La mésaventure de la policière de Silly

Pour le syndicat libéral des policiers, la coupe est pleine. L’affaire de la  » policière de Silly « , privée de liberté pour avoir tiré sur un forcené, est la violence de trop.

Julie C., la  » policière de Silly « , se souviendra de sa nuit du 7 au 8 mai. En intervention pour un différend familial dans une ferme, elle se trouve face à un homme ivre qui avance vers elle avec une tronçonneuse en marche. Arme au poing, elle recule d’une vingtaine de mètres jusqu’à se trouver acculée. Un autre policier tire un coup de semonce en l’air. Le forcené, lui, approche toujours. Il n’est plus qu’à quelques mètres. Julie appuie sur la détente et le touche à l’abdomen. Légitime défense ? Pas dans l’esprit du procureur du roi de Mons, Christian Henry, ni de son substitut de garde. Ils délibèrent sur l’attitude à tenir sans descendre sur le terrain. La policière sera privée de liberté pendant une douzaine d’heures. Après son audition par les enquêteurs du comité P, le juge d’instruction l’a renvoyée dans ses foyers, sans inculpation. Le policier qui avait tiré le coup de semonce,  » comme le prévoit la loi « , grince des dents. Vincent Gilles, président du Syndicat libre de la fonction publique (SLFP), a été interrogé par la police judiciaire fédérale de Mons – ce qui induit un degré moindre de  » culpabilité « .

276 équivalents temps plein hors circuit en 2010

Pour le SLFP-Police auquel était affiliée la policière, la coupe est pleine. Agression à la kalachnikov contre des policiers à Bruxelles et à Herstal (le premier souffrant d’un grave handicap), mort d’un jeune policier à Saint-Léger, renversé par une voiture conduite par des malfrats, policier traîné sur 30 mètres par un kiné pressé à Liège… Depuis la fin 2011, le syndicat libéral mène campagne pour une meilleure prise en considération de la violence croissante à l’égard des forces de l’ordre.  » Nous avons évalué les jours de maladie pour des accidents du travail liés à la violence de tiers à 34 500 en 2010, expose Vincent Gilles. Cela représente la moitié du nombre total de ce type d’accident du travail. Soit, pour la police, 276 équivalents temps plein sans que cela semble émouvoir grand monde. Normal qu’un policier se fasse trouer la peau ou qu’un couvreur tombe de son toit ? Par comparaison, la violence policière reste, elle, modérée, même si elle est inacceptable. Par an, 2 % des 41 000 policiers opérationnels font l’objet de poursuites disciplinaires ou judiciaires, tous motifs confondus, y compris le vol ou d’autres délits. « 

Pas de figurants !

Très embarrassées par la  » bavure  » de Silly et ce qui ressemble au pataquès du parquet de Mons (qui a promis de développer un scénario d’intervention pour ce genre d’incident), les ministres de l’Intérieur et de la Justice se sont abstenues de toute sortie tonitruante. D’autant que Joëlle Milquet, ministre de l’Intérieur (CDH), avait promis, le 25 avril dernier, de mettre sur pied une table ronde sur la violence à l’égard des policiers. Son président est déjà désigné : Marc De Mesmaeker, directeur général du Sat (Service d’appui technique, au SPF Intérieur) et membre du cabinet de Joëlle Milquet. Reste à inviter les acteurs, que le SLFP-Police exige dûment mandatés. Pas question d’y inviter des figurants !  » Nous souhaitons aussi la présence d’un représentant de l’Inami, insiste Vincent Gilles, car quand un certain plafond de remboursement est dépassé, c’est la famille qui doit prendre en charge le reste des frais.  » Le SLFP-Police invoque le modèle néerlandais.  » Aux Pays-Bas, lorsqu’un policier a été soumis à une situation de violence, on le laisse d’abord reprendre ses esprits en lieu sûr, avec ses proches, avant de l’auditionner.  » Tout l’inverse de ce qu’a vécu la policière de Silly.

MARIE-CÉCILE ROYEN

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