pour entrer, sont généralement moins bien placés que les invités des entreprises, surtout à partir des quarts de finale, regrette Loïc Courteau, ancien coach d’Amélie Mauresmo, qui entraîne aujourd’hui Julien Benneteau. Et les loges sont souvent vides entre 12 et 14 heures, quand les gens déjeunent. Ce qui n’est pas le cas dans les autres grands tournois. Les joueurs n’aiment pas çaà « 

Autre inconvénient, pour les sponsors, celui-là : à cette heure, qui est celle du prime time en Asie, les télévisions du monde entier diffusent des images de sièges vides. Fâcheux pour les marques qui lorgnent ces marchés en plein essorà Depuis deux ans, la FFT tente une parade. Pour occuper les loges désertées, les entreprises convient des invités supplémentaires. Lesquels sont priés de lever le camp dès que les occupants initiaux ont terminé leurs agapes.

Cette année, les (vrais) fans de tennis seront peut-être un peu plus gâtés. En effet, la météo people s’annonce maussade. Moins politique, pour cause d’élections législatives. Moins sportive, aussi, pour cause de championnat d’Europe de football et de Jeux olympiques.

ANNE VIDALIE

En prime, les VIP qui taquinent la raquette ont  » leur  » tournoi

On vient boire un verre, pas forcément suivre les échanges

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