La grippe menace de paralyser tout le pays

Michel Delwiche
Michel Delwiche Journaliste

Le virus A/H1N1 va débarquer en force après les vacances, et risque de contaminer une bonne partie de la population. Les communes sont chargées par le fédéral de préparer la riposte, et d’empêcher la grippe porcine de bloquer le fonctionnement de la société. La tâche n’est pas simple…

Quelques dizaines de personnes atteintes en Belgique, quelques dizaines de milliers de cas dans le monde, et quelques centaines de morts : les méfaits recensés du virus de la grippe mexicaine (ou porcine), le fameux virus A/H1N1 indiqueraient que la situation sanitaire est sous contrôle. D’autant que les autorités se veulent extrêmement rassurantes et se contentent, à destination du grand public, de communiquer quelques recommandations simples aux personnes qui s’apprêtent à voyager outre-Atlantique. Du genre  » Evitez les contacts avec les personnes manifestement malades « , ou encore  » Lavez-vous régulièrement les mains « .

Il n’empêche que la situation continue à être prise très au sérieux en Belgique car, si le virus de la grippe porcine est peu mortel, il est par contre extrêmement contagieux. Sa propagation, estime l’OMS (Organisation mondiale de la santé) est inévitable et pourrait paralyser en grande partie le fonctionnement du pays. De source médicale, on s’attend en effet à ce que la grippe mexicaine touche de 30 à 70 % de la population à l’automne prochain, après le grand brassage des vacances. La plupart des malades devraient être rétablis après une bonne semaine de repos, certes, mais nous mesurons encore mal l’impact social de cette inactivité forcée : comment fonctionner si plus de la moitié des médecins, des infirmières, mais aussi des pompiers, des policiers, des postiers, des bouchers, des boulangers, des chauffeurs de bus, des sidérurgistes, des enseignants ou des gardiennes d’enfants ne sont pas sur le pont ?

Un plan  » pandémie « 

Il faut prévoir le pire, et s’apprêter à y faire face. Les communes ont été alertées dès la fin avril. Quand l’OMS a décrété, le 11 juin dernier, que le risque de pandémie était bel et bien là, elles ont été invitées par le gouvernement fédéral à préparer la mise en place du plan élaboré par le commissariat interministériel  » Influenza  » (SPF Intérieur et SPF Santé). Ce plan  » pandémie « , déclinaison de celui conçu pour la grippe aviaire (bien plus mortelle, elle), a deux objectifs simultanés. Le premier est de tenter de maîtriser la propagation du virus, et le deuxième de permettre un fonctionnement aussi normal que possible de la société.

Comment cela se passe dans les communes ? Exemple à Thuin.  » Ici, nous avons décidé de prendre les choses très au sérieux, explique Paul Furlan (PS), député-bourgmestre, et de mettre en place maintenant toute l’organisation, de façon qu’elle soit opérationnelle dès la fin des vacances. C’est mon rôle de protéger la population de ma commune, et nous devons tout prévoir, sans créer la panique… et sans faire rire de nous. « 

 » Le scénario du commissariat Influenza, qui envisage que 30 à 70 % de la population soit touchée, est peut-être un scénario catastrophe, explique le Dr Alain Collet, urgentiste et médecin de corps des pompiers de Thuin, le risque est peut-être faible, mais les pouvoirs publics doivent l’envisager et s’y préparer. On prévoit en septembre-octobre, à deux semaines d’intervalle, deux vagues successives de contamination qui devraient durer chacune une quinzaine de jours. Les services essentiels de la commune, comme l’état civil ou les travaux, devront pouvoir être assurés pendant cette période, ils devront avoir priorité sur les autres, les écoles ou les bibliothèques par exemple. Le personnel devra peut-être passer d’un service à un autre, pour remplacer les malades. « 

Les généralistesen première ligne

Le plan  » pandémie  » a été présenté le 1er juillet aux médecins généralistes thudiniens, qui se trouveront en première ligne. Ils étaient, assure le Dr Collet, bien au courant de ce qui se passe, et des risques.  » Le pire qui pourrait arriver, poursuit-il, c’est une recombinaison des virus de la grippe aviaire et de la grippe porcine. Ce virus mutant pourrait être à la fois très contagieux et mortel. Le risque est faible, il ne faut certainement pas faire paniquer, mais on ne peut se permettre de l’ignorer. « 

 » Ici, le plan sera prêt, affirme Paul Furlan, et il pourra être appliqué dès la première injonction des autorités sanitaires, si la pandémie venait à toucher le pays. Si je devais être malade et hors service à ce moment-là, n’importe quel échevin doit pouvoir le mettre en route, au claquement de doigts, automatiquement. Nous referons le point fin juillet. « 

Le plan  » pandémie  » piloté par le fédéral s’articule, au niveau local, sur la création de Points de contact locaux et de santé (PCLS), chargés de gérer la situation dans ses différents aspects.

