La sollicitude des  » frères « 

Une  » conspiration  » pour sauver le frère franc-maçon Robert Wagner ? L’homme d’affaires sera jugé à Charleroi, où la justice garde la tête froide.

De toute l’assemblée, la petite juge Séverine Lecollier semblait la plus détendue, mercredi matin.  » Quelqu’un voit-il un inconvénient à ma compétence ou à celle de ce tribunal (de 1e instance) ?  » Négatif pour toutes les parties.  » Et moi, je ne compte pas polémiquer ni me dessaisir…  » L’homme d’affaires Robert Wagner et le fonctionnaire à la retraite Bernard Wang, poursuivis pour corruption, seront donc jugés à Charleroi. Plaidoiries les 15 et 16 avril 2009. Verdict dans la foulée. Au c£ur de l’administration de la Région wallonne, un dossier de subsides aurait été rangé sous la pile à la fin des années 1990. 855 000 euros détournés, selon l’enquête. Sans retour à l’expéditeur.

Un doute a surgi la veille de la première audience, a priori limitée au protocole. Le mardi 14 octobre, une journaliste de la RTBF a dévoilé le contenu d’une lettre étonnante saisie par la police dans la seconde résidence de Wagner, sur la Côte d’Azur. Des amis francs-maçons du roi carolo de l’immobilier s’inquiétaient du sort judiciaire qui l’attendait. Pour faire bref, la missive enflammée estimait préférable que le  » frère  » Robert soit livré à un tribunal plus  » fraternel « . Entendez : des magistrats issus de la franc-maçonnerie, cette société secrète qui reste bien implantée dans la province de Hainaut et dont certains serments ont été dévoyés par des affairistes ( » A mérite égal, tu préféreras ton frère  » et  » Tu le préviendras d’un péril injuste « ). Mais, à Charleroi, la justice encombrée par les scandales continue à fonctionner normalement, semble-t-il. La procédure de désignation de la juge Lecollier – qui n’est pas franc-maçonne – aurait échappé à toute pression. Et le premier dossier Wagner évitera donc l’envoi en quarantaine à Liège ou à Bruxelles, où tout aurait dû reprendre à zéro, permettant aux avocats de la défense de jouer la montre.

Lors de l’audience publique de mercredi, le procureur du roi Christian De Valkeneer a retourné  » l’incident  » à sa manière. Il a révélé l’identité des deux notables friands de rumeurs : un ancien industriel et un médecin spécialiste du diabète, entendus par la justice. Comme Wagner, ils sont membres du  » Carré Long « , un atelier de la Grande Loge régulière de Belgique. De Valkeneer a joué la carte de la transparence et de la sérénité.  » Il n’y a pas de conspiration « , puisque la tentative a échoué.  » Du reste, dit-il, le bristol trouvé sur la Côte d’Azur indique que  » ce ne sera pas facile pour Robert Wagner « . Parce que le tribunal est aujourd’hui  » composé de jeunes juges motivés et intègres, imperméables aux influences « . C’est vrai, je confirme…  » On verra pour la suite. Les  » frères  » nourriraient encore quelque espoir en appel, à Mons. Dans ce fief traditionnel de la maçonnerie, voici plusieurs mois, d’autres dossiers Wagner auraient été placés dans des coffres pour les préserver des regards indiscrets…

L’homme au bras long jouera gros en avril prochain. Le  » petit Albert Frère  » est le patron d’une société immobilière cotée en Bourse, placée à ce titre sous le contrôle de la Commission bancaire, financière et des assurances (CBFA), bienveillante jusqu’ici. Une première condamnation changerait la donne. D’autant que des soupçons de fraude fiscale et de blanchiment ont mené la police judiciaire en France, en Suisse, au Luxembourg et aux Pays-Bas. Les enquêteurs imaginent-ils toujours croiser la route de Jean-Claude Van Cauwenberghe, ami politique de Wagner, membre du Grand Orient, avec qui il partage des vacances de luxe ? Serrant les mâchoires, mercredi, face à des caméras qu’il a toujours fuies, Robert Wagner affirmait :  » A travers moi, c’est lui qu’on vise. « 

Philippe Engels

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