Eric Dupond-Moretti : un avocat peu amène avec les magistrats. © BELGAIMAGE

La justice, selon Acquittator

L’avocat Eric Dupond-Moretti détonne dans le gouvernement de Jean Castex. Fort en gueule et  » bobo  » de gauche.

Dans un gouvernement où un Premier ministre, maire, énarque (1) et de droite, Jean Castex, remplace un Premier ministre, maire, énarque et de droite, Edouard Philippe, il fait figure d’ovni, lui qui se définit comme  » un « bobo », un bourgeois de gauche  » (2). Dans un gouvernement à peine moins terne que le précédent, il représente, d’après un proche du président cité par Le Monde,  » le choix des paillettes « . Fort en gueule et en convictions, l’avocat Eric Dupond-Moretti, nommé ministre de la Justice, est  » la «  surprise du remaniement gouvernemental mené le lundi 6 juillet par Emmanuel Macron pour se réinventer, si peu, après la crise sanitaire et la percée des Verts aux municipales.

Effet surprise et effet détonant. Rarement la nomination d’un ministre aura suscité aussi prestement la réprobation d’une partie des personnes dont il aura la charge. Céline Parisot, la présidente de l’Union syndicale des magistrats, principal syndicat de la corporation, l’a perçue comme une  » déclaration de guerre « .  » C’est insensé. Il n’a encore rien dit « , s’étonne, au Vif/L’Express, Olivier Martins, avocat au barreau de Bruxelles et ami d’Eric Dupond-Moretti. Pourquoi tant de haine ? C’est que celui-ci a beaucoup dit sur les magistrats français quand il était avocat. Avec une attention particulière pour l’Ecole nationale de la magistrature,  » école à supprimer  » (3), qui nourrit en France un corps de magistrats professionnels un peu trop formaté et un peu trop sûr de leur esprit de caste au goût du nouveau ministre de la Justice.  » J’ai rencontré de grands juges en France. Mais il y a aussi beaucoup de personnes qui sont dignes de peu d’intérêt. […] Quand des personnes sont juges et n’aiment pas les gens, cela devient compliqué « , énonçait-il dans une interview au Vif/L’Express (31 octobre 2019).  » Je n’aurais pas envisagé d’être magistrat, je n’aurais pu recevoir des ordres du parquet, assurait-il encore dans Le Dictionnaire de ma vie (3). Le parquet est hiérarchisé – c’est l’une de ses caractéristiques -, les magistrats reçoivent des ordres de leurs supérieurs hiérarchiques, le garde des Sceaux (NDLR : ministre de la Justice en France) peut dispenser des ordonnances, des directives. Je ne peux me reconnaître dans une telle structure…  »

Le précédent d’Otto Schily

Eric Dupond-Moretti va donc devoir mettre de l’eau dans son vin.  » Il aime la difficulté et il est intelligent. Il a une grande capacité de discernement. Il peut être aussi doux que dur « , rassure Olivier Martins, qui exploite avec son mentor une vigne à Collioure dans la région de Perpignan. Mais, prévient-il,  » un ministre est comme un avocat, il n’est pas là pour plaire « . On sait déjà qu’il ne plaît pas à Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national, qui a annoncé l’arrivée à la Justice d’un  » militant d’extrême gauche « . Eric Dupond-Moretti revendique ses origines modestes et s’enorgueillit d’avoir eu une grand-mère  » communiste intrépide « . Cela ne le disqualifie pas pour être un bon ministre de la Justice. A l’image d’Otto Schily, ancien avocat de membres du groupe d’extrême gauche Fraction armée rouge en Allemagne, qui devint, entre 1998 et 2005, un ministre de l’Intérieur social-démocrate réputé ferme dans la lutte contre le terrorisme après le 11-Septembre.

(1) Diplômé de l’Ecole nationale d’administration, creuset de nombre de dirigeants politiques français. (2) Le Droit d’être libre, dialogue avec Denis Lafay, par Eric Dupond-Moretti, L’Aube, 2018. (3) Le Dictionnaire de ma vie, par Eric Dupond-Moretti, Kero, 2018.

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