La grande alliance

Scientifiques et patrons se retrouvent partenaires privilégiés au sein des pôles de compétitivité, une des mesures phares du plan Marshall. Ces fameux consortiums devaient permettre aux entreprises du sud du pays d’être à la pointe des nouvelles technologies et d’accéder aux dernières trouvailles de la recherche.

Pierre Delcoigne, à la tête d’une brasserie familiale, est très clair :  » Sans le plan Marshall, nous n’aurions pas eu les moyens de participer à un tel partenariat avec les universités.  » La Brasserie des Légendes, installée dans la région des collines, produit quelques marques de bières artisanales. Elle est classée dans les TPE (très petites entreprises). Une dizaine de personnes travaillent au sein de la boîte.  » Nous nous sommes inscrits dans le pôle de compétitivité car nous voulions faire face à un souci très particulier : la gestion de nos déchets. Leur traitement nous coûte beaucoup d’argent et n’est pas très écologique. A notre échelle, nous n’avons pas les moyens de financer de la recherche sur cette thématique.  » En s’inscrivant dans le pôle de l’agro-industrie, Wagralin, Paul Delcoigne s’est engagé dans un partenariat avec d’autres entreprises et des universités afin d’organiser un programme de recherche sur cette thématique. Il y a quelques jours, ils ont reçu l’aval de la Région wallonne. Le projet est maintenant sur les rails. Des chercheurs au sein des universités vont ainsi recevoir des bourses pour développer ce programme. Les travaux sont prévus pour deux ans.

Le volet synergie entre universités et entreprises représente près de 54 % du budget du plan Marshall (plus de 500 millions d’euros). La recherche innovante devait permettre aux entreprises wallonnes d’accéder à la pointe de la technologie et de profiter des fruits de la recherche. En septembre 2008 (derniers chiffres disponibles), 22 projets de ce type avaient été signés au sein des cinq pôles de compétitivité. Les grandes entreprises comme GSK ou UCB jouent le rôle d’impulsion et de moteur de ces projets. Les PME et TPE ont alors l’occasion de s’accoupler avec ces consortiums et de profiter ainsi du travail de grands labos universitaires.

Financement de la recherche

Les universités ne sont pas en reste. Quelque 1 250 chercheurs ont été engagés grâce aux subsides du plan Marshall. Carine Michiels, professeur au département de biologie des Facultés universitaires de Namur (FUNDP), participe depuis deux ans à un programme de recherche sur le cancer du sein. Ce partenariat vise à mettre sur le marché un outil de diagnostic,  » le marqueur  » au sein du pôle Biowin (recherche pharmaceutique). Cinq acteurs participent à ce programme, un centre hospitalier (l’institut Bordet), deux entreprises et les FUNDP. Chacun a son rôle spécifique. Carine Michiels fait de la recherche sur des cellules de culture en laboratoire. Les chercheurs de l’institut Bordet livrent les résultats d’analyses sur les patients. Et les deux entreprises apportent leurs technologies et leur savoir-faire.

Le réseautage

Les pôles de compétitivité ont également donné à l’ensemble des acteurs des occasions pour échanger et se parler. C’est ce qu’on appelle le  » réseautage « . Les parois entre secteurs public et privé sont devenues plus poreuses. Les entrepreneurs eux-mêmes ont développé des relations privilégiées entre eux.  » Le plan Marshall a permis d’ouvrir une vitrine par laquelle nous avons pu exposer notre savoir-faire et nos produits « , explique Michel Saint-Mard. Ce jeune chercheur dans le milieu de la microélectricité vient de créer une spin-off de conseils personnalisés aux entreprises :  » Grâce au réseau avec le monde des entreprises, nous avons pu déterminer les besoins du monde industriel dans le développement technologique.  » De même, le patron de la brasserie des Géants, Pierre Delcoigne, explique que, depuis les réunions réparatoires du projet sur le traitement des déchets, il a l’occasion d’échanger sur les problèmes et les solutions spécifiques rencontrés par les autres brasseurs :  » On développe une nouvelle forme de solidarité entre nous. « 

Les collaborations avec les entreprises existaient déjà auparavant, mais elles se sont intensifiées depuis 2005. Luc Etienne est chargé de l’animation technologique à l’ Interface Entreprise-Université au sein de l’université de Liège. Interface a pour objectif de faciliter les synergies entre l’université et les entreprises privées. Le chercheur est globalement heureux de cette nouvelle dynamique :  » Je n’avais jamais senti un souffle pareil par le passé. Je pense que le plan Marshall a permis une base solide de collaboration entre les centres universitaires et les entreprises. L’approche sectorielle des pôles de compétitivité a favorisé une plus grande visibilité des entreprises wallonnes, surtout à l’extérieur du pays. En tout cas, ça donne une image d’une Wallonie qui bouge. « 

ALEX FERNANDES

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