La folie des sicav

Les statistiques sont formelles : chaque Belge a investi en moyenne 540 000 francs dans des sicav ! Soit un total de 5 400 milliards de francs. Un succès foudroyant que les atouts de cette forme de placement expliquent entièrement. Un dossier pratique pour y voir plus clair.

Il y a vingt ans, on comptait sur les doigts le nombre d’épargnants belges capables de donner une définition du mot sicav. Il est vrai qu’à l’époque les fonds d’investissement étaient, chez nous, quasi exclusivement une affaire de professionnels. Il aura fallu les lois  » Monory-Declercq « , au début des années 80, pour que les  » OPC « , les organismes de placement collectif, nés outre-Altantique il y a un demi-siècle, prennent définitivement pied en Belgique.

Depuis, leur succès n’a fait que s’affirmer, au point de devenir l’instrument d’épargne le plus important de nos compatriotes, même si tous ne sont pas conscients d’en posséder dans leur portefeuille. Combien sont ceux en effet qui, parmi les 800 000 souscripteurs d’un contrat d’épargne-pension, savent que ce produit fiscalement favorisé n’est rien d’autre qu’un fonds commun de placement apparenté à la famille des sicav mixtes ?

En date du 31 mars dernier, le total des actifs des OPC offerts publiquement sur le marché belge atteignait le montant faramineux de 5 400 milliards de francs, soit 540 000 francs par habitant du royaume, du nouveau-né au centenaire. Par ménage, et toujours en moyenne bien sûr, cela représente un pactole de plus de 2 millions, détenu directement ou via des fonds de pension.

A titre de comparaison, relevons que le carnet d’épargne, pourtant répandu chez nous à quelque 20 millions d’exemplaires, ne totalise qu’un peu plus de 3 000 milliards et que les bons de caisse, autrefois chouchouté par les Belges, ne pèsent plus aujourd’hui qu’un peu moins de 2 000 milliards.

Cette passion pour les sicav n’a pas touché que les Belges. Le total mondial des OPC dépasse, lui, le sommet de 500 000 milliards de francs, avec une part prédominante pour les Américains (60 %). Il est vrai qu’outre-Altantique les fonds d’investissement constituent la base du système de pension. Les Japonais, pour le moment du moins, semblent tout à fait hermétiques à ce type de placement. Cela étant, par habitant, la Belgique détient sans doute le record du monde.

Les promoteurs de fonds étrangers s’intéressent d’ailleurs de plus en plus à notre marché, mais sans grand succès jusqu’à présent. La toute grande majorité des sicav diffusées dans notre pays sont  » made in Belgium « , ou proviennent de banques belges et de leurs filiales luxembourgeoises. Il est vrai qu’elles disposent d’un réseau de distribution extrêmement serré, contre lequel les sociétés d’investissement anglo-saxonnes ne peuvent pas grand-chose. Et cette suprématie  » nationale  » est plus forte encore si l’on prend en considération le succès des fonds d’assurance, les petites soeurs des sicav, qui connaissent elles aussi un succès foudroyant.

Beaucoup d’atouts

Cette réussite mondiale des sicav n’a rien de surprenant. Lorsque l’on fait le bilan des avantages et des inconvénients des OPC, la balance penche nettement du côté des premiers. Atout principal : la facilité. Grâce aux sicav, on a accès aux Bourses et aux produits de placement du monde entier. Ils sont sélectionnés et gérés par des professionnels. Pour s’occuper de son portefeuille de sicav, l’épargnant ne doit pas disposer du temps et de l’expertise que requiert un placement en Bourse. Ce qui ne signifie pas qu’une certaine dose de gestion active soit inutile, comme nous le verrons dans ce dossier spécial.

Deuxième atout : la diversification des risques. Un fonds n’est rien d’autre qu’un panier de valeurs mobilières (actions et/ou obligations essentiellement), dont le nombre varie d’une vingtaine au moins jusqu’au-delà de la centaine. Les risques sont donc nettement inférieurs à ceux d’un portefeuille qui ne comporte que quatre ou cinq positions.

La rentabilité est également un avantage non négligeable. Pour ce qui est des OPC belges, et sur longue durée (dix ans), les  » returns  » annuels moyens sont de l’ordre de 12 % pour les sicav d’actions, de 8 % pour les sicav obligataires et de 5 % pour les sicav de trésorerie. Il n’est pas sûr qu’un investisseur particulier, même aidé des conseils d’un gestionnaire de fortune, puisse se targuer d’un tel résultat. Il est vrai que les bénéfices réinvestis par la sicav sont exonérés d’impôt. De toute manière, c’est bien plus rentable qu’un compte d’épargne, un bon de caisse ou une assurance-vie classique.

Enfin, la liquidité. Une sicav, cela s’achète et se revend très facilement. Votre investissement reste disponible à tout moment : un ordre de vente et l’affaire est réglée. Essayez avec un bon de caisse ou un immeuble.

Spéculateurs s’abstenir

Du côté du passif, on invoque souvent les coûts. Outre les taxes boursières, il y a les droits d’entrée (en moyenne 3 %) et les frais de gestion (de l’ordre de 1 % par an). C’est plus élevé que si vous gérez vous-même votre portefeuille d’actions ou d’obligations, mais faites le total des commissions d’achat et de vente, des frais de garde et de compte, ainsi que des éventuels coûts d’un contrat de gestion, et vous verrez que l’écart n’est pas très important. Sans oublier le gain de temps ! Au surplus, ne perdez pas de vue que les banques et sociétés de Bourse belges sont moins chères que leurs consoeurs étrangères.

Ce qui est certain, c’est qu’en raison même de leur diversification les OPC ne sont pas l’outil idéal pour ceux qui ont l’âme spéculative. Difficile de faire des gros coups lorsque l’on dispose d’un portefeuille de sicav équilibré. Encore que ceux qui ont acheté des fonds investis en actions téléphoniques au début de 1999 et qui les ont revendus douze mois plus tard ont réalisé un gain de 100 %.

Comme nous allons le voir dans le dossier, sicav est un nom générique : il y a des sicav investies en actions, d’autres en obligations, etc. Il y a une dizaine d’années, le coeur des Belges penchait nettement pour les sicav investies en valeurs à revenu fixe. L’envolée des Bourses à la fin des années 90 les a fait changer d’avis. Aujourd’hui, les OPC investis en actions ou liés à un indice boursier représentent près de la moitié du total, les OPC investis en obligations 25 %, les OPC mixtes 24 %, le solde étant acquis aux OPC immobiliers (les sicafi). Mais les soubresauts récents des marchés boursiers pourraient inverser la tendance. Audacieux, mais pas téméraire, le Belge.

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