Pierre Havaux

« La langue de Vondel en plein désamour »

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Alerte, patrimoine linguistique en péril. La jeunesse de Flandre se détourne de sa langue maternelle, elle rechigne à découvrir et à étudier sa richesse lorsque vient l’heure de pousser les portes d’une université. Cette désaffection finit par émouvoir au nord du pays.

Dix-neuf noms de la littérature ou de la poésie néerlandaises se sont fendus d’un manifeste publié dans le quotidien De Standaard pour s’alarmer de l’érosion qui gagne les filières d’apprentissage linguistique : en dix ans, l’intérêt manifesté en Flandre pour la neerlandistiek (en français dans le texte : l’étude de la langue et de la littérature néerlandaises) a enregistré un tiers de vocations en moins.

Langue, grammaire, littérature : la magie opère toujours moins dans les auditoires. La faute de cette popularité en chute libre ? Imputable à un trio somme toute classique : la marche triomphale de l’anglais, l’engouement pour les disciplines scientifiques ou branchées sur les technologies, la priorité accordée à des diplômes jugés plus immédiatement rentables pour décrocher un bon emploi bien payé.

Le désamour est flagrant, gare à la rupture. Les activistes linguistiques se sentent le devoir de sortir de leur zone de confort. Car à leurs yeux, s’exprimer correctement en néerlandais ne doit pas devenir un luxe mais rester un droit fondamental du citoyen. Toute langue maternelle mérite le respect. Il y va de la survie de ce qui fait une communauté, de la sauvegarde de son histoire et de son patrimoine.

En dix ans, l’intérêt manifesté en Flandre pour la neerlandistiek a enregistré un tiers de vocations en moins.

Il faut croire que la chose ne va plus de soi. En témoigne la décision prise par l’enseignement catholique néerlandophone d’investir une heure de moins dans le cours de néerlandais au premier degré de l’enseignement général. Aberrant, dénoncent les spécialistes en littérature. Qui ne décolèrent pas de se voir taxés d’engager une polémique réduite à du symbolique.  » Le néerlandais n’est pas un symbole mais le moyen quotidien de communication de six millions de Flamands et de quinze millions de Hollandais « , s’insurgent deux d’entre eux dans les colonnes du Standaard,  » une bonne maîtrise de la langue reste une plus-value pour décrocher un emploi « . Raboter son apprentissage à l’école ne peut être qu’un mauvais signal, forcément interprété comme une volonté de placer ses priorités ailleurs. Et plutôt maladroit à l’heure où la Flandre doit relever le défi d’accueillir sur son sol et d’intégrer toujours plus de gens venus d’ailleurs.

Se pourrait-il que le néerlandais en Flandre s’évapore plus vite encore que la Belgique ? Un comble, alors que la langue de Vondel gagne du terrain à l’étranger et que les autorités flamandes ne cachent ni leur joie ni leur fierté d’être pour quelque chose dans ce regain de popularité, aux côtés des Pays-Bas. Nul n’est prophète en son plat pays.

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