La Poste se coupe en 5

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

La guerre des centres de tri n’aura pas lieu. La direction et les syndicats de La Poste se sont mis d’accord pour en conserver 5, au prix de quelques concessions

« Des trieurs ? Ici, cette appellation n’existe plus. Les trieurs, dorénavant, ce sont les machines. » Jean-Paul Lejeune, responsable « soirée » de la salle de tri de Bruxelles X, sait de quoi il parle, tandis qu’il couve du regard les 7 trieuses qui équipent le plus moderne des 5 centres de tri du pays. Chacune d’entre elles classe 30 000 lettres à l’heure, réparties entre 144 destinations. Un record inégalable pour les agents de La Poste, qui rangent, au mieux, 10 000 envois par jour. « Plus un centre de tri est vaste, plus il est efficace », poursuit Jean-Paul Lejeune. Logique: plus ses trieuses comptent de destinations – plus elles prennent de place, donc -, plus leur classement est précis, réduisant d’autant le travail qui doit, ensuite, être accompli dans les différents bureaux de poste.

C’est, précisément, ce raisonnement qu’a tenu la direction de La Poste, en décidant de construire 5 nouveaux centres de tri, équipés de machines ultra-performantes, dans les agglomérations qui les accueillent déjà aujourd’hui: Bruxelles, Charleroi, Liège, Anvers et Gand. Ces nouvelles installations devraient permettre de porter le taux d’automatisation du tri du courrier de 50 à 95 %. En outre, les envois ne seront plus classés par bureau de distribution mais bien par tournée, pour chaque facteur. « En 2005, les facteurs ne devront plus trier leur courrier par rue – les centres de tri s’en chargeront – mais uniquement par numéro de maison », explique Jean-Claude Balland, secrétaire général de la CGSP-secteur Poste. Résultat: 3 600 emplois seront supprimés dans les bureaux de poste, où le volume de travail sera incontestablement réduit. Dans les centres de tri eux-mêmes, en revanche, « on devrait assister à un statu quo, voire à une augmentation des effectifs », explique Fred Lens, le porte-parole de l’entreprise publique autonome.

D’un coût global de 361 millions d’euros, les 5 nouveaux centres de tri devraient être opérationnels à la fin de 2004. La Poste compte assurer leur financement sur fonds propres. Quant aux anciens sites, ils seront soit revendus, soit affectés à de nouvelles fonctions. Bruxelles X, par exemple, devrait assurer, à l’avenir, le tri des petits colis.

Des économies ailleurs

La direction et les syndicats de La Poste sont donc parvenus à négocier un dossier qui avait précipité la chute de l’ancien administrateur délégué, Frans Rombouts. En annonçant son intention de fermer 400 bureaux de poste jugés non rentables et de réduire à 3 le nombre des centres de tri, ce dernier avait provoqué l’ire des syndicats, furieux de voir l’homme revenir sur sa parole: le maintien des 5 centres est inscrit noir sur blanc dans un accord-cadre signé en décembre 2000. Depuis lors, Johnny Thijs, le nouveau patron de La Poste, a remis l’ouvrage sur le métier. La manoeuvre, ô combien délicate, a manifestement porté ses fruits. Car le maintien de 5 centres, au lieu de 3, a forcément un coût. En termes de construction, la différence de prix s’élève à 74 millions d’euros. Quant aux coûts de fonctionnement, ils se gonflent de 12 millions d’euros par an s’ils portent sur 5 centres de tri et non 3.

Pour limiter ces surcoûts, la direction et les syndicats de La Poste ont pointé diverses mesures d’économies efficaces et les moins douloureuses possible sur le plan social. Quelles sont ces économies ? En attendant que le conseil d’administration de La Poste et la base des syndicats se prononcent officiellement sur ce projet d’accord, dans les prochaines semaines, les négociateurs se sont engagés à n’en rien dire. Tout au plus sait-on qu’une meilleure organisation du travail sera mise en place dans les centres de tri, que le port du badge y sera imposé pour tout le personnel afin de s’assurer de sa présence effective, que le recours au travail à temps partiel y sera accru et que l’introduction de la semaine des 36 heures (au lieu de 38 heures, actuellement) sera reportée de 2003 à 2005. L’aile flamande de Transcom (CSC) est la seule organisation à avoir refusé de signer le préaccord.

Laurence van Ruymbeke

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