© frédéric raevens

La seule culture dominante

Et le 5 mai, l’affaire Julie Van Espen a surgi. L’assassinat d’une étudiante de 23 ans. Les aveux d’un homme condamné pour viol à quatre ans de prison en juin 2017. Et la question, impensable mais évidente, que se pose tout le monde : pourquoi cet homme-là était-il en liberté ? L’émoi est bien sûr immense, légitimement. Comme pourrait l’être son impact sur l’électeur, au moins flamand, à vingt jours d’un triple scrutin particulièrement important. Parce que la mort de cette toute jeune femme met à nouveau en lumière le manque de moyens criant de la justice, récurrent depuis plus de vingt ans, tous les exécutifs fédéraux successifs ayant choisi de sabrer dans les budgets, se mettant à dos l’ensemble du monde judiciaire, de plus en plus exsangue, indigné et désespéré.

La mort de Julie Van Espen pèse d’ores et déjà sur la campagne électorale. Puisqu’elle ramène à la réalité des rôles du politique et du citoyen : le premier n’est là que pour servir le second

Elle révèle que les lenteurs de la Justice sont dramatiquement pareilles en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles.

Elle démontre que des dossiers concernant des faits très graves ne peuvent pas être suivis, ou correctement traités, pour des raisons d’effectifs, à Anvers comme ailleurs dans le pays.

Elle intervient quelques heures après la publication par la VRT d’un sondage effectué auprès de 3 200 Flamands de 18 ans et plus relevant que la lutte contre la criminalité figure à la troisième place de ce qui, à leurs yeux, doit constituer les priorités des autorités politiques (après la garantie d’une pension décente pour tous et une sécurité sociale assurant des soins de santé abordables, et juste avant le climat ; la demande de plus d’autonomie pour le Nord est à la dernière place dans la hiérarchie).

Elle rappelle que les partis, leurs dirigeants, leurs candidats, leurs élus se doivent de prendre en considération les préoccupations de la population, dans toute sa diversité, autant qu’ils se doivent de mesurer les vrais enjeux sociétaux. Pour y apporter des réponses, des remèdes, des solutions. Et des raisons de croire encore en l’indispensabilité d’actions politiques pour protéger et améliorer les conditions de vie de tout citoyen.

Elle réduit à une forme d’obscénité certains propos de ténors politiques en campagne : des  » milliards de transferts  » de la Flandre vers la Wallonie qui  » maintiennent bien trop de Wallons dans leurs hamacs  » à  » Kristof Calvo peut s’installer au 16 grâce aux voix wallonnes et communistes, il faut absolument bloquer ça  » en passant par le concept de  » culture dominante  » (la flamande) autour de laquelle toute la société (Flamands, francophones, immigrés) doit s’articuler. Tous propos qu’on doit à Jan Jambon (candidat N-VA au poste de Premier ministre fédéral) et Bart De Wever (annoncé ministre-président N-VA de la Région flamande).

La mort de Julie Van Espen pèse donc d’ores et déjà sur la campagne électorale. Puisque qu’elle révolte par-delà les frontières entre Communautés. Par-delà les clivages. Par-delà les disparités idéologiques flagrantes entre Flamands et francophones, que chaque scrutin et chaque sondage d’intentions de vote renforcent au fil du temps. Elle ramène en fait à la réalité des rôles du politique et du citoyen : le premier n’est là que pour servir le second. Pas l’inverse. Pour garantir et développer le vivre en paix, ensemble, en bonne santé, dans les meilleures conditions matérielles et environnementales possibles.

C’est cette culture-là qui doit être dominante.

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