La fin du e-brol

Vincent Genot
Vincent Genot Rédacteur en chef adjoint Newsroom

Pour les sociétés qui ont résisté à la débâcle des nouvelles technologies, l’avenir s’annonce serein. Quitte à modifier quelque peu leur business plan initial

En ligne depuis la mi-septembre 2000, le site Sherpa, qui attire 3 000 visiteurs uniques par jour, permet de consulter une banque de données des loisirs de proximité. Dans un premier temps, le site était confiné aux seules créations et diffusions de contenus liés à la culture. En janvier 2001 l’internaute pouvait ainsi réserver une entrée au cinéma, au théâtre, à un concert ou y programmer une sortie avec les enfants… Nouvelles étapes en mars de la même année avec la réservation via un call center, puis directement auprès des nombreux points de vente établis, notamment, dans les salles de spectacles. Lors du dernier Festival du film de Gand, cette dernière initiative a permis à Sherpa de vendre quelques dizaines de milliers de places, en l’espace de trois semaines.

La fin de l’écrémage

De fournisseur de contenu, Sherpa a donc dû évoluer vers la billetterie événementielle multicanal. Une mutation qui a permis à la société de développer une technologie spécifique qu’elle peut désormais commercialiser comme plate-forme de promotion et de vente à destination des organisateurs de spectacles. La suite ? « Une livraison électronique du billet. C’est-à-dire une émission du billet sur un A4 classique avec un système de codes-barres que l’on imprime à la maison ou directement dans la salle de spectacle, explique Hubert Laterre, administrateur délégué de Sherpa. Le système s’intégrera cependant dans une offre multiple, car le billet physique a encore une valeur psychologique pour de nombreuses personnes. » Les adolescents gardent souvent précieusement leur place de concert en guise de souvenir. « Il nous faut donc tenir compte du profil du client. Mais le processus est en voie de simplification, la livraison électronique rentre doucement dans les habitudes des internautes belges qui ont acquis une certaine maturité. Ils sont, par exemple, prêts à payer désormais une certaine somme, je pense notamment à l’ADSL ou au câble, pour obtenir un Internet de qualité », reprend Hubert Laterre.

Une maturité que l’on retrouve également chez les professionnels du Net. « Ces deux dernières années, nous avons connu pas mal d’écrémage dans le secteur, explique Marc Vanhoutteghem, managing partner chez Uniway, une entreprise belge spécialisée dans les technologies Internet et partenaire technique de Sherpa. En matière d’e-commerce, on a notamment constaté que les sociétés qui existaient dans le « monde physique » possédaient de meilleurs atouts que les entreprises qui démarraient de rien. Les premières ont déjà une idée de ce qu’est une comptabilité, une logistique, elles savent ce qu’est une relation client/fournisseur. » A quoi s’ajoute, comme autre atout, la notoriété de ces sociétés. Il est en effet plus sécurisant de sortir sa carte de crédit pour procéder à un achat sur le site d’une entreprise connue que sur celui d’une start-up qui démarre. « Les partenaires encore présents sur le marché sont donc beaucoup plus intéressants, reprend Marc Vanhoutteghem. Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère. En interne, nous parlons de l’Internet version 2.0. En fait, la version 1.0 a été marquée par un grand enthousiasme, des investissements démesurés et un manque de réalisme qui a abouti à d’énormes échecs. Cela n’a pas donné une image très positive du Net. Durant les années 1999 et 2000, l’e-brol a émergé. Il suffisait de mettre un e devant les mots pour que cela fonctionne: e-commerce, e-business, e-learning, e-government, e-marketing… Le phénomène a paralysé les décideurs d’entreprise. Chaque mois, ceux-ci étaient confrontés à ces nouvelles notions. Difficile de distinguer le produit à la mode de l’outil utile pour la société. Il en a résulté un certain immobilisme. Par méfiance, ils ne faisaient rien. Résultat: en 2001, le marché a vécu en complète léthargie. Chez nous, on parle du syndrome Rascar Capac. Un peu comme si la momie des 7 boules de cristal avait lancé sa malédiction dans le bureau des décideurs du pays. Heureusement, le marché sort progressivement de sa torpeur avec une maturité qui réclame désormais un plus grand professionnalisme et, surtout, plus de rationalité économique. Si un investisseur place 1 euro dans un projet Internet, il s’attend à ce que celui-ci lui rapporte 1 euro… plus quelque chose. »

Des technologies enfin matures

Tout n’est cependant pas à jeter dans l’Internet version 1.0. La masse d’argent déversé dans le « en ligne » pendant ces années a permis de peaufiner des technologies dont l’émergence risque fort de chambouler les acteurs du marché. Les agences de webdesign – composées essentiellement de graphistes – qui, jusqu’ici, tenaient le haut du pavé pourraient progressivement laisser la place à des sociétés spécifiquement IT ( information technology). « Si l’Internet 1.0 a été un lieu d’euphorie, d’enthousiasme et de désillusions, il laisse un héritage technologique important, continue Marc Vanhoutteghem. Cette technologie a extrêmement bien évolué. Alors qu’au début du Web cela tirait dans tous les sens, aujourd’hui on peut s’appuyer sur des standards qui évoluent selon deux axes. D’un côté Microsoft et, de l’autre, Java/Unix, avec des passerelles comme le XML, SOAP… Ces technologies permettent désormais de construire des applications beaucoup plus critiques, de plus grande taille et qui iront bien au-delà du Web. La mise en place de tels programmes nécessitera cependant de grandes compétences techniques que l’on trouvera dans les boîtes IT traditionnelles plutôt que dans les sociétés de webdesign. » Consolidation du secteur, évolution des technologies et des acteurs: après un écrémage bien nécessaire, l’Internet marchand n’a jamais connu une conjoncture aussi propice à son développement. A condition que les investisseurs suivent, le Net a un très bel avenir devant lui.

Informations : www.sherpa.be et www.uniway.be

Vincent Genot

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