L’intime et le monde

Pas moins de quatre de nos théâtres se disputent la présence du metteur en scène et dramaturge français Joël Pommerat. L’occasion de découvrir l’univers envoûtant de cet époustouflant créateur.

Il a gardé dans le regard la fièvre et le sourire de l’adolescence, mais il mesure ses mots et les affine, pour mieux cerner une pensée en perpétuel mouvement. Cet homme à la jeune quarantaine élancée se définit comme un chercheur de théâtre qui, patiemment, en artisan, prend le temps de l’écriture, de la scène, de la lumière, du son, dans la sédimentation du tout. Non pas en solitaire, mais, depuis 1990, sur un plateau  » page blanche « , avec un collectif d’acteurs depuis 1990, la compagnie Louis Brouillard, un nom en un clin d’£il aux frères Lumière. Joël Pommerat préfère le flou et l’ambigu à la clarté, l’ombre et la suggestion au plein feu. Et il ajoute :  » J’aime que mon théâtre soit lisible, mais qu’il libère l’imagination et touche en profondeur.  » Ni iconoclaste ni pourfendeur de modernité, il avoue privilégier la narration, les personnages,  » saisir un peu de réalité, de sa complexité, dans l’intensité du temps qui passe. Le théâtre est le lieu possible de l’interrogation, de la remise en question, il se raconte par des actes, pas seulement par la parole. « 

Natif de Roanne, Joël Pommerat est monté à Paris pour devenir comédien, mais quelques années au sein de jeunes compagnies l’en ont détourné au profit de l’écriture et de la création scénique, dont a surgi un univers envoûtant qui tisse l’intime avec le monde social, familial, politique. Entre 2004 et 2006, il crée une trilogie – Au monde (révélé aux Halles de Schaerbeek), D’une seule main, et ces époustouflants Marchands, que l’on vit au National et à Liège, vaste interrogation sur le pouvoir et la valeur aliénante, imposée, du travail. Des êtres à la dérive, fantomatiques et lourds de secrets, entre ombre et lumière, un récit en voix off et des acteurs muets, intenses dans une beauté glaciale qui traque le réel.

Dans une tout autre étoffe et dans des lumières hallucinées, naîtra, en 2007, Je tremble, une forme de cabaret en récits fragmentés et énigmatiques qui, devant un rideau pailleté, livrent des tranches de vie effroyables où s’abîment la solitude, la violence, la misère du monde, mais où résiste aussi l’énergie de vivre.

Troisième versant de l’univers de Joël Pommerat, Cet Enfant (à l’affiche avec deux mises en scène différentes) creuse la relation entre parents et enfants et en détricote les normes supposées idéales : dix saynètes nourries de témoignages, mais qui reconstruisent une réalité à la manière d’un peintre, hors de toute cadre sociologique et de tout jugement. A la fois drôle, cruel et poignant, comme l’enfance, souvent tapie au creux du théâtre de Pommerat, jusqu’à la moëlle des contes, du Petit chaperon rouge au Pinocchio… que l’on découvrira prochainement.

Je tremble, du 26 au 30 janvier, au Théâtre national, à Bruxelles (tél. : 02 203 53 03), et les 13 et 14 février au Manège, à Liège (tél. : 04 221 10 00). Cet enfant (mise en scène de l’auteur), les 9 et 10 février, au théâtre de la Place, à Liège, et les 22 et 23 mai aux Ecuries, à Charleroi (tél. : 071 31 12 12), et dans la mise en scène de Thierry Debroux, au théâtre Le Public, du 13 janvier au 21 février (tél. : 0800 944 44). Au Monde, aux Ecuries, à Charleroi, les 29 et 30 mai. www.festivaldeliege.be

Michèle Friche

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