La « Petite Europe »

L’Euregio Meuse-Rhin, ce sont cinq régions, dont la province de Liège, à cheval sur trois frontières et parlant trois langues. Elles se sont regroupées afin de réaliser des projets socio-économiques transfrontaliers. Les obstacles ne manquent pas,  » c’est comme l’Europe en petit « .

Il faut se rendre compte : une législation nationale aux Pays-Bas, deux législations régionales en Belgique et en Allemagne, cela implique que nous sommes confrontés à un contexte de règlements très compliqué « , explique Alfred Evers, fonctionnaire représentant le Limbourg néerlandais au sein de l’Euregio Meuse-Rhin. Le siège de cet organisme, dont la mission est de faciliter la coopération et le développement au sein de la région, se trouve à Eupen. La dynamique à laquelle il travaille a pour pôles Liège, Hasselt et Eupen en Belgique; Maastricht, aux Pays-Bas; et Aix-la-Chapelle, en Allemagne.

Le consensus, qui prévaut dans la prise de décision entre les partenaires des trois pays, n’est pas non plus une mince affaire : il doit être obtenu entre les 20 gouverneurs, ministres-présidents, députés permanents et bourgmestres qui composent son comité directeur, aidé des avis consultatifs d’un conseil eurégional qui regroupe 81 personnes, représentants politiques et membres de la société civile, désignés mais non élus. Et, pour corser le tout, dans chacune des régions, il y a des élections au moins une fois tous les quatre ans.

Haute valeur ajoutée

Pourtant, plusieurs chiffres permettent de comprendre que ces quelque 10 500 km2 rassemblent des atouts particuliers que les régions ont tout intérêt à développer de concert. Répartis sur ce territoire, on trouve, par exemple, quatre universités, dix-huit Hautes Ecoles et trois hôpitaux universitaires, mais également 130 centres de recherche, 120 sociétés spécialisées en biotechnologies et 180 sociétés spécialisées en technologies médicales. D’évidence, l’Euregio Meuse-Rhin a une haute valeur ajoutée dans les sciences de la vie, et une carte à jouer en la matière. Et pourtant, les étudiants vont se spécialiser à San Francisco plutôt qu’à Aix.  » L’un d’eux ne se doutait pas que la formation qu’il visait est possible à trois quarts d’heure de route de la Cité ardente « , raconte Jean-Louis Delforge, manager au sein de l’Interface Entreprises-Université de Liège. Pour lui, l’Euregio a tout son sens : elle permet de lutter contre l’ignorance de la plupart des habitants à l’égard des possibilités de développement chez eux et chez leurs voisins.

L’organisation développe et finance également des projets destinés à doper l’emploi. Dans une région qui a connu plusieurs catastrophes sociales, ce n’est pas négligeable. Un exemple ? Skills3 (dites :  » Skills Cube « ), une initiative de promotion du travail dans le domaine des sciences de la vie lancée par cinq organismes partenaires issus des trois pays. Dotée d’un budget de 2,5 millions d’euros sur trois ans, une équipe de six ou sept personnes rencontrera les responsables du recrutement des sociétés de biotechnologie de l’Euregio afin de dresser la liste des besoins et problèmes qu’ils rencontrent en matière d’emplois, organisera des masters afin de favoriser les rencontres entre jeunes diplômés et entreprises, et un portail de recrutement sera mis sur pied.  » Nous avons des objectifs ambitieux : d’ici à fin 2009, nous voulons avoir dressé le profil d’une centaine de sociétés de ce secteur, avoir réuni une centaine de CV et créer ainsi de 50 à 80 emplois.  » Ces objectifs sont à multiplier par trois sur les trois années que durera le programme. Habitué à se jouer des frontières pour épauler le monde de l’entreprise, Jean-Louis Delforge estime que  » l’Euregio est intéressante pour les compétences et les ressources qu’on y trouve, et qui nous permettent de travailler ensemble, d’être complémentaires « .

Le développement de la région va de pair avec celui des transports en commun, des communications, des soins, qui sont les autres fers de lance de cette politique commune. Elle implique des coopérations entre provinces, villes, syndicats, chambres de commerce, organisations sectorielles.

Le tourisme et la culture ne sont pas en reste. L’Euregio, c’est aussi  » un espace de collaboration sur le plan culturel « , explique Thierry Basomboli, du service de communication de la ville de Liège. La province, dont le chef-lieu a renoncé à poser sa candidature pour être capitale européenne de la culture en 2015, ainsi qu’Aix-la-Chapelle seront partenaires de Maastricht, qui se profile pour obtenir ce titre en 2018. Selon un accord signé fin avril, les trois régions envisagent  » une collaboration durable dans le domaine culturel (…) et la réalisation de projets interrégionaux, la coopération au niveau des services, l’échange d’informations et de bonnes pratiques ainsi que la participation et la mobilité des citoyens « . Fallait-il l’Euregio pour réaliser ces partenariats ? Les avis des spécialistes interrogés sur cette question convergent : en soi, l’organisation n’est pas indispensable, il est même difficile de chiffrer les bénéfices ou les avantages qu’elle produit, mais l’Euregio permet de créer un cadre qui formalise et institutionnalise les relations entre les parties, et les inscrit dans la durabilité. A force, une dynamique commune prend place. Comme l’explique M. Evers,  » nous créons un cadre sociétal et politique pour l’emploi et le développement de la région « .

G.D.H.

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