Agnès Guillaume, une personnalité plurielle. © Patricia mathieu

L’image juste

Vidéos, oeuvres sur papier, tirages de matière organique, broderies… La Belge Agnès Guillaume montre toute l’étendue de son talent aux Musées royaux des beaux-arts de Belgique, à Bruxelles.

Agnès Guillaume (Louvain, 1962) fait valoir une personnalité complexe, plurielle. Après des études de droit et de philosophie, un tribut payé à une  » éducation des plus classiques « , c’est dans le chant et le théâtre que cette fille de diplomates fait carrière. Electron libre, elle s’essaie également à l’écriture. Hélas, rien de tout cela ne la satisfait pleinement. Pour cause, l’intéressée n’a pas une âme d’interprète d’une part et, de l’autre, elle vit le rapport au texte comme trop solitaire et trop cérébral. C’est alors que  » la vidéo m’est tombée dessus « , comme elle l’explique. En elle existait ce vide, cette disponibilité nécessaire permettant d’emprunter une voie inédite. Elle cite Flaubert :  » Quand on a quelque chose dans le ventre, on ne meurt pas avant d’avoir accouché.  »

La révélation en question a lieu à un moment précis. Au printemps 2010, deux expositions new-yorkaises la retournent. La première donne à voir les fameux pleurants des tombeaux des ducs de Bourgogne, des statuettes en albâtre sorties de leurs alcôves et disposées deux par deux sur un catwalk. La seconde consiste en une rétrospective, augmentée de propositions vidéo, consacrée à William Kentridge, l’artiste sud-africain.  » Cela a déclenché quelque chose en moi. Je suis rentrée en Europe et j’ai retrouvé dans mon ordinateur des notes que j’avais prises dix ans plus tôt. J’y décrivais des images qui m’étaient passées par l’esprit… J’ai eu envie de donner corps à cette fabrique intérieure qui dormait en moi depuis une décennie « , raconte Agnès Guillaume.

Trois mois après, elle tourne. Tout s’impose à elle avec une limpidité inouïe, depuis le fait que le support technique soit la vidéo jusqu’à l’idée d’une projection sur quatre écrans.  » Le premier jour de tournage s’est effectué avec 40 figurants et une équipe de 15 personnes sans le moindre accro. Je n’avais jamais fait un cadre, pourtant cela s’est imposé à moi avec la force d’une évidence. Pareil pour la direction, la postproduction… Depuis, je n’ai plus cessé « , confie l’ex-chanteuse classique.

Andante, My Nights, My Fear et, surtout, You Said Love is Eternity – un lumineux triptyque agençant des mains, une pomme et un oignon rouge -, l’oeuvre vidéographique d’Agnès Guillaume renvoie vers une vaste tradition picturale. On pense à des tableaux en mouvement évoquant un ailleurs  » ouvert et polysémique « . Il faut avoir en tête ce qu’écrivait à son propos Christophe Leribault, le directeur du Petit Palais à Paris :  » L’art vidéo est au court métrage ce que la poésie est au roman : le narratif y cède au visionnaire « , couplé à ce que disait Sartre du poète comme un être ayant un rapport tacite, non instrumental, au monde… pour se faire une idée de la pratique d’Agnès Guillaume. Dans la foulée de l’auteur de La Nausée, on dira que la plasticienne  » se sert moins des images qu’elle ne les sert « . Le tout enrobé d’une grande précision rythmique et formelle. Comme elle le rappelle :  » Ce qu’il faut retenir de ma vie de musicienne, c’est ce que j’en garde aujourd’hui, à savoir la nécessité d’être juste en toute circonstance. « 

4My’s +, Agnès Guillaume : aux Musées royaux des beaux-arts de Belgique, à Bruxelles, jusqu’au 28 juillet prochain. www.fine-arts-museum.be.

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