Jean-Marie Laclavetine poursuit ses interrogations sur le sens de notre présence au monde. © FRANCESCA MANTOVANI ED. GALLIMARD

La mémoire qui nous reste

Poursuivant le dialogue avec Annie, sa soeur disparue, Laclavetine feuillette l’herbier de ceux qui sont partis. Un récit aux portraits émouvants et subtils.

Dans son précédent livre, Une amie de la famille, Jean-Marie Laclavetine menait l’enquête autour de la mort accidentelle de sa soeur Annie, emportée par les flots en contrebas du fort de Biarritz en 1968. Persuadé que les morts nous accompagnent, que nous avons besoin d’eux comme ils ont besoin de nous, il échange avec la disparue, apprend à la connaître davantage… Et comprend combien ce deuil l’a conduit sur le chemin de l’écriture. Enfant, Laclavetine découvre la puissance d’incarnation de la littérature par l’entremise des Mousquetaires de Dumas, où la mort de Porthos lui apparaît douloureusement réelle. Ainsi dormirait en nous ce trésor: « Capable de grandes émotions, […] la littérature nous hisse vers notre propre humanité. » Des témoignages d’humanité partagée, l’écrivain et éditeur en reçoit en grand nombre: rencontres, courriers… Nombreux sont ceux qui ont le sentiment de connaître Annie après avoir lu le livre, de retrouver une amie. « L’écriture aurait-elle le pouvoir de ressusciter les morts? Non, bien sûr. Mais elle fait sentir puissamment leur présence. »

La Vie des morts, par Jean-Marie Laclavetine, Gallimard, 208 p.
La Vie des morts, par Jean-Marie Laclavetine, Gallimard, 208 p.

Désarmante sincérité

Toute littérature est faite avec du chagrin. Citant Duras, Erri De Luca, Stendhal ou Beckett, Laclavetine poursuit ses interrogations sur le sens de notre présence au monde. S’adressant à sa soeur, La Vie des morts reprend le dialogue, égrène les confidences de lecteurs, moisson de coïncidences lumineuses où poursuivre le cheminement sur la réalité indicible de la disparition. Convoquant ses amis des lettres et de la vie au travers d’une galerie de portraits « délivrés du temps », Laclavetine présente d’autres morts qui sont toujours là: « […] je me demande une fois de plus quelle force me pousse à planter mes amis comme des arbres dans le jardin que j’ai improvisé pour toi, comme si tu avais tant besoin d’ombre ». Sur l’absence irréparable et la présence tenace de ses fantômes doux rayonnent les sentiments radieux de l’émancipation: « Toute une vie bien écrite, ça vous a un chien fou. »

La Vie des morts, par Jean-Marie Laclavetine, Gallimard, 208 p.

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