La Cité ardente renaît

Les grands chantiers immobiliers et d’infrastructures se multiplient en bord de Meuse. Avec une échéance commune : rendre possible l’organisation d’une exposition internationale en 2017.

Fin mars, revenant d’une excursion en terres liégeoises, une journaliste du supplément  » voyages  » du quotidien britannique The Telegraph titrait sur la  » renaissance  » de la cité mosane, vantant sa nouvelle gare mais aussi ses immeubles d’époque  » reconvertis en restaurants, lieux culturels et boutiques « , les journées dans les musées, les nuits dans le Carré.

De fait, longtemps sous perfusion (la dette n’a été reprise par la Région qu’en mars 2008), la Cité ardente reprend goût à la vie. Et retrouve – avec d’inégaux bonheurs – des ambitions que l’on croyait oubliées. L’arrivée prochaine du tram (même amputé d’une bonne partie de son tracé initial), la rénovation quasi terminée de l’Opéra royal et celle à venir des anciens bains de la Sauvenière, la transformation d’ici à 2015 du ronronnant Mamac (musée des Arts modernes et des Arts contemporains) en un audacieux Ciac (Centre international des arts et de la culture), la multiplication des hôtels au centre-ville, l’aménage- ment – bien qu’extrêmement laborieux – d’un nouveau quartier autour de la gare des Guillemins donnent et vont donner plus encore un nouveau visage à l’ancienne cité épiscopale. Et l’organisation d’une exposition internationale en 2017 entre la Meuse et le canal Albert devrait, espèrent les Liégeois, être le point d’orgue de cette métamorphose.

A l’origine de cette prestigieuse candidature (plus aucune manifestation de cette ampleur n’a été organisée depuis l’Exposition universelle de 1958 à Bruxelles), un autre rêve, avorté celui-là. Celui qu’ont entretenu en 2009 plus de 18 000 Liégeois de voir leur ville ravir à Mons le titre de capitale culturelle de l’Europe en 2015. Est-ce pour guérir les Liégeois de cette désillusion que la Ville s’est souvenue qu’elle avait déjà organisé – avec succès, en 1905, 1930 et 1939 – des expositions internationales et que rien ne s’opposait à ce que l’histoire repasse les plats ? Le bourgmestre Willy Demeyer s’en défend :  » On ne pouvait être candidat pour 2015, car il fallait terminer le désendettement de la Ville et faire aboutir les projets Feder pour cette même année 2015, soutient-il. Mais l’idée d’une expo internationale était déjà là car, en 2005, nous avions envoyé un échevin voir celle d’Aichi, au Japon. Un peu après la consultation populaire de 2009, j’en ai parlé à Elio Di Rupo. Puis à Yves Leterme, un soir dans la tribune du Standard. Ils ont tout de suite été d’accord. Nous avons obtenu des Flamands qu’ils ne posent pas leur candidature. Je ne voulais pas ôter aux Liégeois l’espoir d’organiser cette expo…  » Une exposition de cette ampleur ne se bâtissant pas sur du rêve et de l’espoir, une préétude de faisabilité a conclu à la possibilité de bâtir cette forêt de pavillons sur la plaine de Coronmeuse, sans qu’il en coûte aux contribuables. Une promesse qu’a réitérée quelques mois plus tard le bureau de consultance McKinsey. Et qui, depuis, vaut à une équipe de dix permanents, appuyés par trois stagiaires et des experts extérieurs, de travailler à la préparation du dossier de candidature pour le grand oral, qui aura lieu le 22 novembre devant l’Assemblée générale du Bureau international des expositions.

 » Connecter le monde « 

 » Cette candidature, c’est une préoccupation et un travail constants, ça se prépare comme une élection « , sourit le bourgmestre. Un site a donc été retenu : le quartier de Coronmeuse, au nord de la ville, entre la Meuse et le canal Albert. Chargé de la conception du masterplan, le bureau d’architectes et d’urbanistes néerlandais Venhoeven CS y a prévu un ensemble de pavillons reconvertibles en éco-logements au terme de l’exposition. Le cahier des charges est en cours de rédaction, les appels d’offres devraient être lancés au mois de septembre.

Il fallait aussi un thème, ce sera  » Connecter le monde, relier les gens, mieux vivre ensemble « .  » Il a été retenu au terme de nombreuses consultations avec les forces vives liégeoises, précise le porteur du projet, Jean-Christophe Peterkenne. Cette connectivité, c’est un des enjeux du XXIe siècle. Pas seulement du point de vue technologique mais aussi et surtout, du point de vue humain.  » Bien que l’université de Liège soit un des gros contributeurs au dossier de candidature et un partenaire privilégié pour l’organisation de l’exposition, c’est au Cetic, un centre d’expertise sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication créé il y a plus de dix ans à Charleroi, qu’ont été confiés la structuration et le développement du thème de la candidature.  » L’objectif est de montrer ce que l’utilisation des nouvelles technologies de l’information peut apporter au monde : à l’industrie, aux soins de santé, aux transports, à la culture, à la sauvegarde de l’environnement et à l’éducation, détaille le directeur du Cetic, Simon Alexandre. Autant de champs de connectivité qui, entendent rappeler les promoteurs de Liège 2017, sont porteurs d’enjeux économiques mais aussi éthiques, psychologiques, sociaux, politiques…

 » La technologie n’est qu’un moyen, l’homme est le centre de notre réflexion, reprend Simon Alexandre. Nous parlons ici d’une exposition qui pourrait avoir lieu à Liège dans cinq ans et pour laquelle il faudra être prospectif, le défi est donc dès maintenant de nous pencher sur les grands enjeux de 2020 ou 2025.  » Pas question donc, de transformer cette manifestation à six millions de visiteurs en grand salon dédié aux nouvelles technologies, aux derniers modèles de téléphones portables et aux dernières offres des opérateurs de grand débit. Il s’agit, au contraire, de dresser le portrait d’un monde à venir, influencé – pour le meilleur – par des technologies dont certaines n’existent pas encore aujourd’hui.  » Il y a déjà des grandes tendances, des lames de fond, enchaîne Simon Alexandre. On peut deviner que le développement des technologies mobiles, par exemple, ne va pas s’arrêter, que le nombre d’objets connectés va se multiplier, que l’utilisation des bio-senseurs en matière de santé publique va avoir de plus en plus d’importance, notamment dans les pays en voie de développement. Nous travaillons sur ces thèmes avec l’Unesco et un grand colloque scientifique, à l’attention des pays membres du Bureau des expositions, est prévu à Liège au mois de septembre. « 

JOÊL MATRICHE

 » La technologie n’est qu’un moyen, l’homme est le centre de notre réflexion « 

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