L’OPPORTUNITÉ WALLONNE

Thierry Fiorilli
Thierry Fiorilli Journaliste

 » Je refuse de considérer que les responsables politiques doivent simplement subir, partager des émotions, émettre des analyses sous forme de diagnostics. Je pense au contraire que nous sommes mandatés pour inverser le cours des choses. Dans le dossier Caterpillar, comme dans d’autres dossiers industriels, il y a plusieurs actions à mener, et vite. Nous devons forcer la création d’un label « made in Europe ». En consommant européen, on accepte parfois de payer un peu plus cher, mais on soutient une activité qui crée de l’emploi, de la prospérité et de la sécurité sociale en Europe.  » Paroles de Charles Michel. Le Premier ministre.

Mais elles datent de mars 2013. Lorsque Charles Michel était président du MR, pas encore chef de gouvernement. Lorsque Caterpillar, à Gosselies, se voyait imposer par sa direction américaine la suppression de 1 400 emplois, après qu’ArcelorMittal, à Liège, était contraint par son patron indien de liquider 1 300 postes et qu’à Detroit, aux Etats-Unis, on n’avait pas laissé à Ford Genk d’autre choix que de remercier 4 000 travailleurs. Charles Michel clamait, haut et fort, au Vif/L’Express, qu’il refusait  » l’impuissance « . Et qu’il fallait réagir,  » et vite « , au niveau européen.

Vite ? Inverser le cours des choses ?

Trois ans et demi plus tard, on ferme tout à Gosselies, sans que personne ne puisse empêcher quoi que ce soit ; et le fameux  » made in Europe  » relève toujours du voeu pieux. Le propos, ici, n’est pas tant d’accabler Charles Michel. Mais de rappeler que, après chaque drame social, la plupart du temps assez prévisible, les dirigeants politiques, fédéraux et régionaux, flamands et wallons, font savoir leur consternation, puis hurlent à la trahison, enfin avertissent qu’on va voir ce qu’on va voir, parce qu’ils sont  » déterminés « . Mais personne, à l’autre bout du monde, ne revient jamais sur sa décision. Alors on sauve ce qu’on peut sauver, vaille que vaille, et puis on retourne aux affaires courantes. Dont les missions économiques internationales, au cours desquelles on va convaincre que la Belgique est attractive.

Jusqu’au séisme suivant. Toujours pareillement justifié : le marché souffre, les bénéfices ou les dividendes baissent, les chiffres ne sont pas à la hauteur des objectifs des actionnaires ou de la direction. Donc le patron taille dans les coûts. Et s’il doit virer des gens, il les vire. Et s’il faut fermer la boutique, il la ferme. Qu’il soit Américain, Indien, Zambien ou Belge. Et si, en plus, on peut faire de mieux en mieux avec des machines, des robots, du digital, qu’on soit dans le bancaire, dans l’assurance, la sidérurgie, l’automobile ou la construction, on emploiera de moins en moins d’humains. C’est la règle de l’économie qu’on a instituée comme modèle : s’il y a moyen de perdre moins d’argent ou de s’en faire davantage ailleurs qu’ici, on part là-bas.

La gifle pour Gosselies doit dès lors faire office, enfin, de déclic pour la Wallonie. De planche de salut, en fait : il n’y a guère plus d’autres entreprises de cette taille, aux mains de patrons étrangers. Plus d’autres secteurs industriels à l’âge d’or révolu. Plus d’autre choix, donc, que de miser sur ses compétences, ses champs d’excellence, comme la chimie, la pharmacie, l’agroalimentaire, la biotechnologie, le numérique… En encourageant et soutenant les PME, en poussant à la création et à l’épanouissement de start-up. C’est déjà le cas, dans plusieurs provinces de la Région. Avec des résultats pas si nuls.

Ça ne sauvera pas forcément les 6 000 emplois menacés par la désertion de Caterpillar. Mais ça devrait accélérer une diversification et un redéploiement économiques wallons déjà bel et bien à l’oeuvre.

Thierry Fiorilli

 » Pas d’autre choix que de miser sur les secteurs d’excellence : chimie, pharmacie, agroalimentaire…  »

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