Un tiers de fiction, un tiers de dérision, un tiers d'observation. Et un tiers de réalité.

La moustache, ou la vie !

Où une expo très spéciale envoie Goliarda en 1907 et où l’on apprend que cette serveuse entretient une romance avec le héros à moustache de la télé de jadis : Magnum.

On ne rend pas justice à octobre que l’on dépeint comme un mois triste qui s’alanguit dans les feuilles mortes : une saison mélancolique qui se meurt de consomption. Soyons honnêtes : l’automne, c’est surtout la saison du rouge, du jaune et du noir. C’est la saison belge, par excellence : le rouge des marronniers, le rond d’or des lampes sous lequel on lit son Vif/L’Express, le noir de la sombre porte qui nous mène à la fin de l’année. Cette saison contient déjà tous les levains, tous les ferments de l’an à venir. La pâte lève. La croûte roussit. A côté de la tarte aux pommes parfumée à la cannelle, que va-t-on nous sortir du four ?

En ce matin d’octobre, Goliarda se réveilla moustachue. Ça tombait bien : la serveuse du Geyser ne travaillait pas avant midi.  » Qu’est-ce que tu as sur le visage ?  » lui demanda son amoureux. Subissant une fatalité perplexe, il ajouta :  » Tu ressembles un peu à un mec.  » Cette affirmation, légèrement audacieuse, blessa Goliarda. Pas beaucoup. Mais quand même. Elle était froissée. A peine. Juste une rancoeur. Mais quand même : un truc capable de se muer en irritation et de passer de l’énervement à la colère, à la rage, à la folie furieuse.  » Et la tienne, de moustache, elle est passée où ?  » qu’elle rétorqua à son Magnum aussi glabre qu’un enfant de choeur. Le couple se regarda. Muet. Stupéfait (1).

Cet échange inexpliqué de moustache, c’était le germe de l’égalité, de l’amour et de la poésie. Le duo décida d’aller au bout du monde. Il se retrouva sur la Grand-Place. Alors qu’il achetait un ticket pour une expo promettant un voyage dans le temps, une électricité perturbante chargeait l’air de fluides bizarres (2). Sous le panorama confus d’une époque hallucinatoire, Goliarda prit la main de Tom Selleck.

La moustache, ou la vie ! Autour de Goliarda et de Magnum, des centaines de moustachus tendaient le poing. Et le couple, pris dans le maelström poilu révolutionnaire, de lever, lui aussi, haut le bras : un slogan partagé, un cri, une pancarte, un rien… et la foule est à vous (3).

Cette histoire vraie a une morale, comme toutes les histoires qui ne sont pas vraies. Cette fois, on l’empruntera à Tchekhov, qui écrivait :  » Un homme sans moustache, c’est comme une femme avec une moustache « . Tout est dit. Ou rien. Ce qui revient au même.

Mais c’est pas tout ça : l’heure tourne ! Où est encore passé le serveur ? S’agirait pas de louper le film qui va démarrer, à 20h15, sur la Une…

(1) Magnum, le fameux détective privé moustachu, revient à la télé, cet automne… sans moustache.

(2) Jusqu’au 29 décembre 2019, se tient, à Bruxelles, une expo pour célébrer le 20e anniversaire du classement de la Grand-Place au patrimoine mondial de l’Unesco. Grâce à la réalité virtuelle, elle propose un voyage dans le temps.

(3) En 1907 eut lieu, à Paris, la méconnue  » révolte des moustachus « , menée par les garçons de café qui réclamaient le droit de porter la moustache, comme les gens de la haute et les gendarmes. Ce droit leur fut accordé le 4 mai de la même année.

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