L'Allemagne compte 16 millions de maisons individuelles avec jardin. Celles qui sont situées en banlieue des grandes villes sont particulièrement prisées. © getty images

Allemagne: la maison unifamiliale en question

Nathalie Versieux Journaliste, correspondante en Allemagne

Certains responsables des Verts ont lancé le débat sur le prix écologique de ce type d’habitat, provoquant une levée de boucliers dans un pays où 90% des habitants rêvent de posséder un jardin. Mais ont-ils entièrement tort?

« Nous cherchons une maison avec jardin dans votre quartier pour Lilly, Max et Flo. » Dans leur désespoir, les Schramm, jeunes parents qui précisent être « tous deux médecins » promettent même « une récompense » à qui les aidera à trouver le logement de leurs rêves. Les habitants de la périphérie de Berlin ont l’habitude de trouver ce type de message dans leur boîte aux lettres, ou tout simplement punaisé aux arbres des quartiers verts. En quelques années, le prix des maisons individuelles a explosé dans la capitale allemande. Avec la crise sanitaire, la tendance s’est encore accrue au point qu’il est devenu quasiment impossible d’acheter son propre pavillon, même aux portes de la capitale. Mi-février, le chef du groupe parlementaire des Verts au Bundestag, Anton Hofreiter, a jeté un pavé dans la mare, assurant que « les maisons individuelles utilisent trop de surface dans l’espace urbain, trop de matières premières, beaucoup d’énergie, et contribuent à l’expansion urbaine responsable de davantage de transports. » Anton Hofreiter réagissait à la décision du responsable de l’urbanisation pour Hambourg-Nord, l’écologiste Michael Werner-Boelz, de ne plus accorder de permis de construire pour des pavillons, afin de lutter contre la pénurie de logements dans l’une des villes les plus chères d’Allemagne.

Les quartiers pavillonnaires présentent même un certain nombre d’avantages du point de vue climatique.

A quelques mois des législatives du 26 septembre, le parti Vert se serait bien passé de la levée de boucliers suscitée par les déclarations d’Anton Hofreiter, représentant de l’aile gauche du parti, qui a rapidement été « recadré » par le coprésident des écologistes, Robert Habeck, lui-même propriétaire d’une maison dans les environs de Hambourg. « La maison avec jardin est pour beaucoup d’Allemands un rêve ou un élément important de leur vie. Et cela restera ainsi à l’avenir », a tranché celui qui aspire à négocier à l’automne prochain un accord de coalition avec le parti chrétien démocrate, la CDU.

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Le débat n’est pas clos pour autant. Un certain nombre d’élus locaux, y compris conservateurs, ont pris position contre le modèle du pavillon. Comme Jessica Heller, élue municipale CDU de Leipzig, la ville d’Allemagne connaissant la plus forte croissance démographique: « Je comprends le point de vue d’ Anton Hofreiter sur l’expansion urbaine, précise-t-elle. Ce n’est pas seulement problématique du point de vue de l’environnement et du climat. Lorsque le trajet pour se rendre chez le médecin ou au supermarché le plus proche devient toujours plus long, ça devient un problème pour beaucoup de citoyens. » Notamment pour les personnes âgées, classe d’âge en forte croissance dans le pays.

On compte en Allemagne 16 millions de maisons unifamiliales avec jardin. Depuis 2001, la tendance est à la hausse à travers le pays. Selon l’Office fédéral des statistiques, 30% des logements sont des maisons individuelles, et elles occupent 41% de la surface construite. Tandis que les immeubles d’appartements (42% des logements) n’occupent que 33% de la surface construite. Le pavillon de banlieue reste un rêve tenace. Quelque 60% des Allemands aimeraient devenir propriétaires de leur logement. Et 96% d’entre eux assuraient, dans un sondage mené pour le spécialiste du crédit immobilier Interhyp au début des années 2010, qu’ils rêvaient d’une maison à la campagne ou d’une petite villa.

Des avantages aussi

Deux tiers des émissions de CO2 sont imputées au chauffage des logements, rappelle l’Office fédéral de l’environnement. La déperdition de chaleur est particulièrement élevée pour les maisons individuelles. Globalement, l’empreinte écologique – chauffage, eau, électricité, transports – au mètre carré des pavillons est supérieure à celle des appartements, malgré les progrès en termes d’économies d’énergie, d’énergies renouvelables et le développement des normes vertes pour les logements. « Il faut voir les choses de façon plus différenciée », relativise Sascha Richter, responsable du développement urbain pour l’arrondissement de Marzahn-Hellersdorf à l’extrême est de Berlin. Le quartier compte des barres d’immeubles assez espacées, de type soviétique, et la plus grosse zone pavillonnaire d’Allemagne, « peut-être même la plus grosse d’Europe », précise le spécialiste. En 2020, Marzahn-Hellersdorf a accordé 299 permis de construire pour des maisons individuelles et 260 pour la construction d’immeubles avec un total de 3 425 appartements. « Dans une ville, vous avez besoin de tout type de logement, du une pièce au cinq pièces pour les familles. Les quartiers pavillonnaires présentent même un certain nombre d’avantages du point de vue climatique. Les jardins sont une bonne chose pour la faune, pour la flore, et aussi pour le climat. Les zones pavillonnaires contribuent au rafraîchissement nocturne de la ville en été. »

Selon Sascha Richter, la problématique pavillonnaire serait tout autre dans une région rurale et peu peuplée comme le Brandebourg, le Land qui entoure Berlin et voisin de Marzahn-Hellersdorf. « Là, je comprends le discours des Verts, précise l’urbaniste. On y supprime des terres agricoles pour construire des maisons individuelles alors que quantité de logements sont libres du fait des changements démographiques. Là, il serait plus astucieux de rénover et de moderniser les logements vides que de construire de nouveaux lotissements pavillonnaires. »

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