La fin des « parkings pour enfants »?

A l’avenir, les frais de garderie pourraient être déduits fiscalement et l’accueil extrascolaire réglementé. Un avant-projet de décret veut renforcer sa qualité, pour sortir de la simple surveillance des enfants

« J’aime presque mieux la garderie que l’école », avoue Aline (9 ans). Certes, quand les enfants sont plus de 50, voire 70, les « deux madames » sont quelque peu dépassées. Bien sûr, les élèves restent souvent confinés dans le brouhaha du réfectoire. Mais, désormais, le choix des activités ne se limite plus à la télévision et à la cour de récréation. Aline et ses petits camarades disposent de vélos, de jeux de société, de puzzles, de ballons sauteurs, de tableaux à leur taille…

Une situation généralisée? Pas du tout, Aline habite dans l’une des 28 seules communes qui bénéficient, depuis 1999, de moyens supplémentaires du gouvernement wallon – budget de Charles Michel, ministre des Affaires intérieures – pour mener des expériences pilotes en matière d’accueil extrascolaire. A Namur, cela s’est traduit par l’engagement d’un coordinateur chargé d’évaluer les besoins et par des formations spécifiques pour le personnel. Durant une semaine, des encadrantes de garderie – des mamans et des chômeuses, pour la plupart – ont reçu des notions de secourisme, de déontologie et de psychosociologie.

Une formation minimaliste? Peut-être, mais révélatrice d’un souci de qualité qu’une législation devrait bientôt conforter. Jean-Marc Nollet, ministre Ecolo de l’Enfance, soumet, actuellement aux acteurs du terrain, un avant-projet de décret qu’il présentera, dans les semaines à venir, au gouvernement.

Le premier mérite de ce plan sera de procéder à un état des lieux. Les chiffres sont rares. Selon l’Observatoire de l’enfant, à Bruxelles, un élève sur trois est inscrit dans une garderie scolaire, soit quelque 29 000 enfants de moins de 12 ans. Pour des raisons de concurrence, presque toutes les écoles organisent une surveillance avant et après la classe, mais la qualité du service n’est pas pour autant assurée.

D’après une enquête de l’université de Liège (ULg), en Wallonie, la majorité des établissements n’ouvrent leurs portes qu’à 7 h 30 pour les fermer dès 17 h 45. Le mercredi après-midi, seule une garderie scolaire sur deux fonctionne. Pendant les congés, pas plus de 17 % des écoles se préoccupent d’accueillir les enfants.

En outre, 90 % des établissements reconnaissent s’en tenir à une « simple surveillance » sans souci éducatif. Comment faire autrement avec un adulte pour 20 enfants et plus? Le milieu associatif (écoles de devoirs, maisons de quartier, associations de parents, etc.), qui prend généralement le relais le mercredi après-midi et pendant les vacances, propose souvent un accueil de meilleure qualité. Mais, dans l’ensemble, le personnel – des femmes, en majorité – est mal payé et peu qualifié. Dans les écoles, un encadrant sur deux n’a pas suivi d’études au-delà du secondaire (c’est le cas d’un encadrant sur quatre dans l’associatif). Dans un cas sur cinq, il s’agit même de bénévoles. « Au mieux, ces animateurs perçoivent quelque 35 000 francs (867,6 euros) par mois, exceptionnellement 40 000 francs (991,5 euros) », résume Jacques Ternest, président de la Fédération des initiatives locales pour l’enfance (File).

Cette précarité tient à l’histoire de l’extrascolaire. Face à l’urgence, les initiatives sont nées spontanément, sans cadre de référence. Aujourd’hui, leur financement reste aléatoire. La participation financière des parents – maximum 100 francs (2,48 euros) par heure, selon la File – ne couvre qu’une (toute petite) partie des frais. Pour des raisons sociales mais aussi de concurrence, les tarifs sont peu élevés, voire inexistants dans certaines écoles. Des subsides sont donc « mendiés » auprès des communes, des Régions wallonne et bruxelloise, de la Communauté française, du gouvernement fédéral, de l’Europe.

Le souci de réglementer le secteur n’est apparu que récemment. Le code de qualité de l’accueil date de 1999. Depuis, toute personne qui organise la garde d’enfants de moins de 12 ans est tenue de se signaler à l’Office de la naissance et de l’enfance (ONE). Elle doit aussi se soumettre à quelques grands principes, respecter les besoins de l’enfant, son développement, son autonomie… Mais, en pratique, l’ONE n’a guère les moyens de contrôler l’application de ce code.

Ensuite, au printemps 2000, Nollet a remis une note d’orientation sur l’accueil extrascolaire. Son souci était d’encourager les garderies, les maisons de quartier, les écoles de devoirs, mais aussi l’ensemble du parascolaire (académies, clubs sportifs, etc.) à coordonner leurs activités, au niveau communal, afin d’offrir un accueil qui ne soit pas le prolongement de la classe.

Son idée de contrats locaux pour l’enfance (CLE) a toutefois été fraîchement accueillie. « Les écoles – comme les parents – veulent que la garderie se déroule dans leurs locaux, explique-t-on à la Ville de Namur. Il est illusoire de demander à un club de foot, par exemple, qui a déjà des difficultés à recruter des bénévoles pour les entraînements, d’en faire plus. »

Cela n’exclut pas des collaborations ponctuelles. Dans ses conclusions, la File, qui vient d’organiser les états généraux de l’extrascolaire, distingue le « petit accueil », dans les écoles, pour les enfants qui ne restent qu’un bref moment, du « grand accueil », qui se déroulerait en dehors du cadre scolaire, idéalement dans une infrastructure de quartier, le mercredi après-midi et durant les vacances scolaires. La File réclame aussi une formation spécifique pour les animateurs, un taux d’encadrement d’un adulte pour dix enfants, etc. Son souci? L’extrascolaire doit devenir un temps de loisirs, un lieu « rassurant, stimulant et enrichissant », où l’enfant a le droit de choisir ses activités. On croit rêver?

L’avant-projet de décret Nollet partage la philosophie de l’accueil, issue des maisons d’enfants scandinaves dont s’est inspirée la Communauté flamande ( lire aussi ci-contre). Le texte garantit une liberté aux initiatives actuelles, mais il impose leur coordination par les communes, en collaboration avec la Communauté française. Il réglemente aussi la formation des accompagnateurs – le programme pourrait être élaboré par l’ONE -, la contribution financière des parents, prévoyant une réduction pour les petits salaires, etc. Nollet négocie, parallèlement, avec Didier Reynders, ministre PRL des Finances au gouvernement fédéral, l’élargissement jusqu’à 12 ans de la déduction des frais de garde, aujourd’hui limitée aux moins de 3 ans. Enfin, le décret, dont le ministre espère le vote en 2002, prévoit des subventions d’impulsion pour créer des centres là où l’inventaire révélerait des manques.

« Pour le moment, ce décret est toutefois inapplicable, pense Ternest. Il nécessitera des milliards dont le ministre ne dispose pas. Il faudra donc procéder par phases. » Car le refinancement de la Communauté française ne fera sentir pleinement ses effets qu’en 2010.

Dorothée Klein

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