Une vue de Damas en 1938 au temps du mandat français. © Margaret Bourke-White/getty images

La Syrie depuis le début

L’Orient est compliqué à comprendre, mais si on rembobine depuis le début, on voit déjà plus clair. C’est le mérite du livre Une femme dans la tourmente de la Grande Syrie (Riveneuve, 372 p.), rédigé par Régina Sneifer d’après les mémoires de Juliette el-Mir. Celle-ci était l’épouse d’Antoun Saadé, qui, dans les années 1930 et 1940, s’est battu pour une  » Grande Syrie laïque et sociale « , avec comme outil le Parti social nationaliste syrien (PSNS) qu’il a créé en 1932. Son nationalisme n’est pas fondé sur la langue arabe ni sur la religion, mais sur l’appartenance commune à une entité unie par la géographie et l’histoire. Le PSNS se différencie des autres projets de l’époque comme la confrérie des Frères musulmans, les phalanges libanaises et le parti Baath, qui le concurrencera. Les autorités mandataires françaises ont vu en lui un sympathisant pronazi, mais Saadé démentira avec force. Son utopie ne survivra toutefois pas aux communautarismes religieux, à l’émergence de l’Etat hébreu, et aux convoitises des puissances étrangères. Sur fond de rivalité franco-britannique, l’aviation française bombarde Damas en mai 1945. L’année suivante, la Syrie accède à l’indépendance, plus d’un quart de siècle après s’être libérée du joug turc. Mais une autre rivalité émerge, celle entre les Etats-Unis et l’Union soviétique, et qui coïncide avec le  » pacte du pétrole  » noué avec le roi Ibn Saoud. Coups d’Etat et trahisons ne cesseront plus. Arrêté au Liban pour complot, Saadé est exécuté le 8 juillet 1949. Peu après, Juliette sera jetée en prison. Libérée en 1963, elle quitte cette Grande Syrie en lambeaux. Elle est décédée en 1976, fidèle à ses idéaux et à l’amour inébranlable que les deux époux se sont portés. En cela, ce livre se lit aussi comme un vrai roman.

La Syrie depuis le début

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