L’homosexualité est dans la nature

Il n’y a pas que la reproduction : une sélection érotique pourrait bien être le moteur de l’évolution des espèces.

Il n’est pas question pour l’homme de raison que je crois être d’entrer dans la querelle sur la légitimité du mariage gay. L’institution du mariage est déjà devenue suffisamment problématique aujourd’hui lorsqu’il s’agit d’une union hétéro pour ne pas l’encombrer de polémiques inutiles sur un acte qui n’est rien d’autre que l’affirmation publique de l’amour échangé entre deux individus de sexe différent ou identique. Union contre nature diront certains. En réalité, l’homosexualité est une véritable  » exubérance biologique « , selon le mot de Bruce Bagemihl. On peut ajouter qu’elle remet en cause les fondations mêmes de la théorie de la sélection sexuelle de Darwin, qui a aujourd’hui presque valeur universelle. Celle-ci fait de la reproduction la cause ultime de l’acte de chair, comme disent les bons pères. Il y a là une ironie sans égale, quand on songe que ce sont les intégristes religieux, ceux-là mêmes qui dénoncent le mariage homosexuel, qui récusent la théorie darwinienne de l’évolution au profit d’un créationnisme dont l’odeur écoeurante d’encens flotte encore dans des églises où l’intolérance le dispute à l’incohérence.

Pour les scientifiques, la vérité est toujours relative. Pour les  » néodarwiniens  » de stricte obédience, l’homosexualité n’est simplement pas possible. On pourra consulter à ce sujet l’excellent livre de Thierry Lodé, La Guerre des sexes chez les animaux (Odile Jacob). Pourquoi les comporte- ments homosexuels existent-ils chez 450 espèces animales ? Nos joyeux amis les dauphins aiment vraiment les ébats gays. Chez les éléphants de mer, les jeunes écartés des femelles par la violence du grand dominant deviennent homosexuels. Il n’est pas assuré que ce soit par frustration, mais plutôt que se manifeste là un irrépressible besoin de plaisir et d’amour. De même, chez le macaque, la pénurie de femelles pourrait être en cause. Mais il y a des raisons plus convaincantes, comme le renforcement des structures sociales. Les lions aussi forment des couples de mâles, parfois apparentés, et consentent des pénétrations anales avec d’autres caresses homosexuelles. C. Beach, grand sexologue, parle de comportement hétérotypique, qu’il décrit principalement chez les femelles. Qui d’entre nous n’a observé les indolentes vaches, tribades de nos prairies ? Bien sûr, en favorisant l’activité de reproduction, l’orgasme, aussi bien masculin que féminin, possède d’abord une fonction immédiate liée au sexe. Les bonobos aiment ouvertement le sexe et passent leur vie à le pratiquer.

De nombreux arguments plaident en faveur d’une sélection érotique fondée sur l’amour de l’autre et le plaisir qui lui est associé comme moteur principal de l’évolution des espèces. Cette brève chronique ne me permet pas de discuter les bases biologiques spécifiques de l’homosexualité. Les avis sont partagés au sein des communautés gays elles-mêmes, sur l’éventualité d’une origine génétique ou, plus probablement, d’une empreinte sociale précoce qui induirait une orientation sexuelle tournée vers le même sexe. Quelle que soit la théorie adoptée, l’homosexualité est un phénomène naturel, et la justification unique du mariage est l’amour qu’un humain porte à un autre, dans lequel le sexe est roi, si tant est, comme le dit Schopenhauer,  » qu’il n’est royauté que sexuelle « .

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