© illustration : charles monnier

La guerre aux migrants donne à entendre le bruit

Devant l’échec annoncé de la réforme de la procédure du règlement de Dublin, Theo Francken observe justement que c’est l’avenir de l’Union européenne lui-même qui est menacé par l’incapacité des gouvernements à s’entendre sur une politique

Les déclarations du secrétaire d’Etat à l’Asile et la Migration Théo Francken franchissent, logiquement, un degré supplémentaire dans l’outrance, puisqu’il faudrait à présent  » trouver une manière de contourner l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme « , celui qui protège contre la torture et les traitements inhumains, pour renvoyer à la mer les bateaux de ceux qui tentent d’échapper aux atrocités qu’ils subissent en Libye.

Peu importe que le principe de non-refoulement des demandeurs d’asile soit une pierre angulaire de la Convention de Genève. Peu importe que le nombre des traversées soit trois fois moins important en 2018 qu’il ne l’était en 2017. Peu importe, surtout, que 785 d’entre eux se soient déjà noyés en Méditerranée cette année. Et peu importe que 40 000 migrants, au bas mot, aient déjà perdu la vie en tentant d’atteindre l’Europe depuis 1990.

Ces nouvelles déclarations surviennent alors que douze personnes qui avaient hébergé des migrants sont poursuivies pour « trafic d’êtres humains ». Pour la première fois en Belgique, l’expression de la solidarité est assimilée à une activité criminelle. Ce procès indigne fait lui-même suite aux menaces proférées par Theo Francken contre les recteurs de toutes les universités du pays, ainsi qu’aux déclarations de Bart De Wever, qui font porter la responsabilité de la mort de la petite Mawda à ses parents.

Toutes ces déclarations, menaces et intimidations s’inscrivent dans le cadre d’une même stratégie, qui vise à installer dans notre pays un régime autoritaire sur le dos des migrants.

Les régimes autoritaires ne sont pas seulement populaires en Turquie ou aux Etats-Unis : les études montrent qu’une partie importante de la population, en Europe et aux Etats-Unis, et surtout chez les jeunes, est prête à accepter un régime autoritaire. La N-VA a donc parfaitement compris le profit électoral qu’elle pouvait tirer en apparaissant comme un parti autoritaire, prêt à intimider et à menacer tous ceux qui s’opposent à sa politique. Ce n’est pas une suite de dérapages, ou des excès de communication : c’est une stratégie délibérée.

C’est ainsi que s’installent peu à peu dans notre pays les relents d’un régime autoritaire, à coup de provocations, d’outrances et d’intimidations. Ce qui se joue ici n’est pas seulement un combat pour les droits migrants ; c’est aussi un combat pour la sauvegarde d’une démocratie libérale dans notre pays.

François Gemenne
François Gemenne© reporters – belgaimage
Eric Jadot
Eric Jadot© reporters – belgaimage

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