La magie de Jupiter

Tout est plus grand sur la reine des planètes, où les chercheurs ont découvert des phénomènes lumineux spectaculaires

C’est la plus grande et la plus brillante des planètes de notre système solaire. Dans le ciel, la nuit, aucun corps céleste – à part la Lune – n’est plus lumineux que Jupiter. Nul besoin d’un télescope pour l’apercevoir. La planète géante est d’ailleurs connue depuis l’Antiquité. Sur les traces de Galilée, qui découvrit les quatre premiers satellites de Jupiter grâce à la première lunette astronomique, des dizaines de chercheurs font, cette semaine, la Une du magazine Nature pour avoir approfondi considérablement la connaissance de cette planète, de son gigantesque champ magnétique et de son atmosphère. Les données scientifiques, publiées et analysées par la prestigieuse revue, ont été collectées en janvier 2001, à l’instant précis où deux sondes spatiales, Cassini et Galileo, se sont croisées dans le voisinage immédiat de Jupiter.

« Cette rencontre était un moment unique et attendu depuis des années par les chercheurs, explique Jean-Claude Gérard, professeur à l’Institut d’astrophysique de l’université de Liège. Nous avons pu prendre au même moment des mesures du champ magnétique de Jupiter depuis deux points de vue différents : l’intérieur de la magnétosphère, avec Galileo, et l’extérieur, avec Cassini. » Ce double point de vue était indispensable pour comprendre comment l’immense champ magnétique de Jupiter (650 millions de kilomètres de long et quelques millions de kilomètres de large !) réagit au contact du vent solaire. « Le vent solaire, explique Denis Grodent (chercheur dans le laboratoire dirigé par Jean-Claude Gérard), ce sont des particules chargées d’électricité qui s’échappent de la couronne du Soleil et qui voyagent à 500 kilomètres par seconde dans le système solaire. En fait, tout notre système solaire baigne dans le vent solaire. »

Un océan salé

Nous en savons quelque chose, nous autres Terriens. Lorsqu’une tempête solaire se lève et souffle en direction de notre planète, le bouclier électromagnétique terrestre en prend plein la carapace. Ce phénomène peut entraîner des ruptures des services de télécommunication, perturber la distribution d’électricité, fausser la navigation assistée par satellite. Les aurores boréales sont une manifestation moins contrariante de cette rencontre entre le vent solaire et notre magnétosphère. Les particules solaires sont attirées par les deux pôles magnétiques de la Terre, les pôles nord et sud, en pénétrant dans notre atmosphère, ces particules percutent les molécules gazeuses qui la composent. Ces collisions se traduisent par de magnifiques drapés colorés dans le ciel polaire.

Des aurores boréales, justement, les chercheurs en ont découvert sur Jupiter il y a un peu plus de dix ans. Elles sont près de mille fois plus lumineuses que les aurores terrestres ! Mais, à 750 millions de kilomètres de la Terre, elles ne sont, bien entendu, pas visibles à l’oeil nu. C’est là qu’interviennent les sondes spatiales, comme Cassini et Galileo, mais aussi les télescopes spatiaux, comme Hubble. La fameuse campagne de l’hiver dernier, à laquelle les chercheurs de l’ULg étaient étroitement associés, a notamment permis de mieux comprendre comment les aurores polaires se forment sur Jupiter. Fait apparemment unique dans tout le système solaire, certains satellites de Jupiter – Io, Europe, Ganymède – jouent un rôle dans la formation de ces aurores. C’est l’une des conclusions saillantes des études publiées dans Nature. « Ce n’est pas le cas de la Lune pour les aurores polaires terrestres », précise Jean-Claude Gérard.

Pourtant, cette campagne prolifique aurait pu ne jamais avoir lieu. La sonde Galileo est pratiquement à court de carburant et la Nasa envisage, depuis un certain temps, de précipiter l’engin dans l’atmosphère de Jupiter avant d’en perdre à jamais le contact. Le carburant est en effet utilisé pour orienter les antennes de la sonde en direction de la Terre. Ce que redoute la Nasa, c’est de perdre le contrôle de la sonde à un moment inopportun et de provoquer une collision entre Galileo et un satellite de Jupiter, la lune Europe. Car cette lune passionne les chercheurs. Grâce à Galileo, justement, ils ont mis en évidence que, sous la couche de glace présente à la surface d’Europe, se cache probablement un océan salé. Ce qui est du plus haut intérêt pour les recherches sur une éventuelle vie extraterrestre.

Galileo parcourt donc ses derniers kilomètres en orbite autour de Jupiter. En plongeant dans l’atmosphère de la planète géante, pas ingrate pour un sou, la sonde enverra d’ultimes informations aux chercheurs sur la composition gazeuse de son atmosphère de Jupiter.

Félix Clément

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