La méthode Yourcenar

Guy Gilsoul Journaliste

L’exposition révèle comment, dans L’Ouvre au Noir, le célèbre roman de Marguerite Yourcenar, l’auteure puise dans la peinture flamande afin  » de la faire bouger « .

Marguerite Yourcenar et la peinture des Flandres, Musée départemental de Flandre, 26, Grand-Place, à Cassel (France). Du 13 octobre 2012 au 27 janvier 2013. Tous les jours, sauf le lundi. www.museedeflandre.cg59.fr

Même si Marguerite Yourcenar (1903-1987) est née à Bruxelles, c’est dans le cadre singulier du château de famille situé au lieu-dit du Mont Noir dans les Flandres françaises que la petite orpheline passe les premières et déterminantes années de sa vie. Dans l’austère demeure, les figures d’ancêtres couvrent les murs. Dans le parc et les campagnes environnantes, ses yeux prennent goût aux lumières du nord qui, sous les nuages, colorent eaux et prairies.

A 12 ans, son père emménage à Paris. Avec sa gouvernante, la jeune adolescente qui n’ira jamais à l’école, parcourt musées et monuments historiques. Ainsi se forme le regard de cette grande dame de la littérature appelée à devenir la première  » académicienne  » de France. En réalité, toute sa vie sera baignée par cette passion qui, de Rembrandt à Dürer, s’aventure autant dans la peinture chinoise que dans celle des primitifs flamands. Dans son refuge américain du Maine où elle terminera sa vie, sa bibliothèque compte plus de 3 000 ouvrages d’histoire de l’art. Mais, même si, parmi ses écrits, on recense quelques essais et l’une ou l’autre description (comme celle de L’Ile des morts, de Böckliln), la part d’érudition ne bride pas l’imaginaire qu’elle tire de ses observations. La preuve dans cette passionnante exposition qui propose une suite de dialogues entre les mots et les images (de belles découvertes, Bosch, Memling, Grimmer… et quelques reproductions) autour de L’îuvre au noir (1968), le roman qui, avec Les Mémoires d’Hadrien, consacra sa réputation.

Le parcours commence par expliciter la méthode. L’auteure s’est en effet constitué trois albums de reproductions (cartes postales et pages de magazines) d’£uvres des XVe et XVIe siècles qui lui ont  » parlé « . Leur classement est significatif. Il ne s’agit pas d’une histoire chronologique de la peinture flamande, mais de choix selon des thèmes précis comme les décors intérieurs, les paysages, les détails ou encore les personnages. Ainsi la description du héros de L’îuvre au noir, Zénon, à la fois médecin, philosophe et alchimiste, est-elle la synthèse de cinq tableaux. En fait, ce trésor iconographique n’est qu’un puzzle avec lequel elle va construire sa vision d’un temps (Bruges au XVIe siècle) où, comme à toutes les époques, l’homme en quête de nouvelles connaissances n’est jamais le bienvenu. Le dernier chapitre évoque la complicité entre le cinéaste André Delvaux qui porta l’£uvre à l’écran et la romancière.

GUY GILSOUL

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