La râleuse de bénitier

Anne Soupa organise une Marche des cathos citoyen(ne)s pour secouer une Eglise trop rétrograde à son goût. Portrait d’une théologienne peu orthodoxe.

Dans le monde feutré des catholiques français, elle a déboulé, voilà quelques mois, à la surprise générale : Anne Soupa, 61 ans, quatre enfants au livret de famille et un mari dans la banque. La dame s’y entend comme personne pour lancer des pavés sur l’Eglise à dorures et prie-Dieu de Benoît XVI.Le 11 octobre, elle prendra la tête du cortège de la 1re Marche des cathos citoyens(ne)s, organisée à Paris et en province le jour anniversaire de l’ouverture du concile réformateur de Vatican II (1962-1965). A regarder cette sexagénaire bravache, on se dit que quelque chose ne doit vraiment pas tourner rond ces temps-ci dans l’Eglise de France, pour qu’une aussi respectable paroissienne en vienne à jouer la Marie-George Buffet des bénitiers. Veste crème, perles aux oreilles, un étonnant air de famille avec l’actrice britannique Helen Mirren dans le film The Queen, de Stephen Frears, Anne Soupa vit dans le VIIe arrondissement de Paris, aussi classique et chic que sa petite robe noire. Elle travaille au Cerf – un éditeur catholique de référence qui lui fiche une paix royale – où elle dirige la rédaction du mensuel Biblia, consacré à la lecture des Ecritures. Issue d’une famille bretonne comptant son lot de curés et de cornettes, elle va à la messe le dimanche et en connaît un bout en matière de théologie, discipline dans laquelle elle a obtenu une maîtrise à l’âge où d’autres bichonnent leur carrière. Bref, on ne peut pas lui  » raconter n’importe quoi « , comme elle le fait gentiment remarquer. D’autant qu’avec un père compagnon de la Libération, la fille de la maison a très tôt compris qu' » il y a des moments dans la vie où il faut savoir dire non « . Pour en finir avec les symboles, Anne Soupa est entrée à Sciences po Paris en 1965, année de la clôture du fameux Vatican II, et en est ressortie en 1968. Les pavés, déjàà

En novembre 2008, Mme Sou-pa commet son premier attentat, magistral. Interrogé par une radio catho sur la place des fidèles du sexe faible durant les offices, le cardinal André Vingt-Trois, président de la Conférence épiscopale française, lâche :  » Le plus difficile, c’est d’avoir des femmes formées. Le tout n’est pas d’avoir une jupe, c’est d’avoir quelque chose dans la tête.  » La mère de famille théologienne blêmit, bondit et dégoupille sa grenade : un Comité de la jupe, monté en quelques mails avec d’autres croyantes  » décérébrées  » et fâchées. Non contente de briser la coutumière loi du silence, elle et ses camarades pétroleuses portent plainte auprès des tribunaux ecclésiastiques.  » Lorsque l’on a un esprit évangélique, on peut bien supporter une plainte sans perdre la face, non ?  » Le prélat s’excuse, la plainte est retirée. Mais entre-temps, le comité, rejoint par des prêtres dominicains et jésuites, est devenu une petite association qui entend bien élargir son combat au-delà des revendications féministes telles que l’ordination des femmes.  » Nous n’allons pas brandir des banderoles avec « Vingt-Trois, on veut ta peau ! » s’amuse Anne Soupa. Nous voulons ouvrir le débat pour créer une opinion publique catholique, faire parler ceux qui ne sont pas d’accord avec la ligne réactionnaire du Vatican, mais qui se taisent, résignés. A Rome, on vous fait des synodes pour dire que l’eucharistie est au centre de la vie des catholiques, alors que dans les églises il n’y a plus de prêtres pour l’assurer ! Les catholiques en ont assez qu’on leur impose ce genre de grand écart.  » Comme sa complice Christine Pedotti, 50 ans, autre grande gueule, elle entend parfois qu’elle  » fait du mal à l’Eglise « . L’attaque, classique, la laisse de marbre. A ses yeux, l’important, c’est d’aimer. Et de batailler, en jupe ou en soutane.

Claire Chartier

Elle bondit et dégoupille sa grenade : un comité de la jupe

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