L’impact imprévisible des régularisations
Une nouvelle opération de régularisation va être lancée à la fin de l’année, alors que les implications de celles de 1999-2000 n’ont pas encore été analysées en profondeur. Coup d’oil dans le rétro.
En matière de population, les chiffres ont toujours une guerre de retard. Lorsqu’une opération de régularisation a été décidée par le gouvernement Verhofstadt I, en 1999, le nombre des sans-papiers était estimé à environ 100 000 personnes. La mesure a permis de faire sortir de la clandestinité 42 000 étrangers, conjoints et enfants compris, avec le soutien d’une partie de la société civile, qui a pris fait et cause pour ces familles.
Comment les régularisés se sont-ils débrouillés dans leur nouvelle vie ? Fin 2006, le Centre pour l’égalité des chances a commandé une étude sur la base des fichiers (anonymes) d’un échantillon de 577 personnes, obtenus via la Banque Carrefour de la Sécurité sociale. La recherche a été complétée par des entretiens approfondis avec 116 personnes ayant accepté de dévoiler leur parcours avant, pendant et après la régularisation.
Au moment de l’enquête, 68 % de ces répondants avaient trouvé un emploi, 14 % étaient chômeurs, 9 % dépendaient du CPAS et 10 % restaient au foyer. Pas mal. Pour mémoire, la population d’origine marocaine, d’implantation plus ancienne, offre l’image d’une moins bonne insertion, avec 32 % de chômeurs et 14,3 % de femmes et de filles à la maison. Cependant, à regarder l’ensemble de l’échantillon, des chiffres moins positifs apparaissent : 51 % des régularisés ont un emploi et 14 % et 19 % d’entre eux reçoivent des allocations de chômage et du CPAS, avec 16 % de personnes au foyer.
Les chercheurs relèvent que, juste après la régularisation, il s’est produit une ruée vers les CPAS, y compris de sans-papiers qui n’avaient jamais rien demandé aux pouvoirs publics, fût-ce comme tremplin vers le régime du chômage. Des entretiens individuels il ressort aussi que l’acquisition de la nationalité belge a été vécue sur le registre des » droits » (de circuler dans l’espace Schengen, d’être protégé, etc.) plus que de la citoyenneté.
L’analyse de ces quelques tranches de vie révèle que le meilleur profil est celui des sans-papiers arrivés relativement récemment en Belgique. Ils vivent en Flandre (où l’encouragement à l’intégration est plus vigoureux et le marché de l’emploi, plus porteur) plutôt qu’en Wallonie ou à Bruxelles. Autre caractéristique des mieux intégrés d’aujourd’hui : ils ont été régularisés alors qu’ils avaient déjà atteint le stade de l’examen au fond de leur demande d’asile politique. D’une certaine façon, ils connaissaient les institutions du pays.
Après 2000, le ministre de l’Intérieur a continué à procéder à des régularisations humanitaires sur un mode mineur. Entre 2005 et 2008, 22 065 personnes ont obtenu une autorisation de séjour. Ces régularisations font actuellement l’objet d’une étude du Centre pour l’égalité des chances. Le but est, sans viser la » traçabilité » parfaite, de connaître le statut des personnes fraîchement régularisées (présence sur le territoire, retour dans le pays d’origine, emploi…). En théorie, il serait possible de connaître la situation réelle d’ensemble : les données sont là. Encore faut-il avoir envie de les mobiliser.
Mais comparaison n’est pas raison. Le passé n’est pas nécessairement prédictif du futur. Les âges, provenances et motifs de demande de régularisation vont sans doute révéler, en 2010, une tout autre physionomie des migrations illégales. Une partie seulement des clandestins actuels obtiendront des papiers ou du travail. La crise économique a créé une nouvelle donne et les CPAS se préparent à la mobilisation générale.
MARIE-CÉCILE ROYEN
seule une partie des clandestins auront des papiers
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