> Un call-center unique sera installé à la caserne des pompiers de Thuin, avec une ligne spéciale demandée à Belgacom. Ce call-center sera chargé de récolter les appels pour les visites de médecin à domicile, mais aussi de répondre aux questions et aux inquiétudes des habitants. Une formation particulière sera dispensée aux agents par le Dr Collet, qui a déjà formé les hommes de terrain (100 et service incendie). Ce dispositif, comme tout le PCLS, pourrait être partagé avec les autres communes de la zone incendie (Anderlues, Lobbes et Merbes), soit une population de 56 000 habitants.

> Un centre de consultation sera aménagé dans le hall polyvalent, qui dispose d’un minimum de confort, chauffage et sanitaires.

> Une coordination des soins à domicile sera assurée. Pendant la période critique, le patient n’aura en effet plus le choix de son médecin. Le territoire de la commune a été divisé en fonction des domiciles des médecins. Chacun d’entre eux aura ainsi la responsabilité de ses rues, son quartier, son village. Le coordinateur sera également chargé d’organiser au mieux le travail des autres acteurs de santé, infirmières, kinés, etc., ainsi que des bénévoles et associations (Croix-Rouge, par exemple).

> Un monitoring enfin est prévu : collecte des données concernant la maladie, sa diffusion, le nombre d’hospitalisations et de décès, ainsi que d’éventuels problèmes dans l’organisation. Les données statistiques ainsi rassemblées (par le call-center, entre autres) pourraient servir à améliorer le plan.

Privilégier le confinement

En attendant, l’organisation normale des soins de santé reste bien entendu maintenue. Si un cas avéré de grippe A/H1N1 est établi, le médecin prescrira du Tamiflu au patient et à son entourage, à domicile. Ne devront être hospitalisés que les personnes qui présentent un risque de complication.

 » Le leitmotiv, cela reste le confinement, précise le Dr Collet. C’est pourquoi il faut privilégier la visite du médecin à domicile, pour éviter la promiscuité de la salle d’attente. Mais il faut éviter que le médecin ne se transforme en vecteur de la maladie. « 

Les 12,6 millions de vaccins commandés par la Belgique à GSK (Glaxo- SmithKline) ne seront pas prêts avant l’automne. Et encore : à condition que le personnel de l’entreprise pharmaceutique reste en bonne santé…

Réapprendre les gestesde l’hygiène

Les médecins, infirmiers ou kinés qui soignent les patients à domicile sont les plus exposés, puisqu’ils sont en contact avec le malade. Le Pr Marc Van Ranst, du commissariat Influenza, juge qu’il n’est pas inutile de leur conseiller un renforcement des mesures d’hygiène habituelles, comme désinfecter le matériel médical après chaque utilisation, porter un masque en cas de contact rapproché, ou encore se mettre derrière le patient pour l’ausculter, afin d’éviter d’être atteint par les projections (toux, éternuements…).

Les conseils élémentaires à destination du grand public sont plus que jamais d’actualité : se laver les mains régulièrement, se couvrir la bouche et le nez avec un mouchoir en papier quand on éternue, se débarrasser des mouchoirs sans les laisser traîner, rester à la maison en cas de maladie et prévenir son médecin.

 » Il est important que la population soit sensibilisée, et prévenue de ce qui risque de se passer « , note le Dr Collet, qui a prévu la distribution en toutes-boîtes des conseils de base.  » L’information est le meilleur moyen pour éviter la panique et ses conséquences. La grippe porcine est bénigne, ce n’est ni la lèpre ni le choléra qui avaient provoqué les grandes peurs du Moyen Age. Il ne faudrait pas en arriver à devoir faire garder par la police les réserves de Tamiflu ou de masques… « 

MICHEL DELWICHE

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