La révolution verte

Prix du pétrole, crise, montée des préoccupations écologiques… Le marché est en pleine mutation. A Paris, le Mondial a consacré ce changement : les constructeurs se lancent à fond dans les technologies  » propres « . Panorama de leurs avancées. Benjamin masse-stamberger

Des Ferrari vertes ? Ce n’est pas un canular, mais ce sera, bientôt peut-être, une réalité. L’annonce a été faite cet été au siège de Maranello : le groupe, qui souhaite réduire les émissions polluantes de ses pur-sang de 40 % à l’horizon 2012, envisage de se lancer dans les moteurs hybrides. Cette révolution, précise la firme au cheval cabré, ne se fera que si elle est compatible avec la philosophie maison : produire des véhicules qui demeurent  » les plus sportifs du monde « .

Comme Ferrari, l’ensemble des constructeurs préparent activement leurs nouveaux modèles écolos. A Paris, le Mondia a consacré leur avènement. Un vrai changement d’ère ! Longtemps, les professionnels ont surtout cherché à assouvir la soif de rêve et de puissance de leurs clients. Sans oublier de leur fournir, clé en main, le plus ostentatoire des signes extérieurs de richesse. Mais ce modèle est à l’agonie, comme en témoignent les nombreux plans de restructuration mis en place par les constructeurs (Renault, PSA, General Motors…), aboutissant à la suppression de milliers d’emplois.

L’avenir ? Il est très largement porté par cette révolution verte dans laquelle tous les acteurs du secteur se sont enfin engagés pleinement (production de voitures  » propres « , de scooters écolos…). Sacré pied de nez de l’Histoire : à la fin du xixe siècle, le recours à l’électricité était envisagé, au même titre que l’essence, pour propulser les moteurs automobiles. Aujourd’hui, alors que se profile à l’horizon la fin du tout-pétrole, l’imagination est à nouveau au pouvoir.  » L’explosion des prix du brut depuis le début de l’année a accéléré la prise de conscience « , témoigne Rémi Cornubert, spécialiste automobile au cabinet Oliver Wyman. Les conducteurs, eux aussi, ont modifié leur comportement : entre août 2007 et août 2008, en France, le nombre de litres de carburant vendu a ainsi chuté de 12 %. Volonté de serrer les cordons de la bourse, certes, mais pas uniquement.  » Les motivations des acheteurs ont changé, analyse Bernard Julien, expert au Groupe français d’études et de recherches permanent sur l’industrie et les salariés de l’automobile (Gerpisa). La voiture était avant tout un objet de désir ; désormais il faut d’abord qu’elle soit utile, économique et écologique.  » La Commission européenne est, elle aussi, à la man£uvre : elle étudie la possibilité d’interdire, à partir de 2012, la production de véhicules émettant plus de 130 grammes de CO2 par kilomètre (contre 160 actuellement).

Les constructeurs sont bel et bien passés au vert. Mais les stratégies diffèrent. Première piste : travailler à partir du véhicule traditionnel à essence, afin de le rendre moins gourmand en énergie. Moteur, carburant, pneumatiques ou encore boîte de vitesses : tous les moyens sont bons pour faire mieux avec moins. La tendance générale à la réduction de la taille des voitures est également un facteur de diminution des émissions polluantes.  » L’ensemble de ces améliorations doit permettre, à partir du seul moteur thermique, de diminuer la consommation de 10 % sur un diesel et de 30 % sur un moteur à essence « , assure Dominique Herrier, directeur adjoint à l’Institut français du pétrole. Les constructeurs allemands, qui s’efforcent de marier puissance et sobriété, sont ainsi très actifs en la matière. Chez BMW, par exemple, on travaille depuis six ans sur le programme Efficient Dynamics.  » La réponse aux problèmes de pollution réside plus dans la somme des innovations technologiques que dans une quelconque solution miracle « , explique le constructeur de Munich. BMW est ainsi parvenu à produire des gros modèles sans malus. A l’image de la 118d, qui émet 119 grammes de CO2 aux 100 kilomètres. Tous les constructeurs développent des programmes similaires, assortis de labels (BlueMotion chez Volkswagen, Econetic chez Ford, Ecoflex chez Opel…) signalant leurs modèles les moins polluants.

Un large public pour les modèles écologiques

Mais chacun prépare désormais aussi l’étape suivante : celle de l’après-pétrole.  » Ils se posent tous clairement la question, témoigne Benoît Romac, directeur chez Booz and Company, mais certains ont plus d’argent à dépenser dans la recherche que d’autres.  » Parmi eux, Toyota, véritable machine à cash lancée depuis trois décennies à la poursuite du moteur vert. La firme est en pointe dans la technologie hybride, qui marie moteur thermique à essence et électricité. Avec la Prius, sortie en 1997, Toyota a prouvé que les modèles écologiques pouvaient rencontrer un large public (voir l’encadré page 124). Son objectif est de vendre 1 million de voitures hybrides par an à partir de 2011 (430 000 en 2007), et de proposer, dès 2020, une déclinaison hybride de chacun des modèles du groupe. L’autre leader dans cette technologie est également nippon : il s’agit de Honda, qui prévoit de démocratiser le concept, en mettant sur le marché, dès 2009, un modèle au prix d’un petit véhicule diesel. Avec un temps de retard, les constructeurs allemands (BMW, Mercedes), américains (General Motors) ou encore français (PSA, Renault…) sont également en train de placer leurs pions.

Un large public pour les modèles écologiques

Pourtant, l’hybride demeure pour certains une piste de transition. Les esprits les plus innovants ont un objectif plus ambitieux : se passer entièrement du pétrole. Pour ceux-là, la voiture tout électrique demeure la solution privilégiée. La course est d’ores et déjà lancée pour parvenir à surmonter les difficultés techniques, liées notamment au manque d’autonomie des batteries. Renault-Nissan est particulièrement avancé sur le sujet. Optimiste, le franco-japonais estime que le marché européen de l’électrique pourrait, à partir de 2015, représenter 2 millions de véhicules par an. Grâce à son partenariat avec la start-up californienne Project Better Place, le constructeur prévoit de commercialiser des véhicules électriques, à partir de 2011, au Danemark, au Portugal et en Israël. Mais les projets fourmillent un peu partout, et notamment dans l’Hexagone : le groupe Dassault teste avec le carrossier Heuliez la Cleanova II, tandis que Bolloré lancera en 2009, en association avec Pininfarina, sa Blue Car.

Alors, demain sera-t-il vert ? Beaucoup de questions demeurent en suspens, liées à la rentabilité des investissements et au comportement des pouvoirs publics et des consommateurs. Selon le cabinet Arthur D. Little, en 2020, seuls de 5 à 8 % des moteurs européens seront hybrides ou électriques. D’ici là, le développement d’autres technologies prometteuses pourrait bien changer la donne (hydrogène, mais aussi voiture à eau ou à air comprimé). Pour l’heure, cependant, les voitures écolos demeurent dans l’ensemble trop chères pour que soit envisagée une démocratisation rapide. Les bonnes vieilles voitures à essence, victimes de la mode, reléguées au rang de guimbardes crasseuses et encombrantes, ont encore (quelques) beaux jours devant elles… tout comme les Ferrari rouges.

B. M.-S.K

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