Krazy Kat, de George Herriman, une BD qui date de... 1913. © taschen

La BD déterre ses pionniers

Le 9e art redécouvre plus que jamais ses ancêtres, et se rend compte qu’il n’a rien inventé. Un phénomène qui déborde de bons livres, mais aux origines essentiellement… étrangères.

Tendance riche mais peut-être inquiétante en 2019 dans les rayons BD : quelques-uns des meilleurs livres de l’année, que l’on parle de récits de fiction, de romans graphiques, de comics ou de mangas ont été réalisés… il y a des décennies – voire parfois plus d’un siècle dans le cas du Krazy Kat de George Herriman (1913) réédité en grand format à la fois par Les Rêveurs et chez Taschen, ou du Walt & Skeezix de Frank King (1918) paru aux jeunes éditions 2024. Les éditeurs, grands et petits, n’hésitent plus à multiplier les éditions ou rééditions d’oeuvres considérées comme patrimoniales, plongeant parfois dans leurs propres fonds qu’il s’agit de valoriser, fouinant chez les ayants droit ou se servant dans ce qui tient désormais du domaine public (tel Popeye). Outre les deux perles déjà citées, on conseillera très fort le Deux manches et la belle, de l’américain Milt Gross (1930), à La Table Ronde, Monde mutant, de Richard Corben, chez Delirium (1983) ou les récits de Yoshiharu Tsuge (réalisés dans les années 1960) chez Cornélius, devenu le grand spécialiste de la réédition patrimoniale, mais surtout étrangère. Car la tendance en contient une autre : cette redécouverte de la bande dessinée se fait très peu, paradoxalement, à l’intérieur même du territoire francophone et de la BD dite franco-belge, essentiellement pour une raison d’argent ; il est bien plus ardu et coûteux de retrouver, restaurer et rééditer directement des planches que de racheter et traduire des éditions étrangères… qui ont déjà fait et payé ce boulot-là, essentiel. Raison de plus pour saluer l’initiative de Philippe Capart, coordinateur de La Crypte Tonique. Le magasin-magazine bruxellois a édité cette année une formidable édition commentée du Morne-au-Diable, de Georges Beuville, d’après Eugène Sue : un récit publié à l’origine dans le journal Tintin en 1950, mais dont la graphie, d’une modernité abracadabrantesque, a depuis impressionné ou directement influencé un nombre incroyable d’auteurs, de Franquin à Blain en passant par Blutch, Follet ou Meurisse, sans que le grand public n’en sache rien !

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