La crise budgétaire, une mine sous l’Etat

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Flamands brutalement appauvris, francophones chroniquement désargentés, Etat fédéral sans le sou : tous fauchés par la crise économique, les niveaux de pouvoir tentent de sauver les meubles. L’addition finale pourrait être fatale à la Belgique fédérale.

Sans trémolos dans la voix, il y était allé d’un appel bien senti au sursaut national, à la tribune de la Chambre :  » Il ne s’agit pas d’un combat entre gouvernements, il y va de notre bien-être à tous. Il n’y a pas de place pour un fédéralisme d’opposition.  » Herman Van Rompuy avait eu tout le loisir de sentir l’oignon. Sorti de sa léthargie depuis le verdict des urnes régionales du 7 juin, le Premier ministre CD&V anticipait les coups.  » Rien à voir avec un diktat du fédéral ou de la mendicité.  » De la mendicité ? Il y a pourtant de cela dans cet appel à la rescousse lancé à tous les niveaux de pouvoir, face à l’adversité financière du moment. L’élan spontané de charité était tout sauf garanti. Une fois n’est pas coutume, la dèche des finances publiques est généralisée. Dans le sud du pays mais aussi au Nord.

Passe d’armes

C’est la tournée générale des déficits annoncés : 1 milliard d’euros en 2009, 1,9 milliard d’euros en 2010 pour la Flandre. 220 millions d’euros en 2009, 421 millions d’euros en 2010 côté wallon. 511 millions d’euros en 2009, 700 millions d’euros en 2011 à la Communauté française. Dans cette galerie de fauchés, le pouvoir fédéral décroche la timbale : un trou de 19 milliards d’euros appréhendé cette année, de 21 milliards en 2010. L’ampleur du naufrage valait bien de jeter une bouteille à la mer. Van Rompuy a pris son bâton de pèlerin pour sonder la volonté des partenaires des futures coalitions régionales de souquer ferme dans la même direction. Vers cet improbable équilibre budgétaire que le Premier ministre fédéral ne désespère pas de retrouver à l’horizon 2015-2016. Encore faut-il que chacun prenne sa juste part du fardeau. 60 % de l’effort budgétaire au fédéral, 25 % aux Régions et Communautés, 15 % aux communes. Tope-là ? Le marché annonçait au contraire la foire d’empoigne entre Flamands et francophones. Avant même la crise, les bons comptes ne faisaient déjà pas les bons amis. La Flandre, fraîchement désendettée, s’irritait déjà de ne pouvoir tirer tous les dividendes de son insolente santé budgétaire. C’est dire si la perspective de devoir soulager la misère de l’Etat fédéral a de quoi hérisser le monde politique flamand. Mais aussi l’enchanter…. Le nord du pays détient là un levier providentiel pour monnayer au prix fort sa précieuse contribution. Et soumettre à ses volontés des francophones plus que jamais dans le pétrin. Van Rompuy, allergique à tout emballement, a eu tôt fait de désamorcer la tentation de l’escalade communautaire. Il se fait modeste dans ses appels du pied aux entités fédérées. Que les budgets régionaux modèrent leurs déficits et retrouvent au plus vite l’équilibre, et ce sera déjà très bien. La Flandre se targue d’atteindre l’objectif dès 2011, alors que dans le sud du pays on tire la langue devant le rythme de l’effort : la Wallonie se voit mal remettre son budget à flot pour 2013, la Région bruxelloise renâcle. Mais le bon élève flamand, bien dans ses papiers, attend les cancres francophones désargentés au tournant. Tôt ou tard, l’heure de régler les comptes d’une Belgique famélique viendra.

PIERRE HAVAUX

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