» LA PREMIÈRE VICTIME DES ÉCONOMIES À LA SNCB, C’EST LA WALLONIE « 

Député wallon, le Montois Nicolas Martin (PS) veut faire adopter par le parlement de Wallonie une résolution contre le plan d’économies imposé aux chemins de fer belges. Parce qu’il nuira bien davantage à la Wallonie qu’à la Flandre.

Les Wallons, dites-vous, ne sont pas égaux aux Flamands devant la SNCB…

Face aux mesures d’économies imposées par l’actuel gouvernement fédéral, qui sont drastiques car elles portent sur trois milliards d’euros d’ici à 2019, et compte tenu de la clé 60-40 d’investissements entre la Flandre et la Wallonie, le réseau ferré wallon n’est plus en mesure de répondre aux besoins élémentaires en matière de mobilité. Cela se traduit non seulement par des temps de parcours extrêmement longs pour relier les villes wallonnes à Bruxelles ou les villes de la dorsale wallonne entre elles, puisqu’ils sont plus longs aujourd’hui que dans les années quarante, mais aussi en termes de desserte de trains. Si on compare Gand à Charleroi, deux villes à 50 km de Bruxelles, les trajets prennent 35 minutes pour l’une, près d’une heure pour l’autre. Donc, effectivement, les citoyens belges ne sont plus égaux devant le train. La Wallonie est la première victime de ce désinvestissement massif.

Pourquoi ne pas vouloir revenir sur cette fameuse clé 60-40 qui répartit les investissements ferroviaires entre Flandre et Wallonie ?

Cette clé n’aurait aucun sens dans un Etat normal, puisque la Wallonie représente 50 % du réseau, et que, de par son relief, il est plus complexe à entretenir que le réseau flamand, qui dessert des territoires densément peuplés et plats. Mais nous sommes dans un Etat fédéral où tout se négocie et nécessite des contreparties. Cette clé historique a pu être négociée, il sera très difficile de la revoir. Sauf à essayer d’obtenir la fin de l’annualisation de ce taux, qui nuit à la Wallonie parce que les investissements et les travaux y sont plus importants et plus longs, et que les chantiers sont parfois bloqués par cette annualisation. Sauf, également, à essayer de dégager des enveloppes pour des investissements d’intérêt national, un peu à l’instar de ce qu’on a fait pour la liaison entre Bruxelles et l’aéroport de Zaventem. Là, on n’a pas hésité à mettre quelques milliards en dehors de cette clé 60-40… On pourrait très bien en faire autant pour relier l’aéroport de Charleroi à la dorsale wallonne. En dehors de ces revendications qui peuvent être défendues, revoir la clé 60-40 me paraît compliqué… Le problème n’est pas tant la clé que le désinvestissement massif de l’Etat fédéral dans la SNCB. Il pénalise non seulement ses travailleurs, mais aussi le réseau, et compromet sa subsistance même. Et la Wallonie connaît une régression à ce niveau.

Si vous  » sortez  » sur cette question, c’est parce que la Wallonie ne s’affirme pas assez en ce domaine ?

Il y a deux éléments. D’abord, la Belgique a besoin d’une stratégie ferroviaire et de mobilité à long terme. Cette stratégie doit intégrer les priorités wallonnes. Il n’est pas normal qu’un trajet Mons-Liège prenne aujourd’hui plus de deux heures. C’est une incitation à prendre la voiture, alors que les chiffres des navetteurs et des travailleurs mobiles, dans les villes wallonnes, montrent un hiatus énorme entre les besoins et le nombre de trains en service… Ensuite, au-delà de la défense des intérêts wallons au sein de la SNCB, le gouvernement wallon dispose de la possibilité d’investir dans le rail. Et Paul Magnette est passé aux actes, puisque la Wallonie est prête à dégager deux cents millions d’euros pour aider à la finalisation du RER, dont on n’annonce pas la fin avant 2025. Alors, oui, il faut que la Wallonie soutienne ces projets, mais elle n’est pas là pour se substituer aux compétences du fédéral. Pas question de laisser s’installer une forme de régionalisation larvée de la SNCB.

Vous figurez parmi les régionalistes wallons de votre parti. Ne serait-il pas cohérent à ce titre de vouloir cette régionalisation ?

Je fais partie de ceux qui considèrent que défendre les intérêts de la Wallonie, ça ne doit pas nécessairement se faire à travers l’exercice de compétences régionales. Les Wallons doivent aussi se battre au sein de l’Etat fédéral, à la SNCB, à la Régie des bâtiments, et partout ailleurs. On ne peut pas n’être wallon qu’à la Région wallonne…

Ce déséquilibre est connu depuis des décennies, alors que des membres de votre parti ont exercé la tutelle sur la SNCB. C’est un peu facile de critiquer l’actuel gouvernement fédéral…

Quand on regarde l’histoire de la SNCB, les choses sont tout à fait limpides : les périodes les plus dures en matière d’économies ont été celles de gouvernements de droite. Tout le monde a encore en tête les années Martens – Gol, où on a totalement arrêté d’investir dans le secteur ferroviaire. Il a fallu vingt ans pour s’en remettre ! Aujourd’hui, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, on repart dans ce schéma-là, et on en paiera la facture plus tard, avec un réseau restreint et des durées de parcours qui augmentent. Le tout très injustement, puisque la Wallonie sera davantage frappée que la Flandre, dont le réseau est optimal et qui dispose d’enveloppes suffisantes, même en ces temps d’économies. A regarder les choses objectivement, il y a clairement des différences entre la manière dont les ministres socialistes ou écologistes ont pu exercer la compétence et celle dont les ministres de centre-droit et de droite l’ont fait dans les années 1980 et depuis l’installation du gouvernement Michel.

Votre ancien collègue au parlement, François Bellot (MR), disait dans une interview au Vif/L’Express que tous les pouvoirs, y compris le fédéral et la SNCB, abandonnaient les zones rurales. Partagez-vous le constat de celui qui est aujourd’hui ministre de tutelle des chemins de fer belges ?

Je le partage d’autant plus que ce plan d’économies imposé par le gouvernement fédéral fera disparaître 800 km de lignes, surtout rurales, en Wallonie… On attend du ministre Bellot, qui a des compétences techniques, qu’il puisse taper sur la table pour obtenir des moyens pour le service public. Or, on a l’impression que ce gouvernement fédéral ne tient compte d’aucun de ces enjeux au nom d’une logique purement comptable.

PROPOS RECUEILLIS PAR NICOLAS DE DECKER

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